Au Théâtre du peuple qu’il dirige, Simon Delétang adapte Leurs enfants après eux de Nicolas Mathieu et met en scène une troupe de comédiens sortant de l’ENSATT de Lyon. Tous donnent à voir et à entendre la force vitale d’une jeunesse qui explose avant de s’éteindre.
Prix Goncourt 2018, le deuxième roman de Nicolas Mathieu regorge jusqu’au vertige d’un bouillonnement d’élans, d’émois, de rage, de passion. Dopée aux tubes pop-rock des années 1990 sur lesquels elle s’électrise, la jeunesse échevelée que le livre dépeint assume ses désirs naissants et la hargne qui l’anime face à une existence ancrée dans la platitude et l’absence d’avenir. La vallée Lorraine que connaît bien l’auteur vosgien donne aux péripéties un cadre rouillé, sinistré, modérément heureux, forcément ennuyeux. La misère sociale causée par les phénomènes de désindustrialisation et de paupérisation du territoire créée un frappant sentiment d’abandon et de désenchantement qui pour autant n’entame rien de la fureur de vivre des protagonistes. C’est cela que Simon Delétang parvient à retranscrire pleinement sur scène. Parrain de la 80e promotion de l’ENSATT, le metteur en scène offre à des jeunes comédiens dont la scolarité a été fortement heurtée par la pandémie de Covid-19 une partition dans laquelle ils se montrent particulièrement soudés et engagés.
En adoptant un geste qui se veut résolument franc, frontal, le metteur en scène fait parvenir les mots, les climats du livre à la manière d’un uppercut. La forme choisie, qui peut parfois sembler excessivement rigide ou figée mais qui n’évince jamais l’émotion, privilégie la choralité et prend le partie d’une déclamation musclée qui fait se projeter avec puissance et justesse une langue et une pensée nécessairement denses, précises, charnelles. Le jeu des comédiens, comme la mise en scène, se distingue par son énergie vibrante et une solidité acérée. Sans s’embarrasser de rien, la pièce tranche dans le vif du sujet et dit quelque chose d’aussi simple et essentielle que la délicate construction de soi.
Devant un simple mur gris bétonné qui a lui seul résume une vie bouchée ou étriquée, les adolescents se présentent en simple jeans, shorts ou joggings. Ils glandent, ils fument, ils flirtent, défient l’autorité, rêvent d’évasion et d’émancipation. Sous un immuable panier de basketball, les années défilent. De 1992, l’année où sort le tube emblématique Smell Like Teen Spirit du groupe Nirvana jusqu’à 1998 et la finale de la coupe du monde de football, vont se succéder quatre étés fiévreux au cours desquels on suit l’évolution d’Anthony et de sa bande. Le jeune garçon a 14 ans lorsque l’histoire commence. Il n’est pas vraiment heureux et plutôt timoré à l’exact opposé de son cousin, intrépide et désinvolte. Avec lui, il chevauche et fait vrombir l’YZ modèle 82 volée à son père et tente de tracer sa route.
Tandis que s’ouvre majestueusement le fond de scène sur la nature verdoyante jouxtant le théâtre du peuple, c’est l’heure de la dernière fête, la dernière danse, la dernière baise, l’ultime bouffée d’ivresse et d’innocence, entre joie et amertume confondues. Le plein air de la forêt s’offre à la fois comme le terrain bucolique et mélancolique des ultimes feux d’une jeunesse qui prend fin et comme le chemin vers un ailleurs tant convoité, un échappatoire libérateur qui mène à la vie d’adulte. C’est bouleversant.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
Les Enfants après eux
Mise en scène Simon Delétang · D’après un texte de Nicolas Mathieu, Leurs enfants après eux · Scénographie Adèle Collé et Manon Terranova · Lumière Lou Morel et Alexandre Schreiber · Son Rozenn Lièvre · Costumes Françoise Léger, Irène JolivardAvec les actrices et acteurs de la 80e promotion Vianney Arcel, Robin Azéma, Agathe Barat, Josuha Caron, François Charron, Héloïse Cholley, Ariane Courbet, Antoine De Toffoli, Claire-Lyse Larsonneur, Lise Lomi, Elsie Mencaraglia, Marin Moreau, Kaïnana Ramadani
Production Théâtre du Peuple – Maurice Pottecher et L’École nationale supérieure des arts et techniques du Théâtre (ENSATT). Décor construit dans les ateliers de l’ENSATT. Le texte est édité aux éditions Actes Sud. Création le 25 juin 2021 à L’École nationale supérieure des arts et techniques du Théâtre (ENSATT) à Lyon.
Création
Durée 3h15 (avec entracte)En partenariat avec l’ENSATT
Nuits de Fourvière
ENSATT – Théâtre Lerrant
Spectacle gratuit
Vendredi 25 Juin, 18h00
Samedi 26 Juin, 18h00
Lundi 28 Juin, 18h00
Mardi 29 Juin, 18h00
Mercredi 30 Juin, 18h00
Jeudi 1 Juillet, 18h00
Vendredi 2 Juillet, 18h00
Samedi 3 Juillet, 18h00
Lundi 5 Juillet, 18h00
Mardi 6 Juillet, 18h00
Gratuit sur réservation : production@ensatt.frThéâtre du Peuple de Bussang
12 août au 4 septembre 2021
Jeudi au dimanche
à 15 h 00
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