Louis Arene est le co fondateur avec Lionel Lingelser du Munstrum Théâtre, première compagnie invitée des Quartiers d’artistes, nouveau rendez-vous du Théâtre Public de Montreuil qui débute cette semaine avec Zypher Z.
La compagnie prépare pour 2025 sa nouvelle création, Makbeth d’après Shakespeare. L’ancien pensionnaire de la Comédie-Française, reprendra la saison prochaine, sa mise en scène du Mariage Forcé de Molière, créé en 2022 Studio de la Comédie-Française, en tournée au Théâtre de Rond-Point et aux Célestins.
Avez-vous le trac lors des soirs de première ?
En général, les premières des spectacles du Munstrum se déroulent dans une telle effervescence, – il y a tant de problèmes à régler, de costumes à arranger, de masques à repeindre, sans compter les scènes que l’on continue à répéter car elles ne sont pas encore au point… – que je n’ai pas le temps d’avoir le trac. Ce sont des moments où je suis sur tous les fronts et la représentation commence sans que j’ai eu une minute pour me poser et laisser la place à l’angoisse qui devrait logiquement m’assaillir…
Comment passez-vous votre journée avant un soir de première ?
Dans cette effervescence que je viens d’évoquer.
Avez-vous des habitudes avant d’entrer en scène ? Des superstitions ?
J’essaye de me méfier des habitudes et tente autant que possible d’être au présent et à l’écoute de ce dont j’ai besoin pour rentrer dans le travail. Si j’ai fait beaucoup de choses dans la journée et que je suis trop dispersé, je dois me recentrer en cherchant le calme. Mais il est parfois nécessaire de se « dé-concentrer » pour trouver du plaisir et de la légèreté si au contraire l’ambiance est trop lourde.
Quoi qu’il arrive, au Munstrum, nous nous réunissons avant chaque représentation pour 30 minutes de yoga dirigées par Sophie Botte, comédienne de la compagnie. C’est un moment qui nous permet non seulement de préparer le corps à l’expérience souvent physiquement intense qu’est la représentation mais aussi de trouver une respiration commune et de se connecter les uns les autres.
Première fois où je me suis dit « je veux faire ce métier ? »
J’ai toujours su que je voulais « amuser la galerie » et faire du théâtre. Mais en grandissant, cet appel intérieur devient plus sérieux et, sans tout de suite mettre des mots dessus, on comprend que cela demande un engagement total, un don de soi radical. C’est en voyant pour la première fois Philippe Caubère sur scène quand j’étais au lycée que l’évidence et la nécessité de cet engagement me sont apparues. C’est un artiste qui m’a appris beaucoup de choses. La liberté et l’ambition folle de son œuvre, le plaisir, l’épique et l’intime, le caractère très physique de ses spectacles … J’ai ressenti la portée poétique et politique de l’acte de monter sur scène.
Premier bide ?
Lorsque j’étais pensionnaire à la Comédie-Française, nous jouions un spectacle qui était loin de remporter les faveurs du public … La salle était remplie au tiers et les spectateurs partaient par grappes en faisant claquer les fauteuils pendant la représentation. Les dernières dates ont même été annulées car la fréquentation ne cessait de baisser et le théâtre perdait trop d’argent.
Première ovation ?
En CE1 ou CE2. Fier comme Artaban, juché sur une chaise je récite Le Corbeau et le Renard de La Fontaine devant toute la classe en faisant des voix et des grands gestes. Triomphe instantané !
Premier fou rire ?
En sortant du conservatoire nous avions créé un spectacle de tréteaux itinérant que nous avions écrit avec Karl Eberhart, Lionel Lingelser, Benjamin Lavernhe, Alexandre Éthève, François de Brauer et Chloé Olivérès. Nous jouions l’été en Bourgogne, de village en village, sur les places, les parkings, dans des granges. Nous faisions tout nous-mêmes, c’était exaltant et très épuisant…
Le camion qui tombait en panne tous les deux jours, les lieux improbables dans lesquels nous étions programmés que nous découvrions le jour même, les spectateurs bourrés qui interrompaient le spectacle, et surtout les moments d’improvisations magiques, souvent nés d’accidents, que l’on vivait avec les copains pendant le spectacle … Tout cela nous a offert des beaux moments de rire que je n’oublierai jamais.
Premières larmes en tant que spectateur, spectatrice ?
Je pleure souvent au théâtre ou au cinéma, donc il est difficile de me remémorer la première fois… mais sans doute que Les Ephémères du théâtre du Soleil a été une des premières pièces à m’émouvoir aux larmes.
Première mise à nue ?
Mon premier spectacle, le solo La dernière berceuse, que j’ai commencé à écrire lorsque j’étais au Conservatoire. J’y parlais des folles ambitions des jeunes comédien.ne.s, de mon envie de créer le plus beau spectacle du monde mais aussi de la quête de sens, du désespoir de la jeunesse. J’y avais mis beaucoup de moi, de mes questionnements, de mes doutes.
Première fois sur scène avec une idole ?
En sortant du Conservatoire, J’ai été engagé pour jouer dans Une visite inopportune de Copi, mis en scène par Philippe Calvario et c’est Michel Fau qui jouait le rôle principal. Je l’avais vu plusieurs fois jouer, j’avais surtout été estomaqué par sa Tante Geneviève dans Les illusions comiques d’Olivier Py et il avait été mon professeur au Conservatoire le temps d’un atelier.
Première interview ?
Dans le placard de ma grand-mère où nous nous enfermions quand ma sœur et moi étions petits avec un enregistreur de K7 audio. Nous passions des après-midi à inventer des fausses émissions de radio et à jouer aux stars qui parlent de leur nouvel album, leur nouveau film ou de leur vie démente.
Premier coup de cœur ?
La découverte de la peinture de Francis Bacon pendant mon adolescence. J’ai été marqué au fer rouge par la violence et la grâce des corps mis à nu, si puissamment tragiques, magnifiés par une peinture lourde et colorée. D’un geste improvisé, d’un coup de brosse aléatoire ou d’une projection de peinture impulsive, Bacon fait jaillir une émotion fragile et mystérieuse au milieu d’un visage défiguré. Je crois que c’est le plus grand choc esthétique de ma vie jusqu’à présent. Un de ceux qui ne ne vous font plus voir le monde de la même manière par la suite…
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