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Entre chien et loup : un Dogville de seconde zone

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Magali Dougados

Photo Magali Dougados

Au Festival d’Avignon, Christiane Jatahy se laisse dévorer par l’intrigue de Lars von Trier et livre une pâle copie de son cloaque suffocant. Comme si son filon théâtral s’était tari.

On a vu Christiane Jatahy s’attaquer aux plus grands, magnifier Tchekhov avec What of they went to Moscow ? d’après Les Trois Soeurs, sublimer Strindberg avec Julia d’après Mademoiselle Julie, et même livrer un combat esthétique avec Shakespeare dans La Forêt qui marche, librement inspiré de Macbeth. A chaque fois, la metteuse en scène brésilienne avait su empoigner ces oeuvres-monstres, les dépouiller pour les emplir avec notre temps, ses tourments, avec ses obsessions personnelles aussi, liées au monde, politique notamment, tel qu’il ne va plus. Lors de son diptyque homérique – Ithaque et Le Présent qui déborde –, elle avait, déjà, paru quelque peu faiblir, ne pas trop savoir comment manipuler cette trame antique, maladroitement reliée à notre époque, et plus particulièrement à la crise migratoire et au sujet de l’exil. Question de monument littéraire, pouvait-on penser. Sauf que, avec Entre chien et loup, librement inspiré du Dogville de Lars von Trier, Christiane Jatahy confirme, à son corps défendant, que son filon théâtral, à trop avoir été utilisé, semble être épuisé.

Sorti en 2003, le film du réalisateur danois est de ceux qui marquent, pour le meilleur, mais aussi pour le pire. Dans un village des Rocheuses américaines, une petite communauté vit recluse, plus tournée vers elle-même que vers l’avenir, mue par un fonctionnement autarcique qui, d’emblée, fait peur à voir. Poursuivie par des gangsters qui en veulent à sa vie, Grace y débarque et, à l’initiative de Tom, à travers les yeux de qui tout est perçu, décide d’y trouver refuge. Le jeune homme a, en réalité, un grand projet en tête : prouver aux membres de sa communauté qu’ils sont traversés par des valeurs qui leur permettent de venir en aide à autrui. Comme toujours chez Lars von Trier, tout ne se passe pas vraiment comme prévu et Grace se transforme, progressivement, en esclave, y compris sexuelle, de cette troupe de loups lucifériens, victime de bien des persécutions, tant psychologiques que physiques. Le coup du réalisateur danois est d’autant plus brutal qu’il utilise un décor on-ne-peut-plus minimaliste pour mener son projet à bien : un plateau, à nu, où les maisons sont symbolisées par de simples marques et où trônent quelques éléments de mobilier savamment disposés.

Là où Lars von Trier avait brillamment choisi de faire glisser le cinéma vers le théâtre, Christiane Jatahy rame à contre-courant et tente de réaliser la prouesse inverse. Elle place, en quelque sorte, Dogville dans Dogville, et se focalise sur une nouvelle communauté amatrice du film, et pétrie de bons sentiments, qui souhaite déjouer son horrifique destin pour prouver que l’humain n’est pas aussi mauvais que le réalisateur danois l’avait dépeint. C’est à ce moment-là que Graça, une jeune Brésilienne qui fuit le pouvoir fasciste installé dans son pays, cherche un asile et un nouveau havre de paix pour s’épanouir, fait irruption. L’occasion paraît trop belle à Tom pour ne pas tenter une expérience grandeur nature, avec cette femme étrangère comme cobaye consentante. Sauf que, sans que l’on comprenne vraiment pourquoi, la communauté se met à rejouer strictement le film, sans jamais franchement chercher ni à le combattre, ni à s’interroger sur lui. Tout semble alors largement artificiel, entré au chausse-pied sur le plateau. Ce qui, chez Lars von Trier, était sidérant, comme si le groupe prenait le pas sur l’individu, comme si les plus vils instincts se révélaient dominants, comme si une force les manipulait tous jusqu’à leur faire perdre tout libre-arbitre, cette belle mécanique s’étiole chez Christiane Jatahy, perd en puissance, en substance et en intérêt.

Si la metteuse en scène brésilienne a bel et bien conservé la trame globale, elle en a expurgé tout âme et tout sel. On se met alors, une heure et demie durant, à attendre autre chose. En vain. Tout se passe comme si elle n’avait pas vraiment su quoi faire de l’œuvre de Lars von Trier, peut-être trop puissante pour se laisser malaxer. D’autant que, en lieu et place du script initial, l’artiste brésilienne s’adonne à une écriture de plateau qui, au-delà de sa faiblesse d’origine, de ses acceptions didactiques et de ses considérations superficielles et téléphonées sur la situation politique au Brésil, s’est totalement figée au cours des longs mois de répétitions, jusqu’à lui faire perdre tout naturel. Les comédiens ont alors, pour la plupart, toutes les difficultés du monde à l’empoigner et à lui redonner l’éclat et la fraîcheur des premiers jours. Si Julia Bernat est, comme toujours, excellente, en Graça violentée, la distribution française patine largement et alimente encore l’impression d’artificialité. Même le mix entre théâtre et vidéo, aux confins des arts dramatiques et cinématographiques, qui reste, pourtant, comme l’un des points forts de Christiane Jatahy, et l’une des pièces-maîtresses de son travail artistique, semble cette fois-ci à la peine, comme si le cinéma pouvait, en définitive, plus que le théâtre, alors que Lars Von Trier avait prouvé l’exact inverse.

Vincent Bouquet – www.sceneweb.fr

Entre chien et loup
d’après le film Dogville de Lars von Trier
Adaptation, mise en scène et réalisation filmique Christiane Jatahy
Avec Véronique Alain, Julia Bernat, Élodie Bordas, Paulo Camacho, Azelyne Cartigny, Philippe Duclos, Vincent Fontannaz, Viviane Pavillon, Matthieu Sampeur, Valerio Scamuffa
Collaboration artistique, scénographie et lumière Thomas Walgrave
Direction de la photographie Paulo Camacho
Musique Vitor Araujo
Costumes Anna Van Brée
Vidéo Julio Parente, Charlélie Chauvel
Son Jean Keraudren
Collaboration et assistanat Henrique Mariano
Assistanat à la mise en scène Stella Rabello
Avec la participation de Harry Blattler Bordas
Remerciements Martine Bornoz, Adèle Lista, Arthur Lista

Production Comédie de Genève
Coproduction Odéon-Théâtre de l’Europe (Paris), Piccolo Teatro di Milano – Teatro d’Europa (Italie), Théâtre National de Bretagne (Rennes), Le Maillon – Théâtre de Strasbourg Scène européenne
Avec le soutien de Pro Helvetia Fondation suisse pour la culture

Lars von Trier est représenté en Europe francophone par Marie Cécile Renauld, MCR Agence Littéraire, en accord avec Nordiska ApS.
Christiane Jatahy est artiste associée à l’Odéon-Théâtre de l’Europe (Paris), au Centquatre Paris, au Schauspielhaus Zürich, au Arts Emerson – Boston et au Piccolo Teatro di Milano.

Durée : 1h50

Festival d’Avignon 2021
L’Autre Scène du Grand Avignon, Vedène
du 5 au 12 juillet 2021

Comédie de Genève
du 30 septembre au 13 octobre

Le Parvis Scène nationale de Tarbes
le 18 octobre

L’Estive Scène nationale de Foix
les 21 et 22 octobre

Festival Temporada Alta de Gérone
les 5 et 6 novembre

Comédie de Caen, CDN de Normandie
les 15 et 16 novembre

Théâtre national populaire, Villeurbanne
du 20 novembre au 4 décembre

Centre dramatique national de Rouen
les 11 et 12 janvier 2022

Scène nationale du Sud-Aquitain, Bayonne
les 18 et 19 janvier

Les Salins, Scène nationale de Martigues
les 25 et 26 janvier

Théâtre du Nord, CDN de Lille-Tourcoing
du 2 au 4 février

Le Maillon, Scène européenne de Strasbourg
du 22 au 24 février

Odéon – Théâtre de l’Europe, Paris
du 5 mars au 1er avril

Scènes du Golfe, Vannes
les 5 et 6 mai

Piccolo Teatro di Milano Teatro d’Europa
du 18 au 20 mai

deSingel, Anvers
les 3 et 4 juin

6 juillet 2021/par Vincent Bouquet
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