Etranger au monde du théâtre, le jeune comédien s’y est, en quelques années, forgé une belle place. Qu’il soit dirigé par Robert Cantarella, Pascal Rambert ou Bob Wilson, il s’inscrit, toujours, du côté de la performance. Yuming Hey est nommé aux Molières dans la catégorie « Révélation masculine » pour son rôle dans Les Bonnes de Jean Genet, mise en scène par Mathieu Touzé.
Dès son arrivée au Conservatoire, Yuming Hey déchante. Alors qu’il s’attendait à « beaucoup travailler », il constate qu’il va, en réalité, « beaucoup s’ennuyer ». « J’ai rapidement pris conscience que le théâtre n’était pas là, et qu’il allait falloir le chercher ailleurs, confie-t-il. Comme je ne connaissais que très peu de choses à ce monde, je me suis laissé guider par une seule question : avec quel.le comédien.ne ai-je envie de partager le plateau ? » Son premier choix se porte sur Nicolas Maury qui est justement à l’affiche de l’un des projets de Robert Cantarella, La Réplique, dont la distribution est en passe d’être finalisée via des auditions organisées sur Facebook. « C’est comme ça que je me suis retrouvé à la Ménagerie de Verre, puis à Nanterre-Amandiers, lorsque Robert Cantarella m’a rappelé pour jouer dans Notre Faust II », résume-t-il. Le tout alors que le jeune homme n’est même pas encore diplômé du « Cons’ ».
En parallèle, Yuming Hey écume les salles, affine son regard de spectateur, comme son jeu d’acteur. « Pour apprendre à jouer, je suis d’abord passé par l’imitation, explique-t-il. J’ai appris des films par coeur, puis ai vu onze fois Clôture de l’amour de Pascal Rambert, ce qui m’a permis de savoir jouer à la manière d’Isabelle Huppert ou d’Audrey Bonnet. » Avec la seconde, le comédien noue une relation particulière, quasi mentorale, qui lui donne les clés pour intégrer le casting d’Actrice, mais aussi pour trouver sa propre voie. « Lors d’une discussion, elle m’a raconté qu’elle avait fait beaucoup de ping-pong dans sa jeunesse, ce qui a façonné sa manière de renvoyer le texte comme elle renverrait une balle, raconte-t-il. Je me suis alors rendu compte que ce que je cherchais dans la performance, c’était la sensation du voltigeur ressentie pendant mes années de cirque. »
Une belle et forte vision
Car, en plus de jouer, Yuming Hey chante et danse, avec une voix cristalline et un pas aérien qui ont su charmer Bob Wilson en personne. Au terme d’un long processus d’audition, le maître américain le retient pour le rôle-phare de Mowgli dans son Jungle Book, et l’embarque dans une tournée internationale, un an, à peine, après sa sortie du Conservatoire. Un parcours éclair également couronné par son association au Théâtre 14, co-dirigé par son compagnon de route de la première heure, Mathieu Touzé. « Avec Mathieu, nous venons d’un milieu social où le théâtre n’existe pas, précise-t-il. Décrocher le Théâtre 14, situé à Porte de Vanves, impose de répondre à cette interrogation qui nous guide : comment faire venir des gens qui ressemblent à nos familles, à nos proches, au théâtre ? Quand j’observe que j’ai longtemps été le plus jeune et que je suis toujours le seul asiatique dans les salles où je vais, je me dis qu’il y a encore du chemin à parcourir. »
Un chemin que Yuming Hey entend bien tracer aussi dans le monde du cinéma. Déjà aperçu dans plusieurs courts-métrages et surtout dans la série Osmosis produite par Netflix, où il profitait de son physique androgyne, il a plusieurs projets « avec des réalisateurs dotés d’univers forts » dans son viseur. Ce qui ne l’empêchera pas de continuer à faire du théâtre, pour qui il affiche une belle et forte vision : « En France, on a un patrimoine culturel incroyable, une culture classique grande et belle, mais elle ne traversera le temps que si elle est dans son temps et prend en compte les mouvements comme Black Lives Matter ou comme ce qui s’est passé lors de la dernière cérémonie des César. Il n’y a aucun intérêt à jouer Molière ou Marivaux comme avant. Il faut les prendre de façon radicale, à la lumière de l’époque dans laquelle nous sommes. Sinon, ils risquent de disparaître. » Voilà les metteurs en scène prévenus.
Vincent Bouquet – www.sceneweb.fr
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