Un couple de garçons dansait les rôles-titres de Roméo et Juliette pour ouvrir le bal des représentations données à la Seine Musicale dans une version du ballet renouvelée par Benjamin Millepied et maximalisée par l’usage de la vidéo en direct.
Chaque soir, le couple phare de Roméo et Juliette est incarné par un nouvel alliage : ce sont deux hommes, un homme et une femme, deux femmes, qui incarnent les rôles-titres ; et c’est un choix fort du chorégraphe Benjamin Millepied que celui de proposer ces différentes alternatives permettant d’inscrire toujours davantage les célèbres protagonistes shakespeariens dans notre contemporanéité et ainsi donner à voir l’universalité du mythe qu’ils personnifient. Plus encore, Millepied réunit une troupe de jeunes artistes qui affichent tous un irradiant multi-culturalisme. Enfin, la modernité de son appropriation de la pièce tient aussi à un dispositif scénique bien plus utilisé au théâtre que dans la danse (on pense à Frank Castorf, un des pionniers du procédé, ou encore à Ivo van Hove qui l’a largement développé), celui de la vidéo qui suit et capte l’action sur le vif et de près.
L’image, projetée sur un écran géant de cinéma qui surplombe un vaste podium nu teinté d’une franche couleur rouge-safrané, met en valeur la beauté et l’expressivité des interprètes. Grâce au dispositif, ceux-ci peuvent à loisir s’échapper de la scène pour investir avec liberté des espaces lointains et hors champ. La Danse des chevaliers a lieu dans une salle annexe éclairée comme une boîte de nuit, la rixe musclée qui précède la mort de Tybalt et de Mercutio se livre sans merci dans un couloir qui mène au hall d’accueil. Enfin, donné en extérieur, le duo d’amour tutoie le ciel sombre de la nuit tout juste tombée et côtoie la lumière des tours d’immeubles qui entourent l’esplanade de la salle de spectacle.
Voilà comment le chorégraphe Benjamin Millepied et sa compagnie américaine le L.A. Dance Project s’emparent d’un des piliers du répertoire aussi bien théâtral que chorégraphique et même cinématographique. Les choix volontaristes et audacieux de l’artiste s’affaiblissent parfois en trouvant leur limite dans une danse certes élégante et virevoltante mais dont le classicisme contredit l’hyper-modernité affichée. Cette danse explore avec fougue et joliesse le désir qui anime les héros mais de manière parfois trop contenue et convenue. Les aspects les plus provocateurs et passionnés de la pièce de Shakespeare, dont l’action est très coupée et resserrée, donnent quelque peu l’impression d’être minorés. Pour autant, lancés à corps perdus vers leur destin tragique et dopés par la musique vertigineuse de Prokofiev (dans un enregistrement qui n’est pas le moins « pompier » que l’on connaît), les danseurs David Adrian Freeland Jr et Mario Gonzalez, garçons graciles, sensibles et élancés folâtrent en toute décontraction et forment un duo qui aimantent les regards.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
Roméo et Juliette
Création mondiale
Chorégraphie : Benjamin Millepied
Interprètes : L.A. Dance Project
Musique : Sergueï Prokofiev, Roméo et JulietteCollaboration artistique — Olivier Simola
Scénographie et lumières — François-Pierre Couture
Costumes — Camille Assaf
Opérateur Steadicam — Sébastien MarcoviciMusique — Roméo et Juliette, Musique de Sergueï Prokofiev © Le Chant du Monde
Interprété par le London Symphony Orchestra sous la direction de Valery GergievAvec l’aimable autorisation de LSO Live Ltd.
Pièce pour 16 danseurs — Doug Baum – Marissa Brown – Lorrin Brubaker – Jeremy Coachman – Courtney Conovan – Daphne Fernberger – David Adrian Freeland Jr. – Mario Gonzalez – Oliver Greene-Cramer – Sierra Herrera – Leo Hishikawa – Payton Johnson – Shu Kinouchi – Peter Mazurowski – Vinicius Silva – Nayomi Van Brunt.
Coproduction L. A. Dance Project – STS Evènements/La Seine Musicale
Avec le soutien de Van Cleef & Arpels
Durée : 1h15 sans entracte
La Seine Musicale
du 15 au 25 septembre 2022
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