Brigitte Fossey retrouve les planches cette semaine au Théâtre national de Nice dans Love letters de A. R. Gurney avec Jean Sorel, dans une mise en scène de Muriel Mayette-Holz. Une carrière impressionnante au cinéma, émaillée d’apparitions régulières au théâtre, sous la direction de Roger Planchon, puis de Jean-Claude Fall, Robert Fortune et récemment Anne Bourgeois.
Avez-vous le trac lors des soirs de première ?
Oui j’ai le trac les soirs de première, y a rien à faire d’ailleurs pour pouvoir m’en débarrasser donc il faut faire avec. Je me souviendrai toujours d’ailleurs le soir d’une première, je jouais L’homme en question de Félicien Marceau au Théâtre de la porte St Martin, c’était vraiment une grande première, il y avait le tout Paris, et quand je suis entrée en scène j’ai senti un coup de barre très violent au bas du dos, comme si on m’avait battue, et là je me suis parlé à moi-même, et je me suis dit « Ah non Brigitte, tu vas pas me faire ça ! » et c’est parti, et j’ai commencé à jouer. Je me suis parlé avec beaucoup d’autorité [rires]
Comment passez-vous votre journée avant un soir de première ?
J’essaye de la passer seule, tranquille, dans ma loge le plus possible. J’essaye d’arriver à 14h, trainer, faire mon yoga … d’être dans mon texte, et toute seule, d’être dans mon personnage
Avez-vous des habitudes avant d’entrer en scène ? Des superstitions ?
Avant d’entrer en scène, souvent je prends une grande respiration, je pense à l’auteur, et je lui demande de m’aider à rentrer dans son personnage. Et puis je pense aussi à des amis très proches, qui sont peut-être déjà partis dans le ciel, mais j’ai l’impression de les retrouver quand je vais entrer en scène
Première fois où je me suis dit « je veux faire ce métier ? »
C’est peut-être un jour où j’ai eu une conversation avec ma mère, je devais avoir 10/11/12 ans, et elle me disait : « tu sais il y a une petite voix à l’intérieur de soi qui vous dit ce qui est bien et ce qui est mal, et cette petite voix est toujours présente en nous, et ça s’appelle la conscience » Et puis un jour j’ai eu le sentiment que cette petite voix me disait qu’il fallait que je fasse du théâtre. Mais attention, c’est pas comme Jeanne d’Arc, j’ai pas « entendu des voix » [rires] mais simplement j’ai réfléchi à cette idée qu’au fond de nous il y a une vérité qui demeure et qu’il faut y être attentif.
Premier bide ?
Je ne me souviens pas d’un bide, mais par contre je me souviens que je me suis présentée au Conservatoire, et qu’il fallait 11 voix et que je n’en ai eu que 10 parce que Jean-Jacques Gautier m’avait retirée la sienne, dans la mesure où j’étais déjà professionnelle. Je tournais dans Le Grand Meaulnes quand j’ai présenté le conservatoire, donc j’ai été auditrice libre. Grâce à cela, j’ai pu continuer à travailler tout en assistant aux cours de Georges Chamarat, et au final c’était bien d’avoir les 2 en même temps.
Première ovation ?
C’était au Festival de Venise, j’avais présenté avec René Clément et avec Georges Poujouly Jeux Interdits et en sortant du balcon, j’étais en haut de l’escalier pour descendre dans le hall du festival, et quand j’ai descendu les escaliers, tout le monde s’est mis à applaudir. Je tenais la main de ma mère, je me suis tournée vers elle et je lui ai dit : « Mais pourquoi estce que les gens applaudissent comme ça ? » J’avais vu qu’ils avaient applaudi le film, mais je
ne comprenais pas pourquoi ils applaudissaient quand on descendait. Ma mère, parce qu’elle était géniale, m’a répondu : « ils applaudissent parce que René Clément a fait un très beau film. Comme tu étais dans le film, ils applaudissent René Clément à travers toi ».
Premier fou rire ?
En scène c’est terrible un fou rire, on a pas le droit, c’est comme les enterrements, on a pas droit d’avoir le fou rire … ou à l’hôpital … et c’est souvent dans des endroits où c’est interdit que le fou rire arrive, et c’est terrible, on y peut rien. Je me souviens, quand je jouais au Théâtre de Poche dans L’Été de Romain Weingarten il y avait un endroit où un des deux chats, en smoking, venait me dire que la dame qui habitait au dessus de chez moi s’était fait voler sa bague. Il s’est mis à bégayer et j’ai eu le fou rire car c’était un bégaiement tout à fait naturel qu’il avait, ça m’a fait hurler de rire ; ce qui fait que tous les soirs malheureusement, au même endroit, quand il disait « Il a volé la bague », il fallait que je maitrise ce fou rire. Je n’ai réussi qu’une fois sur deux ….
Premières larmes en tant que spectatrice ?
Quand j’ai vu Marius, de Pagnol. J’avais le droit de regarder les films à la télévision quand mes parents sortaient, et quand Fanny dit à Marius qu’il peut prendre la mer parce qu’elle l’aime, j’ai trouvé que c’était une abnégation extraordinaire, et ça m’a fait pleurer.
Première mise à nue ?
Qu’est-ce que vraiment se mettre à nu ?
Première fois sur scène avec une idole ?
J’ai toujours eu un culte pour Paul Newman, quand j’avais 14 ans j’ai mis sa photo dans un cadre en argent sur ma table de chevet, et quand ma mère me demandait pourquoi je lui répondais « parce qu’un jour je vais le rencontrer et travailler avec lui » Et puis un jour j’ai rencontré Robert Altman au Festival de Cannes, et je l’ai retrouvé ensuite
quand je présentais L’Homme qui aimait les femmes à Chicago et à NY. À Chicago je l’ai appelé, il m’a dit « viens à la maison » j’ai pris l’avion jusqu’à LA et quand il est venu me chercher en voiture il m’a annoncé « ce soir tu dines avec Paul Newman et tu seras sa femme dans mon prochain film » J’étais sidérée, et j’ai diné avec quelqu’un de très simple, qui revenait d’une course de bateau, tout a fait discret, direct, drôle, pétillant, charmant … simple, très simple. Quand j’ai tourné avec lui, on avait une relation très virile ; moi je savais qu’il était très timide, donc je m’étais dit que j’allais lui dire des gros mots, comme ça, ça l’a détendu, et ça s’est très bien passé ensuite …
Première interview ?
Je crois que c’était à Venise, j’étais en train de jouer à chat avec ma mère, ils m’ont appelé et j’ai répondu « je suis occupée, je peux pas » . Je l’ai quand même faite, et après il y en a eu une 2° puis une 3° … et au bout de la 3° j’ai dit « maintenant je voudrais retourner jouer à chat »
Premier coup de cœur ?
Ça a été pour Gérard Philippe. C’était une chance extraordinaire de l’avoir rencontré à Londres – où je présentais Jeux Interdits, lui présentait Les Belles de nuit de René Clair – et au petit déjeuner il m’avait aperçue du haut d’un escalier, il était descendu et m’avait prise dans ses bras. J’avais demandé un « orthographe » – car je ne savais pas qu’on disait autographe – et il avait écrit « Pour ma petite Brigitte Fossey que j’embrasse sur sa petite fossette » et j’ai toujours gardé cet autographe, je l’ai toujours suivi, il a été mon étoile … Après j’ai rencontré Jean Vilar, dans Raphaël ou le débauché de Michel Deville – qui vient de nous quitter – et j’ai parlé longuement avec Jean Vilar, et j’ai voulu faire ce qu’ils faisaient eux, c’est à dire beaucoup de théâtre ; j’ai travaillé avec Roger Planchon, ça a été
formidable, on est partis en tournée, j’ai commencé comme ça. Comme Planchon faisait un peu ce que faisait Vilar, je voulais suivre cette trace là …
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