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Un somptueux chœur nocturne de marins revisite « Billy Budd »

Aix en provence, Coup de coeur, Les critiques, Opéra
Ted Huffman crée L'histoire de Billy Budd, Marin d'après Benjamin Britten au Festival d'Aix-en-Provence 2025
Ted Huffman crée L'histoire de Billy Budd, Marin d'après Benjamin Britten au Festival d'Aix-en-Provence 2025

Photo Jean-Louis Fernandez

Au Festival d’Aix-en-Provence, la création mondiale d’un opéra de chambre par Ted Huffman et Oliver Leith, d’après Billy Budd de Benjamin Britten, opère un habile travail de transformation de l’œuvre qui renouvelle profondément son approche auditive et sensible.

Inspiré du court roman de Melville, Billy Budd de Britten passe pour un chef-d’œuvre de force dramatique et émotionnelle. Il a connu une maturation longue et plusieurs remodelages de la part de son compositeur, avec son passage d’une version de quatre à deux actes quelques années après sa création. Mais c’est un resserrement encore plus drastique que proposent conjointement le metteur en scène Ted Huffman et le compositeur Oliver Leith, semblant tous deux chercher à atteindre la quintessence de cette œuvre sublime et insaisissable. Aussi bien musicalement que théâtralement, le geste qu’ils opèrent se place dans la lignée sincèrement revendiquée d’un Peter Brook, grand maître du théâtre essentialiste, qui, en s’emparant de Carmen, de Pelléas, ou de La Flûte enchantée, n’hésitait pas à intervenir sur la partition pour en extraire toute la puissance évocatrice dans une radicale simplicité formelle. Cette quête exigeante suppose un engagement et une cohésion formidablement palpables de tous les interprètes, qu’ils soient chanteurs ou musiciens. Dix artistes occupent harmonieusement l’espace et jouent sans distinction des hommes d’équipage en pantalons et marcels blancs et combinent plusieurs rôles, sous la direction de Finnegan Downie Dear.

Dans sa version originale, Billy Budd se distingue par sa masse orchestrale grandiose, sans doute la plus importante jamais utilisée par le compositeur, qui confiait un rôle majeur aux bois et aux cuivres, par l’opulence des effectifs choraux qui s’apparentent à de véritables piliers structurels dans la partition, et par l’impressionnant nombre de rôles solistes, tous masculins. Dans l’intimisme de l’adaptation réalisée par Oliver Leith, ancien artiste membre de l’académie du Festival d’Aix, ce sont seulement six voix, quatre instrumentistes, trois claviers et des percussions variées qui ont la charge de faire émerger, avec un certain art de la suggestion, un univers sonore délicatement allégé, dépouillé, évitant tout débordement et lui privilégiant un sfumato évanescent qui invite à la rêverie. La musique se revêt de couleurs nocturnes et laisse se diffuser des sonorités troubles, transparentes, éthérées, chargées, sans épaisseur, d’une douce mélancolie et d’une belle sensualité.

Théâtralement, le geste de Ted Huffman s’est toujours distingué par son minimalisme. Son épure permet de donner une rigoureuse lisibilité à la trame narrative et aux enjeux de l’œuvre, notamment à ses rapports de forces et de séduction, sondés en profondeur et mis à nu jusqu’à toucher la vérité intérieure des personnages auxquels sont conférés une aura, une grâce, une complexe humanité. C’est ce qu’avait déjà démontré – et avec un insolent succès – son Couronnement de Poppée, joué dans la même salle du Jeu de Paume d’Aix-en-Provence. À nouveau, la cage de scène est dégagée et s’offre comme un écrin parfait pour mettre en valeur la justesse et le sens du détail du travail réalisé. Suivant un principe assumé de métathéâtralité, quelques éléments de costumes et accessoires, postiches relevant plus de l’intemporalité que d’une vraie actualisation, sont hâtivement saisis pour dessiner les différents personnages. Pas d’autres éléments de décor qu’une toile hissée à la main vers les cintres et une estrade en bois suffisent pour figurer le pont du navire de guerre britannique nommé L’Indomptable, qui sert de cadre à l’action. Le brouillard qui évoque la brise marine est aussi le reflet de l’intériorité obscure et tourmentée des personnages.

L’autre aspect singulier du spectacle réside dans l’éloquence des voix et des corps très exposés, éclatants de juvénilité et d’une force d’expression qui donne beaucoup de relief et de vie aux figures incarnées. À l’exception du démoniaque Claggart que campe Joshua Bloom avec sa voix de basse mature et des graves caverneux d’une arrogante rugosité, le reste de la distribution irradie d’une fraîcheur physique et vocale avantageuse. À commencer par le sculptural Billy Budd du baryton américain Ian Rucker, au chant puissant de clarté solaire dans la révolte comme dans la résignation à l’aube de la mort. Boucles d’or, visage d’ange, muscles et tatouages apparents, il incarne ce héros édénique, trop parfait, dont la touchante sollicitude pour le Novice roué de coups et exhibant son dos balafré se meut en véritable désir charnel montré à l’occasion de discrètes caresses et de fougueux baisers. Cet amant passager est malgré lui chargé de compromettre le héros sacrifié, ce dont se souvient avec douleur le Capitaine Vere, campé par un Christopher Sokolowski à la fois lumineux et ombrageux.

Christophe Candoni – www.sceneweb.fr

L’histoire de Billy Budd, Marin
d’après Benjamin Britten
Mise en scène, adaptation, costumes et accessoires Ted Huffman
Adaptation musicale Oliver Leith
Direction musicale Finnegan Downie Dear
Avec Ian Rucker, Joshua Bloom, Christopher Sokolowski, Hugo Brady, Noam Heinz, Thomas Chenhall et les musiciens Finnegan Downie Dear, Richard Gowers, Siwan Rhys (claviers), George Barton (percussion)
Lumière Bertrand Couderc
Assistant à la direction musicale Richard Gowers
Collaboratrice à la mise en scène, aux costumes et accessoires Sonoko Kamimura
Assistante aux costumes et accessoires Sara Bartesaghi Gallo
Collaborateur aux mouvements Pim Veulings

Production Festival d’Aix-en-Provence
Coproduction Les Théâtres – Grand Théâtre de Provence

Durée : 1h45

Festival d’Aix-en-Provence, Théâtre du Jeu de Paume
du 5 au 10 juillet 2025

7 juillet 2025/par Christophe Candoni
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