En 2017, les Sujets à vif portés par la SACD et le Festival d’Avignon fêtaient leurs 20 ans. Vive le Sujet ! prend le relais avec une formule équivalente qui donne lieu à huit créations commandées à seize artistes de disciplines différentes. Les deux premières sont pleines d’idées, de pistes à développer.
Entre Marie Payen et Mehdi Georges Lalou, la différence est d’autant plus visible qu’elle est largement soulignée. Comédienne et auteure de performances dont le texte se réécrit intégralement chaque soir, la première apparaît sautillante, en tenue légère, sur le plateau arboré du Jardin de la Vierge du Lycée Saint-Joseph. Tandis que son binôme, performeur et plasticien franco-marocain associé au CDN de Normandie-Rouen, se balade avec une démarche et des gestes de régisseur. Que, l’air concentré, il installe sur scène quelques objets plus ou moins incongrus : des fétus de paille tout fins, horizontaux, des plantes ou encore des chaises comme on en trouve dans une salle de réunion. Marie Payen ne tarde d’ailleurs pas à parler. Mais dans Ils se jettent dans des endroits où on ne peut les trouver, la parole n’est guère plus formatée que le reste. Avec elle au contraire, on bascule tout à fait dans l’étrange. On plonge dans l’absurde.
Provoquée par la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques (SACD) et par le Festival d’Avignon dans le cadre de « Vive le Sujet ! » – nouveau nom des Sujets à vif –, la rencontre de ces deux artistes était ainsi pleine de promesses. Comme de tous les croisements d’artistes issus de champs artistiques éloignés qu’orchestrent de concert depuis 20 ans les deux structures, on attendait de la surprise. De l’inédit. Le résultat est assez mitigé. Car si chaque artiste déploie de son côté un vocabulaire riche, singulier, le croisement qu’ils tentent d’inventer peine à aller au-delà des évidences.
Dans son discours tout heurté, pareil à celui de sa dernière création Perdre le Nord (2018), Marie Payen parle de vivre-ensemble et de colonisation. Elle dit la nécessité de « se poser », d’inventer d’autres rapports. Elle se laisse perturber par Mehdi Georges Lalou qui continue de jouer avec l’espace, à inventer diverses combinaisons entre les corps et les objets, et qui l’invite à danser sur une salsa en français et en arabe. Les points de rencontre entre eux demeurent à l’état d’esquisses. De tentatives qui méritent d’être poussées plus loin pour permettre la naissance d’un langage commun. « Vive le Sujet ! » est un espace d’expériences unique dans le In du Festival d’Avignon où le doute, la fragilité, ont peu leur place. Ses tâtonnements font partie du jeu.
Fruit d’une rencontre entre la chorégraphe de hip hop Anne Nguyen et la marionnettiste et plasticienne Élise Vigneron, Axis Mundi présente des qualités et des défauts assez proches du « Vive le Sujet ! » précédent. Cela dans une forme qui n’a rien à voir. On reconnaît d’emblée l’univers à la fois brut et sensible d’Élise Vigneron, qui dans Anywhere (2016) racontait l’histoire d’Œdipe avec un pantin de glace. Ici, elle imagine une sorte de rituel où la fonte de panneaux de glace impose aux deux artistes de renégocier sans cesse leur rapport au plateau. D’inventer des manières toujours nouvelles de l’occuper, de patauger ensemble.
Comme dans Ils se jettent dans des endroits où on ne peut les trouver, c’est cet « ensemble » qui est le plus précaire dans la proposition. Si Élise Vigneron rejoint parfois la breakeuse dans sa danse, les gestes des deux artistes peinent à ne former qu’un. Face à la menace liquide qui envahit le plateau, Anne Nguyen et Élise Vigneron gagneraient à faire davantage front commun. On quitte cette Série 1 de Vive le Sujet ! avec des rêves de spectacles. Et avec trois autres séries à découvrir, tout au long du festival.
Anaïs Heluin – www.sceneweb.fr
Vive le Sujet ! Série 1
Ils se jettent dans des endroits où on ne peut pas les trouver
Conception et interprétation Marie Payen, Mehdi-Georges Lahlou
Collaboration artistique Leila Adham
Musique Eve Ganot
Coproduction SACD, Festival d’Avignon
Avec l’aide de Les Plateaux sauvages (Paris), Jan Van Eyck Academie (Maastricht)Axis Mundi
Conception et interprétation Anne Nguyen, Élise Vigneron
Fabrication marionnettes Sylvain Georget, Élise Vigneron
Regard extérieur Franck Micheletti
Costumes Manon Del Colle
Production Compagnie par Terre / Anne Nguyen
Coproduction SACD, Festival d’Avignon
Avec l’aide de Théâtre de l’Entrouvert, (Apt) La Place Centre culturel hip-hop (Paris), Centre des Arts d’Enghien-les-Bains Scène conventionnée pour les écritures numériques, Vélo Théâtre Scène conventionnée théâtre d’objet (Apt), Le Théâtre du Bois de l’Aune (Aix-en-Provence), Centquatre-ParisDurée : 1h30
Festival d’Avignon 2019
Jardin de la Vierge du Lycée Saint-Joseph
Les 6, 7, 8, 10 et 12 juillet à 11h
Laisser un commentaire
Rejoindre la discussion?N’hésitez pas à contribuer !