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Marion Pellissier met les « Trois petits cochons » sur le gril

A voir, Les critiques, Paris, Théâtre
Marion Pellissier crée Trois petits cochons Les monstres courent toujours au Théâtre de Châtillon
Marion Pellissier crée Trois petits cochons Les monstres courent toujours au Théâtre de Châtillon

Photo Elven Sicard

À la tête de sa compagnie, La Raffinerie, la metteuse en scène place la fable populaire à hauteur d’Hommes, et ouvre, avec juste ce qu’il faut d’audace, les portes d’un méta-conte en forme de turbulent laboratoire théâtral.

« Ceci n’est pas un spectacle jeune public ». L’avertissement délivré par Marion Pellissier dès les premières lignes de sa note d’intention n’est pas superfétatoire, tant le titre de sa dernière création, Trois petits cochons, fait immédiatement référence dans l’imaginaire collectif, et malgré son sous-titre Les monstres courent toujours, au conte pour enfants dont elle s’inspire. Sans cette mise en garde, parents et enseignants, alléchés par leurs propres souvenirs de jeunesse de ce conte européen hérité de la tradition orale du XVIIIe siècle, pourraient être tentés d’y emmener les plus petits – ce qui pourrait leur provoquer, prévenons-les d’emblée, quelques jolies frayeurs. Ce réflexe serait d’autant plus compréhensible que l’univers du conte a, ces dernières années, envahi les scènes théâtrales avec, dans l’immense majorité des cas, une forme appropriée au jeune public. De Blanche-Neige à La Petite Sirène, d’Hansel et Gretel au Petit Chaperon rouge, en passant par Cendrillon, nombre de fables populaires sont devenues des sources d’inspiration pour des artistes aussi différents que Géraldine Martineau, Rose Martine, Joël Pommerat, Igor Mendjisky, Michel Raskine ou encore le collectif Das Plateau – pour ne citer qu’eux. Le plus souvent adaptées, de manière plus ou moins fidèle, parfois réécrites par des auteur·rices, telle Marie Dilasser, il est remarquable d’observer leur capacité à résister à l’écoulement du temps, à parler, grâce à leurs multiples couches narratives, autant aux adultes qu’aux enfants, et à se parer de reflets nouveaux une fois éclairées par les lumières contemporaines.

Ce travail de réactivation, voire de réappropriation, des contes anciens, Marion Pellissier le mène avec l’audace de celles et ceux qui n’ont pas peur de passer à la vitesse supérieure. Plutôt que de raconter l’histoire de Naf-Naf, Nif-Nif et Nouf-Nouf – pour peu que l’on veuille bien reprendre les noms donnés, au XXe siècle, par Disney –, la fondatrice de la compagnie La Raffinerie plonge dans le quotidien de la famille Cochon, et plus particulièrement dans la vie de Nina, Nouria et Naël. Installés à Villeton, une petite commune du Lot-et-Garonne, depuis leur enfance, les trois membres de la fratrie décident de quitter le domicile familial à la suite de la mort de leur mère, Andrea, une chanteuse de cabaret à succès. Tandis que leur père, dévasté par le chagrin, se montre un rien tyrannique avec eux, les deux soeurs et leur frère veulent chacune et chacun bâtir une petite maison pour poursuivre leur parcours en solo : l’une, celle de Nouria, en paille, l’autre, celle de Naël, en bois, et la dernière, celle de Nina, en briques. Par rapport au côté un peu évaporé de la première et au caractère inconséquent du second, la troisième, qui prend son rôle d’ainée très à coeur, apparaît beaucoup plus anxieuse, maniaque du contrôle, comme si quelque chose la poussait toujours à se préparer au pire. Future mère, son existence sérieuse et solitaire tranche avec celles de son frère, qui végète en mari un peu mollasson, et de sa soeur cadette, qui se rêve déjà en future star de la chanson. C’est d’ailleurs par ce biais que le loup va entrer dans la porcherie, en se faisant passer pour un producteur intéressé par les compositions de Nouria, avant qu’elle ne se rende compte que l’homme n’est autre que Claude Michel, surnommé « le cannibale des Causses ».

À travers cette réécriture à hauteur d’Hommes, Marion Pellissier remonte le cours de la parabole qui, à l’origine, sous-tendait le conte et chargeait des figures animales avec des sentiments humains. Cette opération de distanciation littéraire, l’autrice et metteuse en scène la renverse et (ré-)humanise la fable pour mieux la rapprocher de nous. Dans chacun des individus mis en jeu, elle s’attache à injecter certaines caractéristiques de l’histoire et des personnages animaliers dont elle s’empare – le départ du cocon familial pour vivre sa vie, la minutie presque un peu trop pointilleuse de Naf-Naf, l’assurance frivole de Nif-Nif et Nouf-Nouf, le besoin de chair fraîche du loup… –, et ouvre alors les portes d’une forme de méta-conte. Car, à l’image du fonctionnement de la fable qui sert à formater les petits esprits humains à coups de sentences moralisatrices – en l’espèce : si tu te tiens sage et que tu travailles, tu t’en sortiras mieux face aux difficultés de la vie qu’en étant turbulent et paresseux –, Marion Pellissier interroge la manière dont les traumatismes familiaux influent, eux aussi, sur les individus, comment ils conditionnent leurs comportements et orientent leur trajectoire de vie. Consciente que les contes répondent, pour remplir leur fonction éducative première, à une série de codes narratifs, la metteuse en scène ne s’arrête pas là et redouble son geste en tentant de les subvertir. Au lieu de se servir d’un vecteur théâtral dramatiquement classique, elle multiplie les styles, et, scène après scène, passe du thriller au vaudeville, de la sitcom américaine à la Nouvelle Vague, de l’opéra à la comédie musicale, de la danse contemporaine au western, du documentaire à la pantomime, de l’installation d’art contemporain aux bruitages en direct, ou encore du road-movie façon série B à la tragédie en alexandrins.

Aussi audacieux que déroutant, ce kaléidoscope de genres, empruntés aussi bien aux domaines littéraire, théâtral que cinématographique, transforme le plateau en laboratoire scénique prolifique et turbulent. Si la mise en oeuvre de certains styles pourrait parfois être plus accentuée, ou rallongée, pour produire pleinement ses effets, si le récit fictif est enchevêtré avec une histoire méta-théâtrale qui, malgré sa justesse – en même temps que les coulisses de la fabrication du conte, Marion Pellissier éclaire celles, pas toujours roses, de la création d’un spectacle, où le metteur en scène peut se montrer, lui aussi, monstrueux et les atermoiements privés et professionnels des uns et des autres peuvent venir percuter l’acte artistique –, tend à le parasiter et n’apparaît pas suffisamment aboutie dans l’écriture, ce procédé multi-formes trouve sa pertinence dans sa façon de mettre le conte à l’épreuve. Tantôt cocasses, tantôt organiques, tantôt iconoclastes, tantôt adéquats, les multiples styles, leur hybridation et leur alternance occasionnent des frottements emplis d’étincelles, et révèlent la force des codes et leur capacité à influencer le récit délivré – à la manière de la fonction poétique du langage de Jakobson –, soit en l’amplifiant, soit en le décalant, soit en le parasitant, soit en pointant l’un de ses reliefs jusqu’ici restés dans l’ombre. Pour réussir cet exercice, à la fois culotté et périlleux, Marion Pellissier peut compter sur une belle et solide bande de comédiennes et comédiens, visiblement réjouis de participer à cette expérience théâtrale qui, de style en style, les challenge autant qu’elle nous stimule.

Vincent Bouquet – www.sceneweb.fr

Trois petits cochons / Les monstres courent toujours
Texte et mise en scène Marion Pellissier
Avec Yasmine Berthoin, Charlotte Daquet, Julien Derivaz, Steven Fafournoux, Morgan Lloyd Sicard, Sabine Moindrot
Création sonore Thibault Lamy
Création vidéo Nicolas Comte
Création lumière Jason Razoux
Costumes Julien Derivaz, Sabine Moindrot
Scénographie Marion Pellissier, Gabriel Burnod
Construction, décoration Gabriel Burnod, Jean Bastien Savet, Denis Collas, Claire Bochet
Composition des chants Eugénie Bernachon, Yasmine Berthoin

Production La Raffinerie
Coproduction ZEF, Scène nationale de Marseille ; Théâtre de Châtillon ; Théâtre Jean Vilar de Montpellier ; Théâtre SORANO, Scène conventionnée de Toulouse (GIE FONDOC) ; Scène nationale Grand Narbonne (GIE FONDOC) ; Collectif En Jeux
Avec le soutien du Théâtre Joliette (Marseille), de la Maison Jacques Copeau, de La Ferme du Buisson, du Centquatre-Paris, du Théâtre de Malakoff, du Festival FRAGMENTS#11 (la Loge) et du Warm UP / Printemps des Comédiens de Montpellier

Ce spectacle reçoit le soutien de la SPEDIDAM et d’Occitanie en scène dans le cadre de son accompagnement au Collectif En Jeux. Le texte est accompagné par le collectif À Mots Découverts.

La Raffinerie est conventionnée par la DRAC Occitanie, soutenue par la Région Occitanie et la Ville de Montpellier. Marion Pellissier est associée au ZEF, Scène nationale de Marseille.

Durée : 2h10

Vu en février 2025 au Théâtre de Châtillon

Centquatre-Paris, dans le cadre du Festival Les Singulier·es
du 7 au 9 février

5 février 2025/par Vincent Bouquet
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