Née à Téhéran, Mina Kavani est la nièce du metteur en scène de cinéma et de théâtre Ali Raffi. Cet automne, elle s’est racontée seule en scène dans le subtil et incandescent I’m deranged. Elle retrouve cette semaine l’équipe des Forteresses de Gurshad Shaheman pour sa reprise au Théâtre de la Bastille à Paris.
Avez-vous le trac lors des soirs de première ?
Je n’ai pas le trac seulement les soirs de première, j’ai le trac tous les soirs. Même si je joue 48 fois un spectacle, j’ai 48 fois le trac. C’est pénible mais étrangement c’est cela qui me donne de l’énergie. Quand j’ai le trac, je sais que je suis dedans et c’est parti pour que j’aille sur scène. C’est quand je n’ai pas le trac que je peux m’inquiéter profondément !
Comment passez-vous votre journée avant un soir de première ?
Normalement la journée d’une première, j’essaie de dormir le plus que je peux le matin et quand je me réveille j’essaie de dépenser le moins d’énergie possible, je m’enferme dans ma bulle, je me déconnecte du monde. Je ne fais rien, que me concentrer sur le texte. En tout cas je ne peux ni me détendre, ni boire un café avec un ou une amie. Souvent je m’enferme dans la solitude, au théâtre où j’arrive tôt surtout pour la première. J’ai besoin de m’habituer à l’endroit, à l’énergie, aux odeurs, aux gens qui y travaillent, pour m’approprier un peu le lieu.
Avez-vous des habitudes avant d’entrer en scène ? Des superstitions ?
J’ai hélas beaucoup de superstitions avant de monter sur scène ! J’ai évoqué les habitudes, auxquelles s’ajoutent des pratiques un peu superstitieuses : je prie toujours, je ne peux pas entrer en scène si je ne prie pas, je parle avec les étoiles, tout ce en quoi je crois…
Première fois où je me suis dit « je veux faire ce métier ? »
À dix ans, je savais que j’aimais beaucoup jouer. Je viens d’une famille qui fait ce métier, notamment mon oncle, Ali Raffi, qui m’a élevée et qui est un très grand metteur en scène en Iran. J’ai grandi chez lui. Je fréquentais tout le temps ses acteurs, je traînais dans ses répétitions. Lorsque j’ai eu douze ans, il a monté Noces de sang de Garcia Lorca à l’Opéra de Téhéran et j’ai annoncé à mes parents que je voulais devenir comédienne. À 12 ans, c’était sûr et certain.
Premier bide ?
Lorsque j’ai travaillé avec une metteuse en scène qui me torturait moralement. J’avais l’impression que je ne voulais pas faire ce métier pour vivre ça…
Première ovation ?
C’était quand j’ai joué la première fois au Théâtre de la ville Téhéran dans la pièce de mon oncle Il ne neige pas en Egypte.
Premier fou rire ?
Encore à Téhéran, deux ou trois années après que j’ai commencé à jouer. C’était encore au Théâtre de la Ville, dans le spectacle d’un metteur en scène gentil mais qui n’était pas forcément le grand talent de l’époque. Cependant, j’avais des camarades incroyables et incroyablement drôles. Et j’ai eu un fou rire avec l’un d’entre eux. On a tellement rigolé que le metteur en scène, qui était au milieu des spectateurs, a dit « cut ». Il a carrément interrompu le spectacle et a fait un entracte !
Premières larmes en tant que spectatrice ?
Je crois que c’était en regardant Noces de sang de Garcia Lorca mis en scène par mon oncle. Il y avait 90 représentations et je pense que j’en ai vu 80. Et les 80 fois j’ai versé des larmes. Ce spectacle m’a énormément secoué.
Première mise à nue ?
Alors évidemment, cette question ne peut pas se passer à Téhéran. Ca s’est passé à Paris. En sortant du Conservatoire, j’ai eu la proposition de jouer le rôle principal de Red rose, le film de Sepideh Farsi. Il y avait des scènes de nudité et même des scènes d’amour. Après l’Iran, j’ai fait le Conservatoire et c’était mon premier projet très sérieux Cela a donc commencé avec quelque chose de très fort et très engagé et qui m’a coûté quand même assez cher. C’est en effet depuis ce film que j’ai dû m’exiler et que je ne peux pas retourner en Iran. J’ai été très très attaquée par la presse iranienne qui m’a nommée la première actrice pornographique iranienne
Première fois sur scène avec une idole ?
J’étais très fascinée par Jean-Damien Barbin qui était mon professeur au Conservatoire de Paris. J’admirais énormément l’acteur et quand j’étais son élève je l’ai beaucoup vu jouer, notamment chez Frank Castorf, Olivier Py… Et il m’a proposé, peut-être deux ans après que je sois sortie du l’école, de jouer avec lui les Sonnets de Shakespeare à l’Orchestre national de Lyon. J’étais très impressionnée et même intimidée.
Première interview ?
J’avais 17 ans c’était pour le spectacle de mon oncle Il ne neige pas en Egypte. J’aimais beaucoup mon rôle, qui était tragique, et on a fait beaucoup d’interviews après ce spectacle.
Premier coup de cœur ?
C’était encore le spectacle de mon oncle ! Mais je voudrais aussi évoquer le premier coup de cœur de ma vie parisienne puisque ma vie s’est divisée en deux. Mon premier coup de cœur en France, à Paris, est Kristian Lupa. Je suis tombée terriblement amoureuse de son univers, de sa manière de diriger les acteurs, de sa spiritualité, de sa folie, de sa rage, de ses silences. Tout ce qu’il est m’impressionne et m’émeut.
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