Mis en scène par Bruno Bouché, Clément Hervieu-Léger et Daniel San Pedro, le spectacle adapté du roman éponyme d’Horace McCoy rassemble une quarantaine de danseurs et comédiens engagés à corps perdu dans un marathon aussi fictionnel que réel.
Un homme lit un journal, un autre passe le balai, tandis qu’un troisième remet en ordre quelques éléments de décor sur ce qui a tout l’air d’être une piste. Quelque chose se trame et l’on ne sait quoi jusqu’à l’apparition d’un animateur, Rocky (Stéphane Facco), venu avec toute une équipe. Dans son costume coloré, il s’adresse au public et à la trentaine de personnes ayant colonisé soudainement la scène. « Danse », « marathon », « couple », « 10 minutes de pause » : les règles de ce qui se présente comme une compétition sont énoncées à la volée ; une course sur piste pour danseurs survoltés, prêts à repousser toutes les limites, et de la physique, et du corps.
Lorsque l’écrivain américain Horace McCoy écrit cette histoire en 1935, la Grande Dépression a eu le temps de s’installer depuis le krach boursier de 1929 et de plonger nombre d’Américains dans la pauvreté. Pour s’en sortir, des centaines d’amateurs et de professionnels s’inscrivent à des compétitions devenues populaires, les fameux marathons de la danse, espérant empocher les quelques centaines de dollars promis aux vainqueurs. Mais il faut être tenace et relever du surhomme pour remporter ces compétitions impitoyables. Hasard météorologique : les performeurs (ceux du monde réel, donc) ont dû composer avec la chaleur étouffante qui s’est abattue sur Biarritz et sa région en ce mois de septembre marqué par un été sans fin, conférant à ce spectacle programmé dans le cadre du festival Le Temps d’Aimer une dimension encore plus vraisemblable.
A l’origine de ce projet un peu fou, disons-le, il y a un trio : Bruno Bouché, directeur artistique du CCN Ballet de l’Opéra national du Rhin, Daniel San Pedro et Clément Hervieu-Léger de la Comédie-Française – ces deux derniers sont les fondateurs de la compagnies des Petits champs, co-productrice du spectacle. On achève bien les chevaux (They Shoot Horses, Don’t They?, pour le titre original) parle certes de danse, mais a tout d’un théâtre. Ces chutes, ces disputes, ces corps qui souffrent, qui abandonnent ou qui s’accrochent coûte que coûte à une récompense illusoire nourrissent ce spectacle hybride, à la croisée parfaite de deux arts. Les trois concepteurs se sont d’ailleurs inspirés de la « danse-théâtre », nouveau genre créé et popularisé dans les années 1970 par la grande chorégraphe allemande Pina Bausch, pour en réinterroger ici le concept.
44 personnes – danseurs, comédiens et musiciens compris – œuvrent à faire vivre ce marathon, aussi fictionnel que réel. Au fil des portés, des interminables tours de piste, des danses qui se succèdent sur des notes de jazz, de musiques de fanfare ou plus contemporaines, les corps se vident de leur substance. La sueur coule, parfois les larmes suivent. L’animateur se fait une joie d’accélérer la cadence ou de complexifier les règles. Seuls les plus forts doivent rester. Il faut souffrir des heures entières, des jours, des semaines voire des mois pour mériter ses dollars.
Au long de cette danse de Sisyphe, quelques apartés suspendent le temps, notamment lorsque certains personnages s’adressent au public. L’histoire du collectif entremêle ainsi celle, entre-autres, de Robert, sa partenaire Gloria, Alice, et Giselle – la figure héroïque du ballet éponyme reconnaissable en ballerine à tutu blanc est convoquée sur scène pour rappeler le sort réservé à celles et ceux qui dansent jusqu’à épuisement. Mais le spectacle vaut surtout pour les intenses moments de danse qu’il offre. Alliés à la musique jouée en live, à la légèreté et à la grâce des danseurs-comédiens, ils ne trompent personne. On achève bien les chevaux est bel et bien un spectacle rassemblant une talentueuse cohorte de jeunes professionnels qui, à défaut de tenir de l’équidé, n’a manifestement peur de rien.
Kilian Orain – www.sceneweb.fr
On achève bien les chevaux
Adaptation, mise en scène et chorégraphie Bruno Bouché, Clément Hervieu-Léger et Daniel San Pedro
Assistant mise en scène et dramaturgie Aurélien Hamard-Padis
Costumes Caroline de Vivaise
Scénographie Aurélie Maestre, Bogna G. Jaroslawski
Lumières Alban Sauvé
Son Nicolas Lespagnol-Rizzi
Coach Vocal Ana Karina RossiProduction déléguée : CCN•Ballet de l’Opéra national du Rhin / Compagnie des Petits Champs Coproduction : Maison de la danse, Lyon-Pôle européen de création / Scène Nationale du Sud-Aquitain / Maison de la Culture d’Amiens – Pôle européen de création et de production
Durée 1h25
Paris, Gymnase Japy – dans le cadre des Journées européennes du Patrimoine et des Olympiades culturelles
(Entrée libre sur réservation)
16 et 17 sept. 2023Lyon, Maison de la Danse
du 15 au 21 nov. 2023Caen, Théâtre
15 et 16 fév. 2024Opéra national du Rhin
Mulhouse, La Filature
du 7 au 10 mars 2024Strasbourg, Opéra
du 2 au 7 avril 2024Amiens, Maison de la Culture
11 et 12 avril 2024
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