Les nouveaux horizons de Dalila Belaza
Rive, création de saison au festival Montpellier Danse, aura confirmé le talent chorégraphique de Dalila Belaza. Portrait lumineux.
Une Belaza peut en cacher une autre. Ou mieux, la dévoiler. On connaissait Dalila Belaza, l’interprète, on découvre son double, la chorégraphe. En une poignée de projets, elle a capturé sa propre lumière. « Nous avons toujours partagé, avec ma sœur Nacera, la conviction qu’«être» au plateau est une question urgente. Une question qui demande de déployer une conscience des profondeurs de l’être humain. C’est partir en quête d’équilibres fragiles en soi et en relation au monde, à des mondes » résume Dalila Belaza.
Son travail d’interprète dans les pièces de Nacera Belaza a permis à la soliste de se réaliser à travers une recherche de création à la fois nécessaire et rare. « Je poursuis ma route consciente de ces sillons creusés. Je crois que me confronter à l’acte de la chorégraphie, aujourd’hui, est une nécessité à laquelle je me livre non pas pour me prouver des choses mais parce que c’est une manière d’accueillir et donner voix à une vision qui continue d’ouvrir l’horizon. Je fais face à de nouvelles étendues qui me permettent de continuer de grandir ».
Ainsi, elle s’est confrontée à d’autres grammaires du corps, puisant du côté des danses traditionnelles et de la transe la matière de sa pièce Au Cœur. Sur le plateau, un ensemble de danseurs et musiciens aveyronnais s’abandonnaient aux variations de Dalila Belaza. Cette dernière interroge l’identité au présent pour trouver un ancrage qui ne se relie pas qu’au passé. La preuve par Rive, créé au festival Montpellier Danse cet été. Un éblouissement. « Rive, selon moi, est une façon de marquer le passage d’un folklore à une forme de rituel abstrait. Revenant à nouveau à la question de la communauté dans le sens d’être et de faire corps ensemble, dans une présence de soi à soi, et de soi avec les autres ».
La chorégraphe s’appuie sur la question du rythme donné par le pas de bourrée présent dans la danse, et qui traversait déjà Au cœur. Interpréter ce rythme en convoquant ce qu’il représente au départ dans sa culture d’origine et le redécouvrir dans l’instant. « J’ai voulu m’atteler à sa persistance et la possibilité de son déploiement dans le corps et dans l’espace. Ma pensée était de partir de cet élément de rythme, existant dans ces danses traditionnelles, et l’emmener ailleurs. L’intuition qu’en écoutant rigoureusement ce rythme comme élément détaché de tout « folklore », en le libérant des conjonctures qui l’encadrent, je pouvais entendre son amplification naturelle. Cette trajectoire depuis un territoire connu vers un absolu et vers une libération m’importait énormément ».
Dalila Belaza parle encore de « dénuder » le rythme de son contexte premier. « C’est l’endroit où précisément se décloisonne la frontière entre les dimensions passée et présente du temps. C’est là que se crée la possibilité de faire exister et se mêler dans le même temps des mémoires passées et une existence présente ». Dans un incessant va-et-vient de mouvements et de lumières, la chorégraphie de Rive emportait le spectateur dans une dimension parallèle.
En 2024, année olympique oblige, Dalila Belaza participera à une parade sous la houlette de la MC93 et du collectif La beauté du geste, soit huit lieux de création et de diffusion de Seine Saint-Denis. « Mon idée est de rassembler tous les participants-es autour d’un mouvement organique et musical qui repose autant sur le chant que sur le mouvement … Je me représente ce projet comme à nouveau une occasion d’inventer un corps commun, un corps collectif ». De la danse jazz, pratiquée par un premier groupe de jeunes filles, jusqu’à la dynamique du groupe, Dalila Belaza élargira un peu plus ses horizons.
Philippe Noisette – www.sceneweb.fr
Le palmarès 2023 de Philippe Noisette
Danse
Création internationale : Exit Above, Anne Teresa De Keersmaeker
Création française : Rive de Dalila Belaza
Théâtre
Un sacre, Lorraine de Sagazan
Espoir(s)
Solal Mariotte (découvert dans Exit Above)
Marina Gomes (découverte au festival de Marseille)
Ensemble
La (nouvelle) Ronde, Joahnny bert
G.R.O.O.V.E, Bintou Dembélé
Interprète de l’année
Germain Louvet
Déception de l’année
Einstein on The Beach ( Susanne Kennedy & Markus Selg)
Personnalité de l’année
Sara Forever (Matthieu Barbin)
Hommage de l’année
(M)imosa de et avec Trajal Harrell, Cecilia Bengoleao, François Chaignaud et Marlene Monteiro Freitas
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