Alors que le Rassemblement national et ses alliés dominent le scrutin du premier tour des élections législatives avec 33,2% des suffrages exprimés, distanciant le Nouveau Front populaire qui obtient 28% des voix et le camp présidentiel 20,8%, Tiago Rodrigues annonce la tenue d’une mobilisation dans la Cour d’honneur du Palais des papes dans la nuit du 4 au 5 juillet.
« La responsabilité historique du Festival d’Avignon » l’oblige à réagir face « au danger d’un gouvernement français d’extrême droite ». Les mots du directeur du Festival, Tiago Rodrigues, résonnent contre les parois de la carrière de Boulbon, en cette soirée du dimanche 30 juin, alors que la première de sa création Hécube, pas Hécube vient de s’achever.
« Le Festival d’Avignon est un festival populaire, démocratique, républicain et donc un festival progressiste, antiraciste, féministe et écologiste », rappelle-t-il. Alors que les Français sont appelés à retourner aux urnes le dimanche 7 juillet pour le second tour des élections législatives, le Festival – de concert avec la ville, les collectivités locales, les organisations syndicales, le Festival Off et une partie des artistes programmés – laissera à disposition les clefs de la Cour d’honneur dans la nuit du 4 au 5 juillet. À partir de 0h30, après la fin de la représentation de DÄMON. El funeral de Bergman d’Angélica Liddell, les portes resteront ouvertes au public, en entrée libre et gratuite, pour « une nuit des arts, de pensée, de débats, de prises de parole » en compagnie d’artistes et de membres de la société civile. Tiago Rodrigues a également suggéré que le Festival d’Avignon pourrait « entrer en résistance » au lendemain du 7 juillet, en fonction des résultats du second tour, mais espère plutôt « une nuit de célébration ».
« Ce n’est pas une première comme les autres. C’est compliqué de considérer ce soir comme un soir de fête », concède Loïc Corbery en sortant de scène. Le sociétaire de la Comédie-Française endosse, entre autres, le rôle de Polymestor, l’assassin du fils d’Hécube, dans la pièce de Tiago Rodrigues. « Mais c’est ce soir qu’il faut jouer, affirme-t-il. C’est maintenant qu’il faut écrire des bouquins, faire des films, lire des poèmes… et inviter le public à partager tout cela ensemble. »
La soirée a été fébrile pour tout le monde. Deux heures avant le début de la représentation, spectateurs comme artistes ont scruté les résultats dont les premières estimations tombaient à 20 heures. Entre deux strapontins, les mots « triangulaire », « barrage » ou « cohabitation » ont rythmé les conversations. « On en a beaucoup parlé entre nous avant le spectacle bien sûr, poursuit Loïc Corbery. À 20 heures, on a tous regardé les résultats sur nos téléphones. Et puis, après, il a fallu se préparer pour jouer. »
Une soirée de résultats qui laisse un goût amer, et produit parfois un effet de sidération. « Le monde du théâtre est en train de se demander quels fonds seront disponibles à partir de l’année prochaine si l’extrême droite arrive au pouvoir », s’inquiète Alexis Michalik. La dernière création du metteur en scène, Passeport, retrace la vie d’Issa, jeune Érythréen échoué dans la jungle de Calais. « Mais il ne faut pas oublier que ce sont ces destins-là qui seront en première ligne », rappelle-t-il. De la sidération, mais aussi de la colère, pour Pierre-Yves Lenoir, le directeur du théâtre des Célestins, à Lyon. « Penser une programmation avec un engagement fort, c’est aussi une manière de donner des clefs de compréhension du monde au public. On a encore cette possibilité là, servons-nous en ! »
L’interprofession et les syndicats ont par ailleurs prévu une manifestation devant la mairie d’Avignon le mercredi 3 juillet, ainsi qu’une assemblée générale de branche le lendemain. « On espérait que la France reste une flamme de liberté, complète tristement Alexis Michalik. Ce soir, on se dit que cette flamme va peut-être s’éteindre. » Une incertitude qui trouvera sa réponse le 7 juillet prochain.
Fanny Imbert – www.sceneweb.fr
La nuit d’Avignon
Avec Lola Arias, Jeanne Balibar, Andréa Bescond, Boris Charmatz, Baro d’evel, Camille Etienne, Corine Masiero, Alexis Michalik, Caroline Guiela Nguyen, Joey Starr, Agnès Tricoire, Clément Viktorovitch, et beaucoup d’autres artistes et personnes issues de la société civile, du secteur public, syndical, politique et associatifÀ l’initiative du Festival d’Avignon
En coopération avec la Ville d’Avignon, Avignon Festival & Compagnies, la CGT-Spectacle, le Syndeac, les artistes du Festival d’Avignon et de nombreux acteurs de la société civileCour d’honneur du Palais des Papes
Dans la nuit du 4 au 5 juillet, à partir de 0h30
Une lueur d’espoir dune valeur politique simplement sublime. Un collègue au taf men a parlé et invité et javais les larmes aux yeux en faisant la plonge. Cet article me rend fière du festival !!!