Présentée aux Gémeaux, Scène nationale de Sceaux, et en tournée, Theatre of Dreams, la dernière création du chorégraphe israélien, fait surgir un maelstrom de visions rêvées, irriguées par l’énergie vivifiante et la théâtralité affirmée dont l’artiste est coutumier.
« Le monde est un théâtre », écrivait William Shakespeare. Celui d’Hofesh Shechter est généreusement nourri du théâtre de tréteaux, de foire, de marionnettes, du cirque, de la revue, de la parade, du carnaval, comme il est parfois peuplé de leurs figures archétypales respectives. Le chorégraphe israélien assume la théâtralité proliférante de ses inspirations. Sa nouvelle pièce, créée au Théâtre de la Ville, à Paris, au début de l’été dernier, se situe plutôt dans l’ambiance d’un bal fiévreux, d’un club ou d’une rave, mais le théâtre est encore bel et bien présent : d’innombrables jeux de lumière, et surtout d’amples mouvements de rideaux de velours, qui s’ouvrent et se referment intempestivement, laissent apparaître et disparaître dans leurs interstices coulissants la substance même de l’œuvre. La frontière entre le réel et l’illusion s’abolit en même temps que celle qui sépare la salle et la scène dès qu’un danseur se trouve, l’air hagard et interrogateur, au-devant du grand rideau tendu à la rampe comme devant l’antre d’une grotte magique où il finit par s’engouffrer, pour se trouver face à un autre rideau et faire se répéter inlassablement la situation. La géante mise en abyme proposée par Shechter s’offre comme un artifice qui cherche à pénétrer dans les profondeurs d’un monde grouillant, caché, et à le voir petit à petit se déployer.
Avec une totale maîtrise de l’espace en constante reconfiguration, Theatre of Dreams se développe entre dévoilement et effacement. Les choses y existent sans vraiment s’installer. Par intermittence, en de brefs instantanés, de furtifs tableaux s’enchaînent, et, avec eux, de multiples présences, de multiples visions, fugaces, mais saisissantes, car empreintes de frénésie, de sensualité, de violence aussi, d’une totale étrangeté qui colle à la rétine. En quelques secondes, une figure ou un groupe entier se donnent à voir, puis se dérobent à la vue. Non pour souligner la propension à zapper d’une époque effrénée, mais plutôt pour montrer la fascinante impénétrabilité du subconscient où se logent et s’exacerbent les peurs, les espoirs et les fantasmes de tout un chacun. C’est justement cela que Shechter veut explorer avec son habituelle radicalité.
Comme toujours chez le chorégraphe israélien, la danse voisine avec la transe. Elle prend place dans un brumeux clair-obscur, dont les tonalités nuitées sont propices au vagabondage de l’esprit entre le rêve et le cauchemar. Elle emporte tout dans son hypnotique et remuant mouvement. Les corps, mis sous haute tension, forment une houle ou une horde secouante et secouée qui illustre le dérèglement des sens. Les bouillonnants interprètes, dont le travail est axé sur un unisson affolé, allient solidité technique et expressivité stupéfiante. Leur danse est aussi viscérale que parfaitement réglée. Le rythme et les décibels d’une création musicale composée par le chorégraphe lui-même, qui est un ancien batteur, irriguent l’énergie brute et l’élan vital des danseuses et des danseurs mus par la puissance sauvage, car désinhibée, d’un monde chimérique captivant à contempler.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
Theatre of Dreams
Chorégraphie et musique Hofesh Shechter
Avec Tristan Carter, Robinson Cassarino, Frédéric Despierre, Rachel Fallon, Cristel de Frankrijker, Mickaël Frappat , Natalia Gabrielczyk, Zakarius Harry, Alex Haskins, Yeji Kim, Keanah Faith Simin, Juliette Valerio, Chanel Vyent
Création lumière Tom Visser
Création costumes Osnat Kelner © Ulrich GeischëProduction Hofesh Shechter Company
Commande Théâtre de la Ville – Paris
Coproduction Sadler’s Wells London ; Brighton Dome & Brighton Festival ; Les Théâtres de la Ville de Luxembourg ; Seongnam Arts Center/Seongnam Cultural Foundation ; Danse Danse Montréal ; MC2 : Maison de la Culture de Grenoble – Scène nationale ; Ruhrfestspiele Recklinghausen ; Central – La Louvière ; Théâtre Sénart – Scène Nationale ; Torinodanza Festival / Teatro Stabile di Torino – Teatro Nazionale ; Festspielhaus St. Pölten (AT) ; La Comédie de Clermont-Ferrand scène nationale ; Maison de la danse, Lyon – Pôle européen de création ; Les Gémeaux – Scène Nationale de Sceaux ; Château Rouge, scène conventionnée – Annemasse ; Châteauvallon-Liberté, scène nationale ; Scène Nationale ALBI-Tarn ; Le Carré Sainte-Maxime avec le soutien de Theater Rotterdam ; Les Salins – Scène Nationale de Martigues ; Marche Teatro / Inteatro Festival ; La Briqueterie CDCN du Val-de-Marne et The Maria Björnson Memorial Fund
Don individuel Georgia RosengartenLa Hofesh Shechter Company reçoit le soutien de la Fondation BNP Paribas pour le développement de ses projets et des subventions publiques de l’Arts Council England.
Durée : 1h30
Les Gémeaux, Scène nationale de Sceaux
du 17 au 19 décembre 2024
Central, La Louvière (Belgique)
du 19 au 23 février 2025
Les Théâtres de la Ville de Luxembourg
du 27 au 29 mars
Château Rouge, Annemasse
les 1er et 2 avril
Le Carré Sainte-Maxime
le 5 avril
Théâtre-Sénart, Scène nationale
du 8 au 10 avril
La Comédie de Clermont-Ferrand, Scène nationale
du 20 au 22 mai
Laisser un commentaire
Rejoindre la discussion?N’hésitez pas à contribuer !