Avec Sweet Mambo, l’avant-dernière pièce de Pina Bausch, le Tanztheater de Wuppertal rejoue cette pièce qui met les femmes au premier plan mais présente aussi un tableau suranné des relations entre les femmes et les hommes.
Encore aujourd’hui Pina Bausch frappe par sa modernité, la finesse de son écriture et de sa capacité de transmettre les émotions. Pourtant, Sweet Mambo (2008), la pièce pénultième de cette légende du XXème siècle n’a pas un goût aussi savoureux que les tubes comme Café Müller (1978) ou Kontakthof (1978), qui ont été rejouées à Paris en 2023. Dans cette pièce pour trois danseurs et sept danseuses, on traverse les thématiques qui traversent l’œuvre de la chorégraphe comme un badinage amoureux entre des femmes en robe et des hommes en costume, comme les gestes étirés qui la caractérisent. Interprété par la compagnie de Pina Bausch Le Tanztheater Wuppertal et quelques invités dirigés par Boris Charmatz, Sweet Mambo risque de décevoir celleux qui découvrent la chorégraphe, mais fera sûrement plaisir à celleux qui aiment à retrouver ses marottes. Cette pièce serait-elle la facette surannée de Pina ?
Sweet Mambo est une succession de saynètes, parfois dansées, parfois parlées, sans narration ou logique tangible, avec une répétition des motifs (une danseuse qui court avant d’être ramenée en arrière par deux danseurs ou une rengaine où chacun dit son nom suivi de “n’oubliez pas”). Les femmes y occupent le rôle principal, ou une multiplicité de rôles principaux, tragiques, à l’instar des seaux d’eau renversées, séductrices, en témoignent les épaules dénudées et embrassées par les danseurs, comiques, à l’instar des interludes façon stand-up où l’on nous prodigue des conseils pour avoir la bonne attitude lors d’une cocktail party (elle repose sur un mot). Elles sont chatoyantes, en robes fluides blanches ou colorées ou plus encombrantes, aux gros bustiers et drapés volumineux; ils sont sobres, en costumes noirs, parfois presque des figurants.
Entremêlée à ce focus sur les danseuses, dont l’expressivité se manifeste aussi dans l’amplitude sensuelle des gestes de bras et les courses pressées à travers la salle, laissant de longues chevelures flotter, les relations femme-homme apparaissent très étrange, déplacées voire de l’ordre du harcèlement, avec des hommes taquins, insistants, jusqu’à soulever la robe d’une d’entre elle, avec les lunettes d’aujourd’hui. La projection vidéo dans le fonds de scène (images abstraites et extraits de Der Blaufuchs (Le Renard bleu, 1938 de Viktor Tourjansky) et les musiques atmosphériques où l’on reconnaît le trip hop du groupe des 90’s Portishead, donnent à l’ensemble une couleur entre le vintage et le désuet. Peut-être Sweet Mambo permet de nuancer la grandeur du mythe et nous montre comment les chorégraphes élevés au rang de génie sont eux aussi imprégnés de leur époque.
Belinda Mathieu – www.sceneweb.fr
Sweet Mambo
Mise en scène & chorégraphie Pina BauschDécor & vidéo Peter Pabst
Costumes Marion Cito
Collaboration musicale Matthias Burkert, Andreas Eisenschneider
Collaboration Marion Cito, Thusnelda Mercy, Robert Sturm Assistante décor Gerburg Stoffel Assistante costumes Svea Kossak
Direction artistique de la recréation Alan Lucien Øyen
Direction des répétitions Azusa Seyama, Robert Sturm Musique Barry Adamson, Trygve Seim, Gustavo Santaolalla, Hope Sandoval, Portishead, Lucky Pierre Hazmat Modine, Jun Miyake, Mecca Bodega, Cluster & Eno, Lisa Ekdahl, Mari Boine, René Aubry, Mina Agossi, Ian SimmondsAvec Andrey Berezin, Naomi Brito, Daphnis Kokkinos, Alexander López Guerra / Reginald Lefebvrel, Nazareth Panadero, Héléna Pikon, Julie Shanahan, Julie Anne Stanzak, Aida Vainieri (invités)
Direction artistique Tanztheater Wuppertal Pina Bausch+[terrain] Boris Charmatz
L’extrait du film Der Blaufuchs (Le Renard bleu), 1938, UFA / Mise en scène: Viktor Tourjansky Scénario: Dr. K.B. Külb, a été aimablement mis à disposition par la Friedrich-Wilhelm-Murnau Stiftung, Wiesbaden.
Crée le 30 mai 2008 à la Schauspielhaus / Wuppertal. Droits de représentation: Verlag der Autoren, représentant Pina Bausch Foundation.
Durée 2h10
Théâtre de la Ville – Paris
du 23 avril au 7 mai 2024
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