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« Portrait de Rita » : Laurène Marx de retour au combat

A voir, Bruxelles, Le Mans, Les critiques, Lille, Paris, Strasbourg, Théâtre
Laurène Marx crée Portrait de Rita avec Bwanga Pilipili
Laurène Marx crée Portrait de Rita avec Bwanga Pilipili

Photo Pauline Le Goff

À travers l’histoire de Rita Nkat Bayang et de son fils Mathis, victime de violences policières alors qu’il n’avait que neuf ans, l’autrice Laurène Marx s’attaque, avec une précision chirurgicale, au racisme et à la misogynie systémiques, et révèle, grâce à la puissance de jeu de Bwanga Pilipili, leurs conséquences néfastes jusque dans l’intimité des êtres et des vies.

Le 5 septembre 2023, alors qu’elle est en train de faire ses courses, Rita Nkat Bayang reçoit une succession d’appels sur son portable. À l’autre bout du fil, s’impatiente la directrice de l’école primaire d’enseignement spécialisé de Nalinnes, une petite bourgade non loin de Charleroi, en Belgique, où son fils Mathis est scolarisé. Elle demande à Rita de venir « tout de suite » chercher son fils car « il a fait des bêtises ». Incrédule devant tant d’empressement, Rita Nkat Bayang saute dans un taxi pour se rendre sur place et reçoit, en chemin, un autre coup de téléphone. Cette fois, c’est la police, appelée en renfort par l’établissement scolaire. « Il faut que vous arriviez tout de suite », insistent les fonctionnaires, comme si Rita était dotée de je ne sais quel pouvoir de téléportation. « Mais je peux pas ! Pour arriver, il faut que j’arrive ! », leur rétorque la mère de famille, avant de se voir répondre : « Ah vous pouvez pas ? Vous pouvez pas ou vous voulez pas madame ? ». Une question rhétorique qui traduit parfaitement le climat de tension et de suspicion alors à l’oeuvre. À son arrivée à l’école, Rita Nkat Bayang découvre ce qu’une mère ne devrait jamais voir, son fils de neuf ans plaqué au sol par un policier, les bras dans le dos, un genou sur le corps, dans une position – due à un plaquage ventral – qui n’est pas sans rappeler celle qui avait coûté la vie à Georges Floyd en mai 2020. Voyant son fils totalement immobile, Rita est prise de panique et se met à filmer la scène, captant une vidéo qui, une fois diffusée, devient virale sur les réseaux sociaux. Quelques jours plus tard, la mère – aujourd’hui séparée de son fils – porte plainte, mais le parquet ne tarde pas à la classer sans suite. Comme si, finalement, rien ne s’était passé.

Cette histoire qu’elle découvre quelques semaines plus tard à l’occasion de la lecture d’un texte lors de « La Nuit de l’amour » organisée aux Halles de Schaerbeek, Laurène Marx décide de s’en saisir, non pas pour mener elle-même l’enquête, mais pour remonter le fil de l’histoire de Rita Nkat Bayang. En tandem avec la comédienne Bwanga Pilipili, elle conduit une série d’entretiens avec la mère de famille pour esquisser son Portrait, qu’elle présente en cette rentrée à Théâtre Ouvert, dans le cadre du Festival d’Automne à Paris. Originaire de Yaoundé, au Cameroun, Rita était une jeune femme « fière », qui n’avait « peur de rien », promise à un joli destin, jusqu’à ses 21 ans où, à l’occasion d’une soirée, des « amis » de son père la droguent, la violent et la brisent. Fille d’un « chef de l’anti-gang », elle se réfugie alors dans la solitude. Encouragée par son entourage, elle choisit un jour « d’aller sur des sites » pour tenter de sortir de sa torpeur en discutant avec d’autres personnes. C’est là qu’elle commence à faire la connaissance d’un certain Christian, qui accepte, à la suite de moult échanges, de venir la voir à Yaoundé. Après un premier voyage, bientôt suivi d’un second, l’homme se montre pressant. Malgré sa vie maritale, il souhaite que Rita, qui ne cherche de son côté qu’une « amitié », vienne vivre en Belgique, lui propose une belle somme d’argent et va même voir son père pour lui demander la main de sa fille. Le patriarche refuse, mais ne tarde pas à décéder, et Christian, désormais divorcé, se fait alors de plus en plus insistant, redoublant de belles promesses. De guerre lasse, devine-t-on, Rita se laisse convaincre et s’envole vers la Belgique, en espérant qu’ils reviendront un jour habiter au Cameroun.

À peine arrivée dans le froid de Tinlot, la jeune femme déchante, et se retrouve rapidement propulsée dans un vortex de violences, dont Laurène Marx, et c’est le coeur (com)battant de son Portrait, décrit parfaitement, et avec force, les multiples affluents. Soumise aux pulsions sexuelles frénétiques de Christian qui la fétichise, elle est contrainte d’y répondre jusqu’à sept fois par jour ; chargée de s’occuper de la mère de son compagnon, qu’il vient de retirer de l’Ehpad, elle doit supporter son comportement acariâtre et son racisme décomplexé – « Après les Allemands, ce que je hais le plus, c’est les nègres… », lui dit-elle un soir alors qu’elle est en train de la laver –, dont sa petite-fille, Jenyfer, n’hésite pas à reprendre le flambeau en glissant à la table du dîner : « Ça pue le singe ». D’abord conciliante devant ce flot de haine, Rita se rebelle bientôt, et provoque l’ire de Christian, qui se met à la frapper alors qu’elle est enceinte. Après l’intervention de la police, la jeune femme est placée dans une structure pour la protéger, mais, tandis qu’elle veut rentrer au Cameroun, elle apprend qu’elle est contrainte de rester en Belgique, car elle porte en elle l’enfant de Christian. De cette prison cruelle et douloureuse, Laurène Marx examine précisément les barreaux et les mâchoires acérées. Sans jamais tomber dans le misérabilisme, qui n’a jamais été, comme elle l’avait déjà prouvé avec Pour un temps sois peu, sa marque de fabrique, elle révèle les ressorts et les conséquences intimes du racisme et de la misogynie systémiques et intériorisés. En prenant bien garde de ne pas s’approprier le récit de Rita – régulièrement convoquée à coups de « Rita elle dit » –, elle s’en fait plutôt le porte-voix, et lui adjoint, dans un tissage textuel serré, et sans aucune couture, le regard de Bwanga Pililipi, elle-même victime de racisme et de misogynie en tant que femme noire, et le sien, celui d’une autrice trans blanche, qui connaît parfaitement les ravages de la fétichisation et de la déshumanisation.

Écrit dans un style volontairement oral, le texte de Portrait de Rita confirme le caractère on ne peut plus acéré de la plume de Laurène Marx. Politique, rebelle et à la pointe des combats, elle enchaîne les punchlines comme autant d’uppercuts bien sentis – « Elle sait qu’elle mettra qu’une seule étoile dans les commentaires sur Yelp / ‘bon accueil, la nourriture pas mauvaise mais seul bémol, les gens sont ultra racistes’ » ; « il a sa sociabilité de blanc, quand il rentre dans une pièce, on dirait Napoléon qui voit une pyramide, tu sens bien qu’il a envie de poser un drapeau dans le pot de fleurs » –, et vise précisément là où le bât blesse, à la racine des maux qui autorisent les Blancs, les hommes, la police à se croire supérieurs, pour mieux leur tordre le cou. Ce mélange d’humour noir et distancié, de colère sourde et d’extrême sensibilité offre un substrat de choix à Bwanga Pilipili qui, avec une incroyable aisance – malgré la présence d’un prompteur le soir de la première –, en fait briller les différentes teintes et la puissance révoltée. Seule en scène devant un micro à pied, façon stand-up, la comédienne, cintrée dans une superbe robe orange à motifs, et profitant des lumières de Kelig Le Bars qui sculptent adroitement le plateau nu, s’approprie le flow si particulier de Laurène Marx et navigue habilement entre les registres de jeu, passant de l’émotion empathique au trait d’esprit rageur, tout en ménageant les effets de rupture. De cette performance terrienne et bravache, émerge une force de vivre et de dénoncer, conforme à celle que Rita Nkat Bayang a aujourd’hui comme moteur. En croisant leurs regards et en unissant leurs mots, ces femmes puissantes se montrent alors capables de secouer les consciences et d’attaquer un système où les violences sexistes, sexuelles, racistes et policières détruisent, quoi qu’en disent certains, des êtres et des vies.

Vincent Bouquet – www.sceneweb.fr

Portrait de Rita
Texte Laurène Marx (Éditions blast), à partir d’entretiens de Rita Nkat Bayang réalisés par Laurène Marx et Bwanga Pilipili
Avec Bwanga Pilipili
Lumières Kelig Le Bars
Direction musicale Laurène Marx
Création musicale Maïa Blondeau, avec la participation de Nils Rougé
Collaboration artistique Jessica Guilloud
Assistante Elsa Rayan

Production Cie Hande Kader / Bureau des Filles*
Coproduction Théâtre Ouvert – Centre National des Dramaturgies Contemporaines, Les Quinconces L’Espal Scène Nationale du Mans, Festival d’Automne à Paris, Théâtre National Wallonie Bruxelles, Les Halles de Schaerbeek, Collectif FAIR-E-CCN Rennes, Théâtre National de Strasbourg, Théâtre Sorano Scène conventionnée
Accueil en résidence Mars – Mons, arts de la scène, CCNRB – Collectif FAIR-E, Les Quinconces l’Espal – Scène nationale du Mans, Théâtre Ouvert – Centre National des Dramaturgies Contemporaines

Durée : 1h30

Théâtre Ouvert, dans le cadre du Festival d’Automne à Paris
du 11 au 30 septembre 2025

Les Quinconces L’Espal, Scène nationale du Mans
les 8 et 9 janvier 2026

Théâtre National de Strasbourg
du 20 au 30 janvier

Université de Lille
le 18 février

Théâtre National Wallonie-Bruxelles
du 3 au 21 mars

12 septembre 2025/par Vincent Bouquet
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