Montrée depuis presque vingt ans sur les scènes lyriques d’Europe, la Carmen formidablement trash de Calixto Bieito fait sa première française à l’Opéra Bastille sous les bravos et les huées.
La production n’est certes pas inédite mais elle offre, enfin, à Paris une Carmen captivante alors que les dernières versions proposées dans la capitale respiraient l’inanité. Elle est de plus signée d’un grand metteur en scène injustement ignoré en France, le catalan Calixto Bieito, dont le geste théâtral très concret, sans concession, aussi intellectuel que sensuel, enflamme les œuvres du répertoire classique et contemporain. Il en ainsi pour Carmen, le chef-d’œuvre de Bizet, qui figure parmi les plus célèbres titres de l’histoire de l’opéra.
L’intention est claire : sortir l’opéra du décoratif pour toucher, même crûment, le cœur des enjeux du drame. Dépourvue de vaines espagnolades – le défilé des quadrilles n’est judicieusement pas montré mais vu par le regard de la foule en liesse – Carmen conserve pour autant ses couleurs locales. Pas les images d’Epinal qui lui collent à la peau mais la solarité aride et suffocante des toiles de Goya ou de Barceló. La scène extrêmement dénudée se présente comme une lande de terre sèche qui figure autant une place publique, où se dresse, au centre, le mat érectile d’un porte-drapeau, qu’un parking, où les contrebandiers devenus des réfugiés stationnent la nuit avant de passer la frontière.
Dans un tel climat désertique et délétère, l’humanité des personnages brutalisés s’expose sans artifice. Mis à nu, un toréador s’exerce nonchalamment à la gestique de son art traditionnel et ouvre avec poésie la seconde partie du spectacle. Sans excès de provocation et parce que l’histoire l’impose, le sexe et la violence, portés à un état paroxystique, sont les axes majeurs de lecture de la pièce inspirée de Mérimée.
Objet de désir et de fascination, Carmen est une femme forte et libre. Aguicheuse dès son premier air. Avec une voix profonde et généreuse en volume et en chaleur, Clémentine Margaine met à ses pieds une troupe entière de militaires suintants arrivés au terme de leur séance d’entrainement. Haut en couleur et pleinement investi, le chœur fait preuve d’un abattage couvrant parfois l’orchestre que dirige bien enlevé Bertrand de Billy.
Le reste de la distribution est à l’avenant. Il faut citer les réjouissantes Frasquita et Mercédès de Vannina Santoni et Antoinette Dennefeld. L’excellente Micaela d’Aleksandra Kurzak n’est pas une bigote effarouchée mais une femme également passionnée. Le personnage d’Escamillo semble moins inspirer le metteur en scène mais profite du charisme ténébreux de Roberto Tagliavini. Annoncé souffrant, Roberto Alagna assure dignement la soirée de gala. On sent l’effort, la voix se voile et déraille à la fin du grand air central. Impuissant, le ténor multipliera les accidents. Mais en combattant sa fragilité, il renforce finalement le jusqu’au-boutisme et le désespoir de Don José rendu absolument poignant dans l’intense mise à mort de l’héroïne tragique.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
Carmen
OPÉRA EN QUATRE ACTES
1875
MUSIQUE
Georges Bizet (1838-1875)
POÈME
Henri Meilhac, Ludovic Halévy
D’APRÈS
Prosper Mérimée
En langue française
Surtitrage en français et en anglais
THE CONNY-MAEVA CHARITABLE FOUNDATION
DIRECTION MUSICALE Lionel Bringuier (mars /
avril), Mark Elder (juin / juillet)
MISE EN SCÈNE Calixto Bieito
DÉCORS Alfons Flores
COSTUMES Mercè Paloma
LUMIÈRES Alberto Rodríguez Vega
CHEF DES CHOEURS José Luis Basso
Orcherstre et Choeurs de l’Opéra national de Paris
Maîtrise des Hauts-de-Seine / Choeur d’enfants de l’Opéra national de Paris
DON JOSÉ Roberto Alagna (mars, 16 juillet), Bryan Hymel (avril, juin > 13 juillet)
ESCAMILLO Roberto Tagliavini (mars, avril), Ildar Abdrazakov (juin, juillet)
LE DANCAÏRE Boris Grappe
LE REMENDADO François Rougier
ZUNIGA François Lis
MORALÈS, ANDRÈS Jean‑Luc Ballestra
CARMEN Clémentine Margaine* (mars), Varduhi Abrahamyan (avril), Anita Rachvelishvili (juin > 13 juillet), Elīna Garanča (16 juillet)
MICAËLA Aleksandra Kurzak (mars, avril), Marina Costa-Jackson* (juin, juillet), Maria Agresta (16 juillet)
FRASQUITA Vannina Santoni
MERCÉDÈS Antoinette Dennefeld
Duré: 3 h avec entracteDistribution de la reprise du 11 avril au 23 mai 2019 à l’Opéra Bastille
Don José :
Roberto Alagna
11 > 20 avr.
Jean‑François Borras
23 avr. > 23 mai
Escamillo :
Roberto Tagliavini
Le Dancaïre :
Boris Grappe
Le Remendado :
François Rougier
Zuniga :
François Lis
Moralès :
Jean-Luc Ballestra
Carmen :
Anita Rachvelishvili
11 avr. > 8 mai
Ksenia Dudnikova
1 > 23 mai
Micaëla :
Nicole Car
11 avr. > 5 mai
Anett Fritsch
8 > 23 mai
Mercédès :
Valentine Lemercier
Frasquita :
Gabrielle Philiponet
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