Avec sa dernière création, la chorégraphe Leslie Mannès nous entraîne dans un rituel où les corps se métamorphosent, d’une individualité mystique à une uniformité minimaliste. Si le message est ambigu, la force de ce spectacle réside dans sa danse et sa musique hypnotiques.
Dans l’obscurité, un grand drap noir dessine un paysage vallonné. Un magma noir ? Une grande mare de pétrole ? De cette matière naissent des personnages aux costumes étranges, marchant en procession sur une musique pulsée. Ancienne des célèbres écoles de danse contemporaine P.A.R.T.S. et SEAD, Leslie Mannès, qui a imaginé cette scène mystique, aime créer des univers festifs et futuristes où la danse, intense, a des ambitions cathartiques. En témoigne Forces (2019), qui faisait jaillir une danse proche de la transe. Avec Sous le volcan, elle déploie un nouveau rituel, où un groupe d’individus se métamorphose dans une chorégraphie au rythme bien scandé.
Cette nouvelle création commence dans un temps mythique. Les cinq performeurs et performeuses se présentent comme des êtres étranges : masques argentés, vestes en fourrure orange et chapeaux. Des sorciers ? Des troubadours ? La scène, baignée dans la lumière orange, pourrait être un zoom dans un tableau de Jérôme Bosch projeté dans le futur. Les créatures se déplacent en farandoles, dansent en ligne face à nous, rebondissant sur le rythme de la musique électro de Solène Moulin, laissant leur buste onduler et leurs bras s’agiter.
Cette procession prend une dimension mystique lorsque ces personnages rassemblent le drap au centre, figurant un brasier, autour duquel ils tournent, qu’ils semblent aduler. Là, l’ambiance change. Les masques et fourrures tombent pour révéler un uniforme : combinaisons blanches, chaussettes et baskets noires. Les grands gestes désordonnés du début laissent place à des mouvements de travail, bien coordonnés : bêcher, laver le linge, le frapper au sol… Comment interpréter cette métamorphose ? Un passage d’une adoration des ressources naturelles à leur exploitation ? D’un corps libre, individualisé, à un corps au travail et unique ? Si les premiers tableaux évoquent la fantaisie d’un conte, les seconds représentent un corps commun, mu de concert par l’effort faisant écho aux régimes totalitaires. Faut-il y voir plutôt qu’une aliénation, une union salvatrice des individualités ? Une évolution vers le collectif ?
C’est ce que laisse penser la résolution de Sous le volcan, où les danseurs et danseuses se tiennent par les bras pour avancer ensemble, apaisés, portés par une union joyeuse. Entre images utopiques et dystopiques, le spectacle de Leslie Mannès demeure ambigu, mais la puissance des corps, les jambes bien campées dans le sol, rebondissant sur des genoux pliés, suffit toutefois à nous emporter dans son monde.
Belinda Mathieu – www.sceneweb.fr
Sous le volcan
Chorégraphe Leslie Mannès
Avec Iris Brocchini, Gilles Fumba, Leslie Mannès, Amélie Marneffe en alternance avec Eugenia Lapadula, Marco Torrice
Création lumière Vincent Lemaître
Composition musicale Solène Moulin
Costumes design Marie Artamonoff
Réalisation costumes Marie Artamonoff, Fabienne Damiean de l’atelier costumes du Varia
Assistanat Laura Bossicart
Conseil artistique Joëlle BacchettaProduction asbl Hirschkuh ; BLOOM Project
Production déléguée Varia – Théâtre & Studio
Coproduction Varia – Théâtre & Studio ; Charleroi danse – Centre Chorégraphique de Wallonie-Bruxelles ; Les Hivernales – CDCN d’Avignon ; La Coop asbl et Shelter Prod
Avec l’aide de la Fédération Wallonie-Bruxelles – Service de la Danse
Avec le soutien de taxshelter.be, ING et du tax-shelter du gouvernement fédéral belge, Wallonie-Bruxelles International, Studio THOR (accueil en résidence) et Grand StudioLeslie Mannès est artiste partenaire du Varia – Théâtre & Studio.
Durée : 1h
Théâtre Varia, Bruxelles
du 4 au 14 décembre 2024Les Hivernales, CDCN Avignon
le 15 février 2025Les Écuries, Charleroi danse
les 14 et 15 mars
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