Elizabeth Mazev : « Je suis un moulin à paroles »

Le début de la carrière d’Elizabeth Mazev est liée à celle d’Olivier Py, son ami d’enfance. Elle joue dans ses grandes productions, de La Servante au Soulier de Satin, et travaille avec d’autres metteurs en scène, de Jean-Luc Lagarce à Valère Novarina en passant par Jean-Pierre Vincent et Bernard Sobel. Cette semaine, elle partage la scène avec Yuming Hey et Stéphanie Pasquet dans Les Bonnes au Théâtre 14.

Avez-vous le trac lors des soirs de première ?
Ma premiere représentation professionnelle a été un cauchemar. J’ai passé la pire heure de ma vie à tenter de dire mon texte tout en essayant de décoller ma lèvre supérieure qui se collait à mes dents. Je me suis jurée de ne pas revivre ça. Quelques années plus tard, Michel Fau m’a définitivement guérie en me disant un soir de première : « le trac, ça ne sert à RIEN ! »

Comment passez-vous votre journée avant un soir de première ?
Je cherche les derniers cadeaux de première !

Avez-vous des habitudes avant d’entrer en scène ? Des superstitions ?
Aucune habitude, pas de rituels, ou alors j’en change aussitôt, je ne suis pas superstitieuse ça porte malheur, évidemment !

Première fois où je me suis dit « je veux faire ce métier ? »
Je crois bien que je ne me le suis jamais dit ! Je ne sais pas si c’est parce que c’était une évidence, ou parce que ce n’est pas un métier. Peut-être un peu de deux.

Premier bide ?
Papa de Serge Valetti, une pièce géniale, avec une distribution nombreuse et beaucoup d’acteurs extraordinaires, mais dès la deuxième il n y avait plus personne dans le hall du théâtre après la représentation, que nous ! Nous avons fait des dîners mémorables et nous avons beaucoup bu et beaucoup ri pour tirer la langue au bide.

Première ovation ?
Je ne sais pas si c’est la première mais c’est un beau souvenir après une semaine très éprouvante: La Servante à Avignon, une standing ovation de vingt bonnes minutes où le public s’est mis à crier « merci! merci! merci! » qui s’ est transformé on ne sait comment en « Bercy ! Bercy ! Bercy ! »

Premier fou rire ?
Holala je suis très rieuse, et si mes camarades le sont aussi…
Le pire : pendant Polyeucte de Corneille, mes partenaires réprimant un terrible fou rire dos au public, tandis que j’étais la seule de face…à en faire autant ! Atroce.
Le plus délicieux: pendant Les tribulations d’une étrangère d’origine un fou rire qui est parti d’Emmanuel Salinger dans le public, qu’il m’a transmis (il a un rire terriblement contagieux) et que j’ai transmis au reste du public. Le fou rire partagé avec le public est une drogue dure.

Premières larmes en tant que spectatrice ?
Ce ne sont pas les premières, mais j’ai un souvenir de sanglots violents heureusement couverts par une chanson d’ABBA, mais qui ont secoué tout mon rang du gradin avignonnais pendant Des territoires de Baptiste Amann. (Olivier Veillon est fautif !). Ma voisine de siège m’a gentiment dit à l’entracte : ça remue hein?

Première mise à nue ?
Mon père qui fonctionnait par périodes culinaires et autres un texte d autofiction, un soir de grève des transports à Malakoff, devant un tout petit public de valeureux spectateurs qui avaient bravé l’adversité pour venir quand même. En racontant cette histoire largement inspirée de la réalité, je me suis mise à sangloter comme une petite fille et je n’arrivais plus à m’arrêter. Une amie dans le public, de même, mais beaucoup plus discrètement que moi !

Première fois sur scène avec une idole ?
Je n’ai pas d’idoles, mais je dois dire que voir tous les soirs Michel Fau jouer l’actrice dans la quatrième journée du Soulier de Satin est un grand souvenir. Le public attendait ce moment, riait tous les soirs un peu plus fort, et Michel au lieu d’en faire un peu plus comme aurait pu faire n’importe qui, était de plus en plus sobre, d’une grande pureté, tragique et désespérée, une leçon de théâtre.

Première interview ?
Je ne sais plus, mais je suis un moulin à paroles. On met une pièce dans la machine et c est parti, le plus dur est de me faire taire !

Premier coup de cœur ?
La liste est trop longue je la garde pour moi, je suis un cœur de beurre!