Au Théâtre des Champs-Elysées, Robert Carsen signe une Iphigénie en Tauride de Gluck intensément tragique et organique. L’oeuvre est également on ne peut mieux servie par ses interprètes passionnés.
Tandis qu’en Aulide, Iphigénie doit être immolée par son père pour calmer les vents mauvais et rendre prompt le départ vers Troie de la flotte grecque, la déesse Diane que la clémence honore intervient in extremis en assurant le sauvetage de l’héroïne aussitôt débarquée sur des terres étrangères où elle deviendra prêtresse.
Les rives barbares de la presqu’île de Tauride prennent sur scène la forme d’une géante boîte noire rendant prisonniers ses résidents. Entre ses hauts pans de murs sombres et oppressants, forcément propices aux visions d’horreurs cauchemardesques, sont exacerbées à la fois la solitude et l’abandon d’Iphigénie plaintive et désolée comme la brutalité et la sauvagerie du mythe. Si le chœur chante en fosse, il revient à une troupe de danseurs de noir vêtus d’occuper le plateau. La figure sacrificielle démultipliée rejoue l’attentat dont elle fut la victime sur les premières mesures puissamment tempétueuses dans un fiévreux ballet où les corps se jettent et se violentent.
Un simple carré dessiné au sol figure la prison dans laquelle sont enfermés Oreste et son fidèle ami Pylade, un pierre nue sert d’autel sur lequel Iphigénie implore puis devra sacrifier le frère qu’elle n’a pas encore reconnu, nul autre accessoire que des lames tranchantes et métalliques, des craies pour inscrire en blanc les noms des ancêtres maudits de la famille des Atrides et des éponges imbibées d’eau pour plus tard les effacer. L’économie fait la grandeur de ce spectacle beau et rigoureux.
Ce dépouillement total et magique convient parfaitement à l’épure musicale voulue par le réformateur Gluck dont l’oeuvre est davantage centrée sur l’expression du sentiment plutôt que sur l’ornement superflu. Dans ce sens, la mise en scène est en parfait accord. Elle a aussi la qualité de mettre en valeur ses somptueux interprètes.
Le rôle-titre se voit doté d’une force et d’une délicatesse sans pareil par la jeune interprète Gaëlle Arquez dont la voix ample et le timbre chaleureux séduisent et émeuvent dans chacun des airs qui sont des moments de beauté, de grâce pure. Stéphane Degout met comme toujours de conséquents moyens au service d’une formidable densité scénique et vocale. Il campe un Oreste absolument poignant. Paolo Fanale dont la voix n’est pas la plus irrésistible qui soit, probablement à cause de sa blancheur mate, fait un fort beau Pylade, lui aussi tout à fait sensible et vibrant. Thomas Hengelbrock se fait toujours un admirable et ardent défenseur gluckiste. A la tête des choristes et musicien de son Balthasar-Neumann-Ensemble, il déploie une maîtrise incomparable de la dynamique et des couleurs de la partition qu’il rend frénétique et étreignante.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
Iphigénie en Tauride
Christoph Willibald Gluck
Thomas Hengelbrock direction
Robert Carsen mise en scène et lumières
Philippe Giraudeau chorégraphie
Tobias Hoheisel décors et costumes
Robert Carsen, Peter van Praet lumières
Gaëlle Arquez Iphigénie
Stéphane Degout Oreste
Paolo Fanale Pylade
Alexandre Duhamel Thoas
Catherine Trottmann Diane
Balthasar-Neumann-Chor-und-Ensemble
Rencontre avec l’équipe artistique / Entrée libre – Inscription obligatoire ICI
Durée de l’ouvrage 1h45 environ
Opéra chanté en français, surtitré en français et en anglaisProduction Lyric Opera of Chicago, San Francisco Opera, Royal Opera House
Reprise de la production : Théâtre des Champs-Elysées
La production originale a été rendue possible grâce à la générosité du National Endowment for the Arts et de la Fondation Mazza.Théâtre des Champs-Elysées
samedi 22 juin
19H30
lundi 24 juin
19H30
mercredi 26 juin
19H30
vendredi 28 juin
19H30
dimanche 30 juin
17H00
Laisser un commentaire
Rejoindre la discussion?N’hésitez pas à contribuer !