Aux Bouffes du nord, Samuel Achache présente un nouveau spectacle qui, malgré quelques bons traits d’humour, tombe un peu trop dans la morosité.
Depuis 2013, Le Crocodile trompeur / Didon et Enée comme Orfeo, Je suis mort en Arcadie créés en tandem avec sa complice Jeanne Candel, ou bien Fugue, premier opus mis en scène en solo, sont autant de brillants spectacles qui dans un geste d’une dingue inventivité concilient la musique ancienne et le théâtre contemporain. Dans Songs, l’histoire alambiquée d’une mariée qui broie du noir trouve grâce et élan dans la beauté mélancolique et la douce sérénité de chants anglais appartenant à l’époque musicale peu connue qui précède de justesse les compositeurs John Blow et Henry Purcell.
L’intérêt du théâtre de Samuel Achache n’a jamais vraiment résidé dans les histoires à dormir debout qu’il raconte. Elles sont souvent elliptiques, décousues, réduites à des trames aux entrées multiples mais qui souvent traînent en longueurs. Pour autant, il se dégage toujours une pâte humaine, une dimension loufoque et généreuse, des petites bribes d’existences vacillantes qui sont mises en scène. Ici, la plongée introspective de Sylvia, protagoniste au beau nom nervalien, qu’interprète en finesse Sarah Le Picard invite une fois de plus à explorer une foule de sentiments profondément contrariés.
Le plateau rougeoyant des Bouffes se présente voilé d’un drapé d’une blancheur virginale. Un mariage devrait avoir lieu mais la mariée renonce inopinément. Réfugiée dans les toilettes, elle menace de se tuer, puis disparaît dans son jupon comme dans son esprit tourmenté. La scène se découvre et laisse apparaître un espace délité qui figure un salon de thé ou de musique aux murs et objets recouverts de cire fondue et au sol funestement terreux. Cet espace mental et mnémonique est peuplé des instrumentistes de l’ensemble les Correspondances conduits par leur chef Sébastien Daucé à l’orgue et au virginal. Ils font complètement partie intégrante de la mise en scène. S’ajoutent Viviane, sorte de personnage-baudruche, total pendant comique à la situation, campée avec jubilation par Margot Alexandre qui affiche un ventre postiche et un accent pétulant, enfin une mère sévère que joue la cantatrice Lucile Richardot, superbe et subtile alto.
Au fil de ces songs, se disputent en permanence et non sans lourdeurs la joie et la tristesse mais la morosité l’emporte de loin sur la gaieté.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
Songs
Direction musicale et orgue Sébastien Daucé
Mise en scène Samuel Achache
Avec Lucile Richardot, alto ; Margot Alexandre et Sarah Le Picard, comédiennes ; René Ramos Premier, baryton basse ; Lucile Perret, flûte ; Angélique Mauillon, harpe ; Mathilde Vialle, Louise Bouedo, Étienne Floutier, violes ; Thibaut Roussel, théorbe ; Arnaud De Pasquale, clavecinScénographie Lisa Navarro
Dramaturgie Sarah Le Picard
Costumes Pauline Kieffer
Lumières César Godefroy
Assistanat à la mise en scène Carla BouisProduction déléguée Élaine Méric et Céline Portes
Régie générale Marie-Anne LefebvreProduction L’ensemble Correspondances ; la vie brève
Coproduction Théâtre de Caen, CDN ; Théâtre de Lorient, CDN ; La Comédie de Valence, CDN Drôme-Ardèche ; Théâtre de Cornouailles, Scène nationale de Quimper ; Fondation Royaumont avec le soutien de la Fondation Daniel et Nina Carasso ; Théâtre Paul Éluard à Choisy-le-Roi ; Théâtre de la Croix-Rousse avec l’aide du Centre culturel de rencontre d’Ambronay et de la Fondation Musica Solis
Avec le soutien de la Fondation Jan Michalski et d’Arcadi – Île-de-France
Samuel Achache est membre du collectif artistique de La Comédie de Valence CDN Drôme-Ardèche.
DURÉE : 1h40Comédie de Valence
MER. 17 & JEU. 18 OCT. 2018, 20HBouffes du Nord
du 05 au 20 janvier 2019
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