On nous prédit l’éclatement de l’Europe économique pour la fin de l’année. L’Europe en crise se fragilise. C’est dans ce contexte de peur fomenté par les milieux financiers et les milieux politiques que se tient à Reims jusqu’au 17 décembre, le Festival Reims Scènes d’Europe. Des artistes viennent échanger leurs points de vue sur la société. Et si la vraie Europe continuait à se dessiner à Reims. Rencontre avec Ludovic Lagarde, directeur de la Comédie de Reims.
Est-ce que c’est un acte politique d’afficher les couleur de l’Europe pour ce Festival 2011 alors que l’Europe parait bien mal en point en cette fin d’année ?
C’est vrai que depuis quelques mois les choses s’accélèrent tellement que c’est assez très étrange de se retrouver à Reims pour parler de l’Europe. On se retrouve avec un Festival qui revendique quelque chose qui est en train de s’autodétruire. C’est un sentiment assez curieux.
Cela permet de se poser la question de la place de Culture dans la société d’aujourd’hui
Et delà de cela, le Festival fait le constat qu’avec la globalisation, les artistes européens s’interrogent sur les questions d’identité, les questions sociales. Ces questions qui n’ont pas su construire l’Europe au niveau politique. On en est réduit à des évènements économiques qui peuvent faire tout exploser. Il y a un fossé qui se creuse entre la vraie nécessité politique de l’Europe et sa constitution telle qu’elle a été réalisée et telle qu’elle est en train de battre de l’aile de manière terrifiante. C’est une vraie terreur de voir cette Europe exploser.
La culture va-t-elle sauver l’Europe ?
Pas du tout. J’aime bien la phrase de Vilar : « un société a le théâtre qu’elle mérite ». Il ne faut se pas se leurrer, la culture ne sauve jamais rien. Mais simplement cette communauté de gens qui travaille et qui réfléchit avec le public à de vrais sujets, à la réalité, et non pas à des bulles ou à des spéculations, c’est une réalité dont a besoin en ce moment pour être ensemble, solidaire, et réfléchir.
La Suède est l’un des invités importants de Reims Scènes d’Europe. Vous avez mis en espace la dernière pièce de Henning Mankell qui s’appelle justement « Politique »
C’est une pièce qu’il a écrite récemment qui vient juste d’être créée en Suède. Elle aborde l’assassinat d’Olof Palme avec toutes ses considérations politiques. Elle met l’accent sur un moment historique déterminant. Cette période de l’effondrement du bloc communiste, où il y a un espoir très bref d’un contre modèle de société entre le capitalisme et la social-démocratie pour faire obstacle à l’ultra libéralisme et au modèle américain. On voit aujourd’hui à quel point il a investi la planète. On en voit les ravages. La pièce pointe ce tournant là. Elle évoque aussi la question de la violence. Mankell est obsédé par l’arrivée de la violence dans nos sociétés. Il se sert de la détonation de l’assassinat d’Olof Palme dans les rues de Stockholm comme un point de départ de la violence d’une société suédoise qui a été un modèle (cette société pacifique, cette harmonie que les socialistes français citaient encore en exemple il y a deux, trois ans). Cette société est en crise aujourd’hui, comme la nôtre, avec une extrême droite qui a fait un score incroyable aux dernières élections, avec du racisme, de la violence. C’est intéressant d’analyser les années 80 pour comprendre ce qui nous arrive aujourd’hui.
Elle dit aussi des choses sur le pouvoir politique, faut-il dire la vérité ou mentir pour conserver le pouvoir ?
Cette fameuse question du cynisme dont on voit à quel point dans nos sociétés de marketing politique permanent, la vérité n’est pas une priorité…
On parle de politique, mais aussi de religion dans ce Festival avec la première en France de The Day before the last day de Yael Ronen
On avait accueilli à Reims le premier volet Troisième Génération qui tournait autour des questions de culpabilité et de responsabilité. On co-produit ce deuxième projet avec la Schaubühne de Berlin et le Théâtre National Habima. Il tourne autour de notre futur et de la religion. Il met des gens de communautés différentes qui sont dans des problématiques complexes sur un plateau. C’est un modèle de théâtre passionnant dont on pourrait s’inspirer en France.
Propos recueillis par Stéphane CAPRON
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