En 2006, Noémie Gantier intègre l’École du Nord après deux années au Conservatoire d’Art Dramatique de Nantes. En 2015, elle est nommée pour le Molière de la comédienne dans un second rôle pour Les Particules élémentaires de Julien Gosselin. En 2024, elle obtient le prix du Syndicat de la critique de la meilleure comédienne pour son interprétation de Modesta dans L’Art de la joie, œuvre de Goliarda Sapienza adaptée au théâtre et mise en scène par Ambre Kahan. Elle sera cette semaine sur la scène du Théâtre des Amandiers, à Nanterre, dans Anatomie d’un suicide d’Alice Birch, une mise en scène de Christophe Rauck.
Avez-vous le trac lors des soirs de première ?
J’ai un trac fou les soirs de première. À vrai dire, j’ai un trac fou tous les soirs. Je ne m’habitue pas.
Comment passez-vous votre journée avant un soir de première ?
J’erre beaucoup. J’écris des petites lettres à l’équipe de la pièce. J’essaie de manger sans y parvenir. J’essaie de faire la sieste sans y parvenir. J’essaie de me calmer sans y parvenir. En fait, je n’arrive à rien. J’ai le cœur qui bat la chamade. Je me demande pourquoi je me suis fourrée dans une merde pareille. Je me souviens que personne ne m’a forcée, que c’est mon désir. Alors, je vais au théâtre. J’y vais beaucoup trop tôt. Je vais mieux quand je suis sur les lieux. Je vérifie tout mille fois. Je fais des blagues avec les copains. Et soudain, le temps qui ne passait pas file à toute vitesse. C’est bientôt l’heure. Je suis dans un grand brouillard. Et je suis heureuse.
Avez-vous des habitudes avant d’entrer en scène ? Des superstitions ?
Chaque spectacle a son rituel propre, c’est un ballet rassurant : le rendez-vous coiffure ; le rendez-vous maquillage ; la pose du micro et le scotch que l’on remet dix fois pour être sûr que ça tienne. L’habillage, c’est mon moment préféré. Je me déleste un peu de moi. Je n’ai pas vraiment de superstitions, ou j’ai trop peur de les divulguer. Elles doivent rester secrètes, comme des rendez-vous fantômes, ou comme des trucs de magicien.
Première fois où vous vous êtes dit « Je veux faire ce métier » ?
Je ne me souviens plus vraiment. Je crois que ce sont les autres qui m’ont mis ça en tête. Je n’y avais pas pensé toute seule, je n’avais pas osé. C’est quand je me suis retrouvée là, quand c’est devenu mon métier, que je me suis rendu compte que c’était la chose que je désirais le plus au monde. Comme à rebours. J’aurais eu honte de désirer une si grande chose. Je me serais trouvée trop présomptueuse, j’aurais eu trop peur d’échouer.
Premier bide ?
Lors du spectacle de fin d’année en moyenne section maternelle. J’étais sur-préparée, j’avais tout donné sur le tutu. Je me suis avancée sur la poutre. Je devais la traverser avec grâce en brandissant une baguette magique en carton. Tout était millimétré. Je n’ai pas compris ce qui s’est passé. J’ai à peine fait deux pas sur la poutre que le spectacle a été terminé. La maîtresse a dit bravo. Je n’avais rien fait. J’étais défaite, profondément humiliée. Finalement, je suis peut-être devenue actrice pour finir ce spectacle avorté et avancer enfin sur cette poutre avec ma baguette magique.
Première ovation ?
Les Particules élémentaires avec Julien Gosselin. Avignon, 2013 ou 2014, je ne sais plus, lors de la première. On était morts de trouille. Personne ne nous connaissait. Aux saluts, la salle s’est levée d’un coup. C’est l’un des souvenirs les plus forts de ma vie d’actrice.
Premier fou rire ?
Sur scène ? Avec mon ami et magnifique acteur Antoine Ferron. On avait 20 ans. On répétait Roméo et Juliette ensemble. On ne pouvait pas aligner trois mots en répétitions sans pleurer de rire. C’était un grand moment de joie.
Premières larmes en tant que spectatrice ?
Je crois que la première fois c’est avec Kaddish, pour l’enfant qui ne naîtra pas, mis en scène par Joël Jouanneau. C’était un monologue joué par Jean-Quentin Châtelain. Le spectacle s’ouvrait sur un « non ». Un non immense. Hurlé, métaphysique, inouï. J’ai pleuré dès la première seconde. Ce non a marqué ma vie, imprimé quelque chose.
Première mise à nu ?
Les Particules élémentaires, là encore. Au sens propre comme au sens figuré. Nue sur scène pour la première. Le corps et le coeur. Le travail avec Julien Gosselin sur ce rôle avait été magnifique. Je ne me suis pas vraiment rhabillée depuis, moi qui me cachais beaucoup.
Première fois sur scène avec une idole ?
J’ai eu l’immense privilège de jouer avec des actrices et des acteurs magnifiques au fil des années. Mais je dois vous avouer que je suis particulièrement émue de me retrouver sur scène avec Audrey Bonnet et Servane Ducorps dans Anatomie d’un suicide. Je les admire tant.
Première interview ?
Je crois que c’était du temps où je faisais beaucoup de piano, toute jeune. J’avais participé à une espèce de « bal Chopin » dans un lieu nantais qui a brûlé depuis. J’avais 17 ans et le journal local m’avait posé quelques questions. J’avais été très fière.
Premier coup de cœur ?
Quand j’ai appris à lire. Ça a été un choc, une épiphanie. J’ai su tout de suite que ça allait être quelque chose d’essentiel dans ma vie. Je me souviens de la graphie des mots sur la page de mon livre de lecture comme d’une splendeur. Et mon premier coup de coeur théâtral, c’est La chambre d’Isabella de Jan Lauwers. Dès que j’entends la musique de ce spectacle, je pleure, et je me souviens pourquoi je me suis retrouvée à vivre cette drôle de vie.
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