Invité par la Fondation Cartier pour l’art contemporain le temps d’une performance de 6 heures diffusée en livestream, le chorégraphe se confie. Le replay est disponible sur le site de la fondation.
Trajal Harrell ne tient pas en place ce mardi 30 mars. Dans quelques minutes, il se lancera, avec 8 performeurs, dans les espaces de la Fondation Cartier à Paris en livestream. Il déboule, masqué, grimpe sur la table face à nous. Pas même le temps de lui poser une question, l’américain s’explique. « Un livestream ? C’est comme si j’assemblais le pire d’un film et le pire d’un spectacle non ? Plus sérieusement, je suis une personne qui a l’habitude d’avoir beaucoup de contrôle durant sa création. Cette fois je dois composer avec d’autres, des cameramen, des régisseurs, un réalisateur ».
Friend of a friend, sa proposition, se présente comme une boucle de 2 heures, composée d’une douzaine d’extraits de son répertoire. Le tout donné 3 fois de suite alors que le soleil se couche. Les solistes dialoguent avec les installations de Sarah Sze –l’amie en question-. « Il y a cette notion du texte à l’œuvre, quelque chose de continu » résume Harrell citant Roland Barthes. Le chorégraphe a répondu favorablement à cette commande autant pour Sarah Sze –« je donne ici des pièces qu’elle n’a pas pu voir »- que pour le lieu même. « J’ai découvert le bâtiment en 2001. C’est un peu comme le vingtième anniversaire de « notre » rencontre ! Au final il s’agit d’une expérimentation rendue possible, paradoxe, par la situation sanitaire. Les lieux de culture sont en effet fermés de par le monde ». Installé à Zurich sous l’aile de la Schauspielhaus, Trajal a pu créer une pièce et donner une poignée de spectacles la saison passée. « Je suis un privilégié. Pour le reste, j’ai profité de ce temps pour être avec les miens, réfléchir. Et cuisiner ! ».
18h, le live démarre. La mezzanine-librairie de la Fondation Cartier a été transformée en studio-régie. Des techniciens en nombre, une agitation palpable tranchant avec le calme des performances au rez-de-chaussée. Trajal Harrell a composé un bouquet d’une folle élégance, des extraits de Medea ou Hand Dance solo à la grâce épanouie servi par un de ses fidèles, Thibault Lac. Un ballet des mains comme une offrande. Trajal lui-même est de la partie, traversant les espaces dans une douce transe habitée. « J’espère que les danseurs vont comprendre ce que c’est d’être dans le moment. Ce qui compte est ce qui se passe maintenant. Surtout en cette période Covid. Cela ne se reproduira sans doute jamais ». Il n’en restera que des images diffusées en direct –puis une version éditée et raccourcie à venir.
Trajal Harrell avait auparavant créé une pièce avec Sarah Sze. Leur « conversation » reprend d’une certaine façon, mais à distance, la plasticienne restée aux Etats-Unis. « Nous partageons quelque chose. Cette idée de partir du personnel, dans notre approche, pour aller vers une expérimentation plus large. Aller vers l’autre. Le temps nous réunit ». Sous nos yeux la première boucle se termine. Au dehors, la végétation baigne dans une lumière de fin de journée. « En définitive cela me donne envie de faire un film » plaisante à peine Trajal Harrell. Après ces 3 jours de préparation puis une seule représentation de Friend of a friend, Trajal Harrell est reparti. Il laisse dans son sillage une certaine idée de la beauté.
Philippe Noisette – www.sceneweb.fr
Friend of a friend, conception et chorégraphie Trajal Harrell, Fondation Cartier pour l’art contemporain. Une version éditée du livestream est en ligne sur le site depuis le 19 avril.
Laisser un commentaire
Rejoindre la discussion?N’hésitez pas à contribuer !