La mise en scène de Dominique Pitoiset est de retour à Paris. Après une tournée à succès en France et à l’Odéon, elle arrive dans le privé au Théâtre de la Porte Saint-martin. Elle balaie toutes les mises en scène historiques de l’œuvre de Rostand. En plaçant l’action dans un espace dépouillé, sorte de salle de réfectoire impersonnelle, l’ex directeur du TnBA (Théâtre National de Bordeaux) permet à Philippe Torreton d’incarner un Cyrano qui fait déjà date dans l’histoire du théâtre contemporain. Un Cyrano des temps modernes.
Le public debout dès les premiers applaudissements, c’est rare. Et c’est comme cela depuis la première de ce Cyrano créé au Théâtre National de Bretagne en février 2013. Le public est cueilli par l’émotion qui se dégage de la mise en scène de Dominique Pitoiset et par l’interprétation touchante de Philippe Torreton. Ce n’est pas un Cyrano de cape et d’épée qu’ils ont conçu, c’est un Cyrano qui révèle les bleus à l’âme de ce poète. Ils ont aussi beaucoup travaillé sur la langue de Rostand. Les magnifiques vers en alexandrin sont tous prononcés avec simplicité et justesse par la magnifique troupe de comédiens.
Dans un décor clinique au carrelage blanc, éclairé par vingt-cinq néons au plafond, quelques tables et chaises sont disposées sur l’immense plateau. Côté jardin, la musique d’un jukebox vient égrener quelques standards (Queen, Elton John , The Pogues ou encore Edith Piaf avec les Compagnons de la Chanson). Côté cour, un lavabo et une armoire en fer viennent ajouter à cette ambiance d’hôpital. Les cadets arrivent un à un dans cet espace glacé et glaçant. Montfleury, l’acteur, est chassé à coup d’extincteur. On utilise un fer à repasser pour combattre l’ennemi. Les quelques scènes de combats réglées par Pavel Janick suffisent. Cyrano porte ici sur son visage les stigmates de ses combats. Bonnet vissé sur la tête, Philippe Torreton ressemble à un boxeur meurtri. C’est un mélange de Pacino et de De Niro. Mais un boxeur au cœur tendre. Il n’en fait pas un personnage grossier, mais un personnage torturé, tourmenté dans son for intérieur par son amour pour Roxanne. Et pour continuer d’ancrer la pièce dans la modernité lorsque Christian s’adresse à Roxanne, avec l’aide des mots d’amour écrits par Cyrano, c’est en utilisant skype que les deux hommes joignent la jeune fille par la webcam de leur ordinateur.
On redécouvre grâce à cette mise en scène des passages poignants de l’œuvre de Rostand. La tirade « Non merci » est touchante. « J’aime que l’on me haïsse » dit Cyrano. Et lorsqu’il réapparait quatorze ans plus tard, bien après la campagne d’Arras, vieilli et malade, c’est un Cyrano toujours plein de fragilité qui affronte la mort. Philippe Torreton dans un dernier grand élan, s’adresse au public et lance en fixant la salle : « Vous êtes mille et tous mes ennemis ». Le jukebox retentit une dernière fois pour nous faire entendre une magnifique chanson de Bashung, « Comme un Légo », écrite par Gérard Manset. Cyrano meurt face à nous. Silence dans la salle. Le public ne peut retenir son émotion et se lève comme un seul homme. Instant magique du théâtre.
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
Cyrano de Bergerac de
Edmond Rostand
adaptation et mise en scène — Dominique Pitoiset
dramaturgie — Daniel Loayza
scénographie et costumes — Kattrin Michel
lumière — Christophe Pitoiset
maquillage — Cécile Kretschmar
travail vocal — Anne Fischer
maître d’armes / combats — Pavel Jancik
avec
Philippe Torreton Cyrano
Maud Wyler Roxane
Patrice Costa Christian
Daniel Martin De Guiche
Bruno Ouzeau Le Bret
Martine Vandeville Lise, la duègne, un pâtissier, un poète, un cadet, Mère Marguerite
Jean-Michel Balthazar Ragueneau
Adrien Cauchetier un fâcheux, un pâtissier, un poète, un cadet, soeur Claire
Nicolas Chupin Valvert, un pâtissier, un poète, un cadet, soeur Marthe
Gilles Fisseau Lignière, un pâtissier, un poète, un cadet, une soeur
Jean-François Lapalus Montfleury, Carbon de Castel-Jaloux, un poète, une soeur
Production déléguée
Théâtre National de Bretagne – Rennes
Production exécutive
Théâtre national de Bordeaux Aquitaine
Coproduction
MC2 – Grenoble ; Les Théâtres de la Ville de Luxembourg ; Espace Malraux / Scène Nationale de Chambéry et de la Savoie ; Centre National de Création et de Diffusion Culturelles de Châteauvallon ; Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines / Scène nationale Théâtre National de Bretagne – Rennes
Durée: 2h40
Théâtre de la Porte Saint-Martin pour 60 représentations exceptionnelles
à partir du 2 février 2016
Bonjour,
je suis metteur en scène et je monterai cyrano en 2015.
J’ai été voir le spectacle à Valenciennes et j’ai beaucoup aimé cette version.
Pensez vous qu’il y aura un jour un DVD du spectacle ?
Par quel canal, pourrait-on se le procurer ?
Merci
Il faut vous rappocher du TNB à Rennes qui est producteur du spectacle
un comédien et une mise en scéne extra ordinaire
et la « bande son » réhausse encore ce spectacle
pouvez vous me dire quelle est la chanson finale ? j’ai reconnu la voix de bashung mais ne connait pas ce titre*
merci
Il s’agit de « Comme un légo »
Un massacre en bonne et due forme de l’œuvre de Rostand. Torreton est le seul acteur valable de cette pièce. Cela ne sauve même pas les meubles. Un texte magnifique qui en devient complètement décalé et ridicule. Des rajouts grotesques qui font rire les enfants en bas âge. Roxanne est la pire actrice qu’il m’ait été donné de voir au théâtre. Bref, aucun metteur en scène n’a le talent nécessaire pour « bonifier » une œuvre pareille. Cette pièces était un calvaire. Je suis étonné des bonnes critiques au vu de la réaction du public au célestins de Lyon. La scène de la mort gagne un peu en crédibilité avec le costume d’époque. Ils ont d’ailleurs fais toutes leurs photos promotionneĺles sur être scène en costume, ce qui est presque une escroquerie au vu du reste de la pièce. La bande son participe au grotesque et au ridicule. Les plus chanceux seront assis près de la porte et pourront partir au bout de 30 interminables minutes, évitant ainsi de voir les acteurs en robe de chambre s’ouvrir une bière après avoir assister a la mort de cyrano en costume du XVII.
Torreton très bon, pour le reste l’engouement des critiques et du public, qui en effet s’est levé à Rennes en bonne partie, me dépasse un peu. Sans jouer les réacs remanier un chef d’oeuvre comme celui-ci demande un peu plus de cohérence dans le parti pris il me semble. La scène du balcon sur Skype tient bien jusqu’à l’arrivée de Giche, ensuite c’est grotesque, franchement grotesque, un moment gênant de nullité de mise en scène comme j’en ai rarement vu au théätre professionnel. Les acteurs sont tous franchement mauvais, Roxanne en particulier, ce qui fait ressortir la force saisissante de Torreton. Je ne suis pas personnellement contre le décalage et la réinvention de chef d’oeuvre mais celui-ci me laisse très circonspect. Les sommets de poésie du texte et de Toretton alternent avec des sommets de vulgarité et laisse un peu pantois.
C’est évidant qu’un combat à main nues et au fer à repasser fait bien mieux rêver le spectateur qu’un duel à l’épée. Pitoiset pourra faire une pièce sur Marcel Cerdan la prochaine fois..