Une galerie d’art sauvagement saccagée représente le monde voué à sa perte. L’échec universel est le thème d’En manque, la dernière création de Vincent Macaigne au Théâtre de Vidy. Une nouvelle fois, le geste du metteur en scène se fait puissamment incendiaire.
« Chacun doit construire son propre monde » hurlait Hamlet en voyant son royaume (un château gonflable) s’effondrer et s’engloutir dans Au moins j’aurai laissé un beau cadavre, l’adaptation hard et trash du drame shakespearien qui fit connaître la gloire au jeune metteur en scène. C’est justement l’ambition des personnages d’En manque : celle d’une collectionneuse d’art qui s’est offert l’intégralité des œuvres formant le patrimoine mondial, symptôme de l’avidité insatiable contemporaine et de sa fausse générosité, celle de sa fille et de sa petite amie qui cherchent leur idéal dans les actions virtuelles d’un groupe révolutionnaire sur internet. Macaigne a lui aussi bien construit son monde, démesuré même s’il paraît toujours soumis à la menace et à la destruction. Il y a trouvé l’expression performative la plus juste et la plus extrême pour faire entendre les irrépressibles révoltes et dépressions qui l’animent.
Dans son dernier spectacle qu’il a voulu comme une petite forme travaillée dans l’urgence et retravaillée jusqu’à la première représentation passée, il met en scène des destinées imaginaires qui se diffractent dans la flotte et la fumée. Des nuages épais de néant pénétrant et d’intarissables flots de larmes recouvrent scène et salle confondues dans un capharnaüm sans pareil. Les effets renvoient aux tempêtes, tsunamis, inondations et autres catastrophes. Dans la brume et les souillures, une mare mortuum se déverse. Les interprètes affrontent et résistent en épuisant leurs plus minimes forces physiques et intérieures. Ils apparaissent souvent comme des silhouettes noires et floues dont on ne perçoit pas la précision des traits dans la lumière froide et nébuleuse. Ils sont des ombres aux yeux des autres, des ombres d’eux-mêmes, partagées entre l’hyperprésence et la disparition.
Les mots jaillissent de leur bouche. Souvent plaintifs ou combatifs, violents ou consolants. Rien que des mots, comme pour s’accrocher et s’inventer une nouvelle consistance, une innocence, alors qu’il faut désormais mourir. Rien ne veut arrêter, rien ne vient taire, cet effroyable chaos. Le manque persiste. L’irrésolution triomphe. Seuls l’ivresse, le désir, la frénésie des corps moites et déchaînés qui, sur une piste de danse, se donnent entièrement à la fête, passent pour une alternative, une belle preuve d’énergie et de vie.
Ce geste théâtral est résolument fort et somptueux bien que profondément désenchanté. Exténuant faiseur et torpilleur d’images et de sons paroxystiques, Vincent Macaigne développe l’art génial de faire naître la beauté dans la dévastation. Alors que tout semble si calme au bord du lac où la nuit est tombée, Macaigne a orchestré un de ses chocs tapageurs qui bouscule et étreint jusqu’à faire trembler Vidy-Lausanne.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
En manque
Texte et mise en scène:
Vincent Macaigne
Production:
Théâtre de Vidy – Compagnie Friche 22.66
Coproduction:
TANDEM Scène nationale – Holland Festival, Amsterdam (en cours)
Création à Vidy
Durée 1h45
Vidy
Du 13 au 21 décembre 2016
Tandem – Scène nationale Arras Douai, Douai, France
16.01 – 17.01.2017
J’ai gardé un bon souvenir de l’Idiot mais j’ai vu « En manque » hier soir à la Villette et ce n’est pas vraiment le pied….
Le public est maltraité de la première à la dernière seconde avec des décibels et de longs épisodes debout inutiles. Plus un texte indigent et des idées pseudo-anar puériles qui ne connectent nulle part.
Un pathétique gâchis qui donne à penser que Macaigne a besoin de travailler sur un texte solide( Dostoievski nous manque beaucoup).
Des idées courtes et beaucoup de bruit pour pas grand chose…