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Anéantis, une plongée retenue dans la violence humaine

A voir, Les critiques, Paris, Théâtre
Christophe Raynaud de Lage

photo Christophe Raynaud de Lage

Dans le parfait intimisme du Studio-Théâtre de la Comédie-Française, Simon Delétang monte Anéantis de Sarah Kane et signe une mise en scène justement distanciée, un brin édulcorée mais d’une fine subtilité qui fait entendre l’horreur sans limites du texte sans chercher à la montrer.

Il faut imaginer le choc qu’a pu provoquer la création londonienne de Blasted, le premier des cinq textes dramatiques écrits par Sarah Kane dans sa très courte carrière – l’autrice s’étant suicidée à même pas trente ans. Très peu de temps après, dans les années 2000, Christian Benedetti, Louis Do de Lencquesaing, ou encore Daniel Jeanneteau ont fait découvrir la pièce en France, Thomas Ostermeier aussi dans une version allemande présentée au Festival d’Avignon, et chacun en adoptant un rapport plus ou moins frontal à la violence radicalement assumée du matériau. En mettant en scène une impitoyable et désespérante succession d’actes barbares tels que deux viols, un meurtre, un suicide, des scènes de sexe forcé et de cannibalisme, Anéantis ne lésine pas sur les atrocités et pose évidemment la question cruciale de la représentation de l’irreprésentable.

La version proposée par Simon Delétang ne cherche pas à montrer la sexualité et la violence paroxystiques, elle refuse l’illustration trash ou sensationnaliste des scènes les plus crues. Le choix opéré est donc celui de nicher les outrances volontaires de la pièce dans des moments de suspens au cours desquels les corps se figent presque tandis que les actions auxquelles ils se livrent sont simplement narrées. C’est un parti pris sans doute aussi contestable que salutaire. Il n’enlève rien à la force du propos mais peut-être en trahit le but délibérément subversif et provocant. Il demeure que les situations et la dévastation qu’elles inspirent sont bien palpables, et cela, parce que le metteur en scène fait confiance au pouvoir du langage et de l’imaginaire. Il fait entendre les mots, les dialogues comme les didascalies dites par Sylvia Bergé en voix off et d’une manière étrangement posée. Souvent accompagnés de musiques doucereuses, ils deviennent une partition calme, moins intranquille que prévu mais tout aussi dérangeante.

A la faveur de l’intimité feutrée de la petite salle du Louvre, Simon Delétang signe un théâtre chambriste, fidèle au cadre dans lequel la pièce prend place puisque le décor préconisé est celui d’une chambre d’hôtel assez luxueuse. Celle-ci se distingue par sa décoration d’inspiration pompéienne et ses figures dénudées peintes aux murs empreintes d’élégance et d’érotisme. Pourtant, rien de joli ni d’aimable n’est en train de s’y jouer. Une très jeune femme, Cate, est venue rejoindre un homme, Jan, plus âgé et pourri de relents racistes, sexistes. Il couvre des faits divers sordides pour un tabloïd et se fait tueur à gages à l’occasion. Elle le fréquente sans vraiment l’aimer, c’est plutôt semble-t-il la peur et la pitié qui l’ont amenée à le rejoindre. Lui déclare être amoureux mais va la violenter, abuser d’elle.

A cette lutte intime se superpose une guerre qui éclate et évoque pour la dramaturge le conflit en Bosnie-Herzégovine. Le cocon que représente le décor cette fois plongé dans le désordre et l’obscurité s’éventre et se laisse strier, transpercer par d’agressives lumières à vif suggérant des explosions. Le chaos fait irruption en même temps qu’un soldat pénètre à l’intérieur et énonce toutes les atrocités contemplées et exercées. La destruction est omniprésente et pour finir la mort d’un bébé. Le sol moquetté s’est ouvert et creusé pour figurer sa tombe sur laquelle s’abat une tragique pluie de cendres noires.

D’une manière fulgurante, Sarah Kane exacerbe les rapports de force, l’asservissement, l’avilissement, la domination et l’oppression, physiques et mentales qui se jouent au sein de ce trio. Elle met aussi à nu la fragilité qui émane des personnages. C’est aussi ce qu’a retenu le metteur en scène dans sa belle direction d’acteurs, les failles de ces êtres aussi monstrueux que vulnérables. Dans ce registre, Christian Gonon, Elise Lhomeau et Loïc Corbery sont très convaincants.

Christophe Candoni – www.sceneweb.fr

ANÉANTIS
de Sarah Kane
Mise en scène Simon Delétang

Avec

Christian Gonon,
Loïc Corbery,
Élise Lhomeau

Traduction : Lucien Marcha
Mise en scène et scénographie : Simon Delétang
Costumes et assistanat à la scénographie : Aliénor Durand
Lumières : Mathilde Chamoux
Musiques originales et son : Nicolas Lespagnol-Rizzi

Durée : 1h10

Studio de la Comédie-Française
Du 10 novembre au 5 décembre 2021

16 novembre 2021/par Christophe Candoni
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