Le théâtre national fait un pas de côté en cette fin d’année 2022 et propose pour la première fois dans sa programmation une comédie musicale américaine, La petite boutiques des horreurs, dans une mise en scène débridée de Valérie Lesort et Christian Hecq.
Maxime Pascal, le chef d’orchestre du Balcon, est survolté dans la fosse. Il se dandine au rythme de la musique jazzy-pop composée par Alan Menken et réorchestrée par Arthur Lavandier. Il y a quelques semaines, il était à l’Opéra de Lille pour diriger Freitag aus Licht de Stockausen ! Contraste saisissant, pour un chef qui n’a de cesse de vouloir briser les frontières musicales. Comme ce fut la volonté d’Olivier Mantei, l’ancien directeur de l’Opéra-Comique lorsqu’il propose à cette équipe de s’emparer de l’oeuvre mythique de Broadway.
La petite boutique des horreurs a d’abord été un film de Roger Corman, sorti en 1960, puis une comédie musicale créée à l’Orpheum Theatre en 1982, adaptée ensuite au cinéma en 1986 par Frank Oz. La même année, Alain Marcel monte la version française de la comédie musicale au Déjazet, puis au Théâtre de la Porte Saint-Martin. Maxime Pascal, Valérie Lesort et Christian Hecq ont choisi son adapation pour leur création. Et c’est heureux, car les paroles en français s’insèrent parfaitement sur la partition musicale, finement réorchestrée par Arthur Lavendier, qui conserve à la fois l’esprit de la comédie musicale, tout en y ajoutant une touche plus contemporaine et lyrique, permettant à la magnifique distribution de rayonner et de faire entendre les nuances et la diversité des voix. Les barytons Marc Mauillon et Lionel Peintre, la soprano Judith Fa et le ténor Damien Bigourdan, habitués à chanter le répertoire classique, sont ici sonorisés. Avec Maxime Pascal, ils ont su trouver des couleurs vocales qui font le trait d’union entre le lyrique et la comédie musicale.
Une mise en scène riche de fantaisies
L’histoire est un conte fantastique. Seymour (Marc Mauillon) travaille chez le petit fleuriste de quartier Mr Mushnik (Lionel Peintre). Il est secrètement amoureux de sa collègue Audrey (Judith Fa) qui partage sa vie avec un dentiste rockeur (Damien Bigourdan). Un soir d’éclipse, Seymour trouve une plante insolite, qu’il choisit d’exposer en vitrine. Cette plante carnivore, qu’il baptise Audrey II, ne se nourrit que de sang humain. Elle grandit de façon inquiétante à vue d’œil et va alors totalement bouleverser la vie du « ghetto ».
Pour mettre en scène cette histoire hors du commun, il fallait deux grands créateurs. Valérie Lesort et Christian Hecq depuis leur succès Vingt Mille Lieues sous les mers au Vieux-Colombier en 2017, où ils avaient fait entrer l’art de la marionnette à la Comédie-Française, courent de triomphes en triomphes. Il y a eu La Mouche aux Bouffes du Nord, puis Le Bourgeois à Richelieu, et dernièrement Le voyage de Gulliver à l’Athénée. Ils ont de l’or dans les mains et peuvent s’appuyer sur une équipe de créateurs innovants avec Pascal Laajili aux lumières, Audrey Vuong aux décors, Vanessa Sannino aux costumes et Carole Allemand, la créatrice des marionnettes, qui pour ce spectacle a imaginé une plante de trois tailles différentes, d’abord manipulée par les mains, puis habitée par Sami Adjali et deux danseurs. Sa voix est portée par Daniel Njo Lobé. Enfin, un sacré chœur antique mais à la sauce Dolly Parton, incarné par Anissa Brahmi, Sofia Mountassir et Laura Nanou, gratifie la pièce de commentaires acides, entouré de danseurs dirigés par Rémi Boissy.
Et c’est Favart qui chavire devant ce spectacle étincelant. Depuis les années Jérôme Savary, l’Opéra-Comique n’avait pas connu un tel brassage de son public. Qu’il est réjouissant de voir un public rajeuni à l’entracte, photographier le foyer luxuriant décoré par Louis Bernier à la fin du 19e après le deuxième incendie de l’édifice. L’institution qui a vu naître Carmen de Bizet le 3 mars 1875, s’offre une cure de jouvence. Olivier Mantei, en laissant à son successeur, Louis Langrée, une telle production, a ouvert une nouvelle page de ce théâtre national. A lui de ne pas la refermer. Après tout n’était-ce pas là le destin de l’Opéra-Comique lorsque Catherine Baron et Gautier de Saint-Edme fondent la compagnie en 1714, sous le règne de Louis XIV : offrir au public des spectacles différents d’autres institutions ?
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
La Petite Boutique des Horreurs
Nouvelle orchestration d’Arthur LavandierDirection musicale Maxime Pascal
Mise en scène Valérie Lesort et Christian HecqChef assistant Alphonse Cemin
Chef de chant Pablo Campos
Projection sonore Florent Derex
Décors Audrey Vuong
Costumes Vanessa Sannino
Lumières Pascal Laajili
Chorégraphe Rémi Boissy
Marionnettes Carole AllemandSeymour Marc Mauillon
Audrey Judith Fa
Mr Mushnik Lionel Peintre
Orin Scrivello Damien Bigourdan
Crystal Melina Mariale
Ronnette Anissa Brahmi
Chiffon Sofia Mountassir
Voix de la plante Daniel Njo Lobé
Danseurs Ismaël Belabid, Julie Galopin, Joël-Elisée Konan, Shane Santanastasio aka Lil Street Ish, Justine VoloOrchestre et son Le Balcon
Flûte Claire Luquiens
Clarinette Iris Zerdoud
Saxophones Rémi Fox, Thomas Letellier, Esteban Pinto Gondim
Trompettes Henri Deléger, Florent Cardon, Jérôme Lacquet
Trombone Mathieu Adam
Guitare électrique Giani Caserotto
Guitare basse Simon Drappier
Batterie Julien Loutelier
Percussions Akino Kamiya, François-Xavier Plancqueel
Violons Rozarta Luka, Valentin Broucke
Alto Elsa Seger
Violoncelle Clotilde LacroixCoproduction Opéra Comique, Opéra de Dijon
Comédie musicale d’Alan Menken sur un texte d’Howard Ashman. Créée à Broadway le 6 mai 1982.
Adaptation française d’Alain Marcel
Nouvelle orchestration d’Arthur LavandierBasé sur le film de Roger Corman, Scénario de Charles Griffith.
Production originelle au WPA Theatre (Kyle Renick, Directeur de production).
Production originelle à l’Orpheum Theatre, New York City par le WPA Theatre, David Geffen, Cameron Mackintosh et la Shubert Organization.Spectacle en français, surtitré en français et anglais
LITTLE SHOP OF HORRORS
est présenté en accord avec Music Theatre International (Europe) www.mtishows.co.u
et l’Agence Drama – Paris – www.dramaparis.comDurée 2h15 avec un entracte
Opéra Comique
du 10 au 25 décembre 2022Opéra de Dijon
5 et 6 avril 2023
Laisser un commentaire
Rejoindre la discussion?N’hésitez pas à contribuer !