Trois géniaux danseurs-histrions revisitent des pas de danse classique et contemporaine dans SIMPLE, une performance drôlement inspirée qui tient autant de la parodie que du pastiche.
Cet étonnant spectacle, qui tourne entre la Belgique et la France, se déroule comme un jeu d’équilibriste, auquel s’adonnent, de manière ludique et faussement improvisée, trois danseurs moulés dans des justaucorps, aussi parfaits pour dessiner les mouvements dans leurs moindres détails que pour dé-spectaculariser et essentialiser la danse. Cette dernière se déploie juste sur un plateau blanc et devant une toile grossièrement colorée. Abstraite et épurée, l’esthétique canonique qui est convoquée est, à l’évidence, inspirée de la post–modern dance et de son plus grand représentant Merce Cunningham. La chorégraphe Ayelen Parolin et son trio d’artistes retiennent du maître américain l’éloquente simplicité et la capacité notoire à laisser une large place à l’imprévisible.
Leurs tenues incrustées de couleurs vives et mouchetées évoquent aussi le sensualisme de L’Après-midi d’un Faune de Nijinski, auquel, là encore, les interprètes empruntent certains gestes angulaires et dissymétriques qu’ils s’amusent à reproduire, d’abord de manière clinique, chaotique, quasi mécaniquement, puis avec de plus en plus de véhémence. On relève chez eux une plaisante et délibérée volonté d’échapper aux canons du techniquement parfait. S’ils ne manquent pourtant pas de virtuosité, ils affirment bien davantage un goût pour l’artisanat et une tonalité comique, ce que prouve le généreux alliage de leur danse conceptuelle et d’un humour piquant, enjoué, quasi clownesque.
La pièce prend l’attrait d’un manège déglingué, d’une galopante chevauchée à laquelle se livrent en toute complicité Baptiste Cazaux, Piet Defrancq et Daan Jaartsveld, trois partenaires montés sur ressorts. Physiquement très différents, ils se complètent et sont toujours au service de la cohésion d’ensemble. Ils jouent à fond la distance et la dérision. Sans pouvoir se raccrocher à une partition prédominante, ils trouvent aussi leur propre musicalité. Aucun autre son n’est audible que celui produit par les corps eux-mêmes : le souffle de la respiration, les pieds qui martèlent frénétiquement le sol, la voix qui expulse quelques onomatopées formant progressivement une allusive réplique de tubes pop comme I will survive et Bésame mucho.
Adoptant la célèbre phrase d’un ballet classique, ou quelques pas de Schuhplattler revisités, leur parade atteint une dimension irrésistiblement folle et métissée, proche de l’absurde, colorée d’accents dadas et d’une énergie explosive qui se manifeste dans le maniement de bâtons et de lattes en bois saccagées. C’est donc bien un exercice de déconstruction qui est réalisé dans ce spectacle de courte durée, mais fort prolixe en gestes. Le mouvement est le moteur de cette danse, toujours mouvante et physiquement expansive, qui se confronte à la répétition et à la variation de ses motifs, comme une machine qui s’emballe et donne une réjouissante matière pour toujours inventer et s’amuser.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
SIMPLE
Chorégraphie Ayelen Parolin
Création et interprétation Baptiste Cazaux, Piet Defrancq, Daan Jaartsveld
Assistante chorégraphique Julie Bougard
Création lumière Laurence Halloy
Scénographie et costumes Marie Szersnovicz
Dramaturgie Olivier Hespel
Regard extérieur Alessandro Bernardeschi
Visuels Cécile Barraud de Lagerie
Costumes Atelier du Théâtre de LiègeProduction RUDA asbl
Coproduction Charleroi danse, Le Centquatre-Paris, Théâtre de Liège, CCN de Tours, MA Scène nationale – Pays de Montbéliard, Les Brigittines, DC&J Création
Accueil studio & accueil en résidence CCN de Tours, Charleroi danse, Les Brigittines, Le Gymnase CDCN, Le Centquatre-Paris, MA scène nationale – Pays de Montbéliard
Soutien Fédération Wallonie-Bruxelles, Tax Shelter du Gouvernement fédéral de Belgique et Inver Tax Shelter
Ayelen Parolin est artiste associée au Théâtre National Wallonie Bruxelles de 2022 à 2026Durée : 50 minutes
Festival d’Avignon Off 2023
Les Hivernales – CDCN d’Avignon
du 10 au 19 juillet, à 19h30
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