Présenté au Centre Pompidou dans le cadre du festival d’Automne après sa création cet été au Festival de Marseille, White Dog de Latifa Lââbissi est porté par les intentions louables de travailler sur le rapport à l’Autre, l’étranger, l’infériorisé, mais souffre d’une forme assez laide et d’une danse plutôt faible malgré son ludisme.
L’identité et l’altérité sont au cœur du travail scénique de Latifa Lââbissi qui porte à la scène la stigmatisation, l’exclusion de catégories d’individus minoritaires. Dans sa dernière création qui prend pour point de départ le roman Chien blanc de Romain Gary, et qui est nourrie de toute une réflexion anthropologique, politique, philosophique sur les canons esthétiques et les préjugés ethnocentriques qui amènent à rejeter l’Autre ou à le définir d’une manière figée, univoque, réductrice, elle invente la vie simple et naturelle d’une tribu de sauvages rythmée par le labeur et la danse. Une mystérieuse et lumineuse forêt enchanteresse aux troncs massifs et aux branchages entremêlés, baignée d’une couleur surréelle jaune-vert fluo, est le décor hideux qu’a imaginé la plasticienne Nadia Lauro pour la performance, une sorte de Nouveau-Monde originel.
Ils sont quatre interprètes à peupler cet espace volumineux. Jessicat Batut, Volmir Cordeiro, Sophiatou Kossoko, et Latifa Laâbissi elle-même, se glissent dans la peau d’indigènes mis en scène à travers leurs rites et leurs coutumes. Ils se présentent d’abord assis en cercle. La ronde est un motif qui apparaît à plusieurs reprises dans le spectacle et qui renvoie à la notion de communauté, de cérémonie ritualisée. Ils désemberlificotent une pelote de cordes souples pour s’en faire de drôle de coiffes entre autres accessoires. Les jambes et pieds nus mais la tête ornée de tresses longues, de ce qui s’apparente à des couronnes ou des boubous d’un exotisme assumé et distancié, ils vont charrier, transporter des amas de lianes qui ressemblent à une grosse plâtrée de pattes, puis se mouvoir, seuls ou en bande, pendant une petite heure dans une danse / transe qui fait s’alterner des passages de défoulements énergiques et des moments d’accalmies. Dans les deux cas, la proposition joue à hyperboliser l’étrangeté et la sauvagerie des corps rampant, bondissant, se tordant, parfois à la lisière d’une animalité confirmée par quelques éructations orales. Latifa Laâbissi semble s’amuser à exalter le primitivisme de son sujet. Elle assume sa représentation humoristique et décalée mais aussi son penchant plus sérieux et existentiel.
Théoriquement, le spectacle, qui revisite le mythe du bon sauvage, véhicule une remise en question de la supposée supériorité de la culture occidentale et défend de fort belles valeurs humanistes qui se concrétisent au plateau par la réunion d’une distribution au métissage revendiqué. Sinon, le propos ne prend pas véritablement corps dans une danse plutôt inoffensive et artificielle qui compte quelques fulgurances mais aussi beaucoup de latence.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
White Dog
Compagnie Figure Project
Conception Latifa Laâbissi
Avec Jessica Batut, Volmir Cordeiro, Sophiatou Kossoko, Latifa Laâbissi
Scénographie et costumes Nadia Lauro
Création lumière Leticia Skrycky
Création son Manuel Coursin
Collaboration Isabelle Launay
Co-productions
CDN Nanterre Amandiers
Le Triangle – Cité de la danse (Rennes)
Théâtre National de Bretagne (Rennes)
CCN2 Grenoble
CCNR Rilleux la Pape
Festival de MarseilleDurée: 1h
Festival de Marseille 2019
THÉÂTRE JOLIETTE
VENDREDI 5 JUILLET 20:30
SAMEDI 6 JUILLET 17:00Festival d’Automne
Centre Pompidou
9 au 12 Octobre
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