Les plus musiciens des acteurs du Français invitent à un concert théâtralisé autour de l’oeuvre de Serge Gainsbourg. L’exercice excellemment orchestré et maîtrisé permet de rendre un savoureux hommage à l’artiste, à ses compositions et à sa répartie légendaire.
En musique et en chansons, un groupe de six acteurs baptisé les Serge revisite Gainsbourg. On doit cette formidable idée à Sébastien Pouderoux, tout récent sociétaire de la maison de Molière, qui y a déjà incarné Bob Dylan dans un spectacle cosigné avec sa partenaire de longue date Marie Rémond. Ensemble, ils reconstituaient et réinventaient la session d’enregistrement au cours de laquelle, en 1965, à New York, le chanteur mettait en boîte un de ses chefs-d’oeuvre, « Like a Rolling Stone« . Cette fois, il s’associe à Stéphane Varupenne et entraîne Benjamin Lavernhe, Noam Morgensztern, Rebecca Marder et Yoann Gasiorowski dans un récital au répertoire évidement non exhaustif mais fort plaisant. Car d’emblée, est privilégié un brin de suavité, de sensualisme, qui fait le sel des interprétations proposées. Chacun joue à s’approprier le phrasé, la gestuelle, du chanteur sans jamais se cantonner à l’imitation ou le singer. Les interprètes sont tous convaincants, aussi bien musicalement que scéniquement.
Ils séduisent farouchement mais ne cherchent pas pour autant à évincer la portée plus scandaleuse de l’artiste provocateur. Celle-ci est restituée à travers des bribes d’interviews, des prises de parole souvent drôle et grinçantes qui rappellent toute l’ambiguïté de l’homme comme de l’artiste, celui qui charme ou qui dérange, celui chez qui la timidité se masque sous l’arrogance, celui qui sans fausse modestie se qualifie de mythe vivant et d’opportuniste.
Pas de décor mais une batterie d’instruments de musique et de matériel sono devant un mur noir sur lequel a été déposé un simple paravent d’inspiration chinoise. Aux claviers, aux percussions, à la guitare, à la basse, au trombone, à la clarinette, tous réarrangent avec inventivité des tubes tels que « Le Poinçonneur des Lilas », « L’eau à la bouche », « Comme un boomerang » ou encore « Je suis venu te dire que je m’en vais ». Avec délicatesse et un amusement infini, la troupe livre une version à six voix a cappella des fameuses « Sucettes » et colore la chanson d’une fausse ingénuité redoutablement drôle. Il y a aussi quelque chose de plus écorché, de plus torturé, dans d’autres titres qui complètent le portait. Tout est vivant, très attachant et assez émouvant.
C’est enfin avec une géniale virtuosité que Stéphane Varupenne susurre les paroles infiniment poétiques de « Variations sur Marilou » mettant en valeur sans trop surligner ses allitérations et ses rimes équivoques. Cela tient du grand art. Tous défenseurs et porteurs chevronnés des grands textes du répertoire classique et contemporain, les comédiens de la Comédie-Française jouent Gainsbourg et le font tellement bien.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
Les Serge (Gainsbourg Point Barre)
Conception Stéphane Varupenne et Sébastien Pouderoux
Avec Stéphane Varupenne, Benjamin Lavernhe, Sébastien Pouderoux, Noam Morgensztern, Rebecca Marder, Yoann Gasiorowski
Lumières Éric Dumas
Arrangements musicaux Guillaume Bachelé, Martin Leterme, Vincent Leterme et les Serge
Son Théo JonvalDurée : 1h30
Studio Théâtre de la Comédie Française
du 24 novembre 2022 au 8 janvier 2023
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