Imaginée à partir de la musicienne Galina Ustvolskaja, La femme au marteau, mise en scène par Silvia Costa et présentée dans le cadre du festival d’automne à la MC93, mêle de stupéfiantes prouesses pianistiques à une totale inanité scénique.
L’interprétation particulièrement énergique et organique que livre au plateau Marino Formenti des six Sonates écrites par la compositrice entre 1947 et 1988 captive et convainc pleinement de l’intensité stupéfiante et de la dynamique rythmique et mélodique des partitions. En revanche, la forme théâtrale qui l’accompagne est d’une platitude tout à fait antithétique aux saisissants reliefs et aux contrastes spectaculaires contenus dans les pages musicales données à entendre au fil de la représentation.
Si le spectacle a le mérite d’exhumer et diffuser la musique de Galina Ustvolskaja, il donne à penser que le souffle brut et sauvage de cette musique à la violence fiévreuse ne l’atteint ni ne le traverse véritablement. Des tableaux (et autant de récits) assez sombres et statiques se déclinent dans une morne lenteur. Assurant le rôle du fil conducteur, le lit, objet aussi trivial que symbolique évoquant la nuit, le sommeil, le rêve et le cauchemar, fait de La femme au marteau une pièce de chambre à l’atmosphère comateuse et soporifique alors même qu’elle se voudrait nerveuse et intranquille.
Avare en narration, la forme choisie est un théâtre d’ombres, d’objets et d’apparitions fugaces, dont les histoires et les symboles sont volontiers elliptiques et énigmatiques. Entre l’éveil et l’endormissement, des comédiennes dont le grand talent est sous-exploité prêtent leurs traits et leur esprit à des figures étranges, insaisissables : une créature surnaturelle aux ailes imposantes de chauve-souris sans doute inspirée de Goya et de sa célèbre gravure Le rêve de la raison engendre des monstres ouvre le spectacle. Suivent des identités plus banales dans la mesure où elles appartiennent davantage au quotidien du réel d’aujourd’hui, une femme qui défait compulsivement sa valise, par exemple. Hélène Alexandridis, Marief Guittier, Anne-Lise Heimburger, et toutes les interprètes, si formidables chez Raskine, Nordey, Achache, Lavaudant et tant d’autres, sont hélas ici réduites à des présences furtives et hagardes vouées à la folie ou à la prostration. L’absence de motivation et d’élucidation des micro-événements que vivent les protagonistes féminins de sa pièce est dérangeante.
En s’éloignant du rituel qu’elle a déjà beaucoup expérimenté, Silvia Costa a, semble-t-il, voulu donner à son travail une tournure plus concrète mais pas moins confuse. L’artiste italienne, à la fois metteuse en scène et scénographe, délaisse le pur esthétisme mais conserve son goût pour l’hermétisme, qu’elle surcharge étonnamment d’un trop plein de matérialité, de rigidité, en contrepoint d’une musique pleine d’audace qui , elle, a véritablement emporté.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
La femme au marteau
Sur le cycle des six sonates pour piano de Galina Ustvolskaja
Interprétées par: Marino Formenti
Mise en scène et scénographie: Silvia Costa
Avec: Hélène Alexandridis, Marief Guittier, Anne-Lise Heimburger, Rosabel Huguet Dueñas, Pauline Moulène ainsi qu’une petite fille et un figurant choisis sur place.
Costumes: Laura Dondoli
Création sonore: Nicola Ratti
Lumière: Marco Giusti
Textes: Umberto Sebastiano
Assistanat: Rosabel Huguet Dueñas
Construction décor: Ateliers de la MC93Spectacle créé le 16 novembre 2021 à La Comédie de Valence
Production
Production: La Comédie de Valence, Centre dramatique national Drôme-Ardèche
Coproduction: MC93 – Maison de la Culture de Seine-Saint-Denis, Bobigny et Le Festival d’Automne à Paris; Théâtre National de Bretagne; Maillon, Théâtre de Strasbourg – scène européenneDurée: 1h30
La Comédie de Valence
Création
16.11 – 19.11.21Théâtre National de Bretagne, Rennes
Dans le cadre du Festival TNB
25.11.21 – 26.11.21MC93, Maison de la Culture de Seine-Saint-Denis
Dans le cadre du Festival d’Automne
8.12 – 11.12.21deSingel, Anvers
1.04.22 – 2.04.22
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