Initié au théâtre en Auvergne, Logan de Carvalho passe un an au conservatoire de Clermont-Ferrand, et intègre ensuite l’École Nationale d’Art Dramatique de Saint-Etienne en 2008. En 2017, Il commence l’exploitation de son seul-en-scène : Moitié Voyageur, dont il signe le texte avec l’aide de Vincent Dedienne et Anaïs Harté, la mise en scène est assurée par Gabriel Lechevalier. En 2022 il écrit, interprète et met en scène [RAKATAKATAK] C’est le bruit de nos cœurs, spectacle lauréat du Prix Incandescences en 2023, actuellement en tournée et cette semaine au Théâtre des Îlets – CDN De Montluçon.
Avez-vous le trac lors des soirs de première ?
Oui. Très clairement. Et pas uniquement lors des soirs de première. Même si l’intensité du trac diminue avec les représentations, je l’ai toujours avant de monter sur scène. Ce serait même inquiétant pour moi de ne pas avoir le trac, j’aurais l’impression de commencer le spectacle avec quelque chose en moins, sans carburant.
Comment passez-vous votre journée avant un soir de première ?
Je passe une journée stressante. Je pense aux moindres détails, je passe mon temps à tout analyser pour être sûr que tout est prêt. Et quelques heures avant le début de la représentation je relâche, je fais le vide, je me rends disponible au spectacle. Enfin, j’essaye… Et une heure avant de jouer, je m’échauffe et gère au mieux le trac qui monte.
Avez-vous des habitudes avant d’entrer en scène ? Des superstitions ?
Oui j’ai des habitudes, beaucoup, qui deviennent petit à petit des superstitions. En fait, je crée mes propres superstitions.
En ce moment par exemple, je fais un échauffement vocal en chantant le premier couplet de la chanson Rebenga de PNL. Le rappeur Ademo fait plein d’allitérations, de jeux avec les percussives, et c’est très efficace pour s’échauffer d’une manière non académique. J’adore.
Au départ, j’ai fait ça pour m’amuser, en déconnant. Et puis j’ai pris l’habitude… Et maintenant je ne peux pas monter sur scène sans avoir fait ce petit rituel. Mais les rituels changent. Aujourd’hui c’est ça, et dans 1 an ce sera peut-être autre chose, mais j’ai besoin de rituels, de croire à des choses, à des forces qui sacralisent un peu ma montée sur scène.
Première fois où je me suis dit « je veux faire ce métier ? »
J’ai l’impression que pour moi il y a eu comme « deux » première fois où je me suis dit cette phrase. La première, c’est très tôt, pendant l’enfance en regardant des comédies populaires françaises et américaines à la télévision. Je ne sais plus si c’est en regardant Louis de Funès ou bien Jim Carrey, mais ma fascination pour le jeu d’acteur et ce métier est arrivé comme ça. L’envie de faire rire, de jouer la comédie, de jouer comme un enfant toute sa vie, il me semble en avoir rêvé à ce moment-là. Et puis l’adolescence est arrivée et ce rêve s’est tari. Ou plutôt il a disparu avec la réalité et je dirais le déterminisme social. Je viens d’un milieu social prolo-France-Moyenne où les carrières artistiques n’existent pas. Je pense qu’enfant je rêvais d’être acteur tout en me disant que je ne pourrais jamais l’être. Ce rêve ne pouvait qu’en rester un, et je m’y étais fait.
Et la deuxième première fois, c’est bien plus tard, à la fac. La vie m’a déjà joué des tours et m’a sorti des sentiers battus puisque déjà j’étais à la fac (je suis la seule personne de ma famille à être allée à l’université). Et je décide en repensant à mon enfance d’essayer un atelier de théâtre. Et je me souviens très bien : après avoir joué le rôle du Bourgmestre dans le Revizor de Gogol lors d’un atelier mené par Jean-Luc Guitton à Clermont-Ferrand, je me souviens très bien sortir de scène après la première et sentir qu’il se passe quelque chose dans le regard des gens et me dire « ah tiens, je suis peut-être bien doué pour faire ce truc-là, ça peut marcher ». Et ça tombait hyper bien parce que j’adoooooorais ça.
Premier bide ?
À Avignon, lorsque que j’ai joué mon seul en scène “Moitié Voyageur” le jour et à l’heure de la finale de la coupe du monde de football avec la France en finale…La salle était quasiment vide… Et partir pour 1H20 en solo devant une salle quasiment vide n’est pas la chose la plus aisée ni la plus agréable.
Je ne sais pas si cette date était un bide, mais elle me vient à l’ esprit quand on me pose la question.
Première ovation ?
Là aussi c’est mon seul en scène “Moitié Voyageur”, qui à l’époque s’appelait “Moderne”.
C’est la première. Je joue au centre culturel Place des Fêtes à Paris devant une salle remplie de regards bienveillants, des amis, la famille. Je raconte ma vie et celle de ma sœur, et même si le spectacle était loin d’être parfait et même pas encore tout à fait terminé, les gens avaient à cœur de soutenir cette prise de risque. Dans mon souvenir, c’était une ovation parce que cette date m’a permis de croire au spectacle.
Premier fou rire ?
Je n’ai jamais eu de fou rire en pleine représentation. Mais en revanche, j’ai eu plein de fous rires en période de création avec mes partenaires. Il est important de rire en faisant ce métier. Si on fait ce métier sans humour, on est foutu. Il faut de l’humour, de l’humour sur soi pour ne pas trop se prendre au sérieux (même si on fait les choses sérieusement) et de l’humour dans son travail, pour moi c’est essentiel.
Premières larmes en tant que spectateur ?
Il y en a peut-être eu avant, mais le premier souvenir qui me vient en tête pour parler des larmes ce serait devant le spectacle “Incendie” de Wajdi Mouawad.
La guerre, les dilemmes cornéliens, les grandes émotions, les comédiens et comédiennes incroyables avec un jeu d’une générosité folle, des destinés tragiques. Tous ces ingrédients m’avaient emporté dans des tourbillons de larmes. Et j’ai gardé, je crois, dans mon théâtre ce goût pour les grands sentiments, les grandes fables, la générosité dans le jeu.
J’aime quand on y va !
Première mise à nu ?
“Moitié Voyageur”, le premier spectacle de ma compagnie. Un seul en scène que j’interprète et que j’ai écrit accompagné par Vincent Dedienne et Anaïs Harté, dans une mise en scène de Gabriel Lechevalier. Ce spectacle est une mise à nu. Je reviens sur mes origines gitanes, je raconte mon rapport à ma famille, mon transfuge vers le monde du théâtre. Je me raconte à travers l’histoire de ma sœur. De toute façon, le premier spectacle qu’on écrit est toujours une mise à nu, je pense. Comme s’ il fallait commencer par là.
Première fois sur scène avec une idole ?
Je n’ai pas vraiment d’idole. Ou plutôt, c’est l’inverse ! J’en ai énormément. Puisque dans tous les projets que j’ai pu faire, au bout d’un moment, mes partenaires de jeu deviennent mes idoles. Je finis donc toujours par jouer avec mes idoles, et ça c’est super sympa !
Première interview ?
C’était sûrement une interview de La Montagne – journal régional Auvergnat, mais alors pourquoi et quand ? Impossible de me souvenir… déso.
Premier coup de cœur ?
Mon premier coup de cœur n’a pas eu lieu en voyant un spectacle dans une salle de théâtre. Mon premier coup de cœur, c’est voir ma mère, un peu saoule il faut bien le dire, chanter Dalida avec une interprétation très particulière de Gigi l’amoroso… Une interprétation qui fait rire tout le monde. Une interprétation qui inonde l’assistance de joie. Ma mère – la gitane – lorsqu’elle chante Dalida devant nous, devant sa famille, elle nous permet de faire communauté, et elle fabrique des souvenirs impérissables. Si vous aviez vu ça, je suis sûr que vous aussi vous auriez eu envie de faire du théâtre.
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