Delphine Hecquet s’empare du deuil et de la jeunesse pour signer un beau spectacle entre théâtre, danse et musique, malgré un texte un peu faible.
Il faut imaginer le paysage brûlant des calanques, en fin d’après-midi. Debout sur les rochers, une bande d’ados surplombe la mer à une dizaine de mètres de hauteur. Il faut maintenant se représenter leurs corps, dans la fleur de l’âge, qui prennent leur envol avant de disparaître dans l’azur. Ce sont de belles images, tout à la fois spectaculaires et pittoresques. Le problème, c’est que certains y laissent parfois leur peau. Prenez Jonas, par exemple. Le garçon a jeté son « physique de divinité » d’un peu trop haut et s’est écrasé dans la crique. Un carnage selon les pompiers dépêchés sur les lieux, un traumatisme pour ses amis, et la fin du monde pour sa mère, qui l’attendra toute la soirée dans un restaurant étoilé. Ce jour-là, le jeune homme fêtait ses 20 ans.
Tel est le drame au cœur de la nouvelle création de Delphine Hecquet, qui se replonge dans les perspectives méridionales et les affres de l’adolescence trois ans après Attraction, sa libre adaptation du roman de Maylis de Kerangal, Corniche Kennedy. Seulement, cette fois, il s’agit de raconter la déflagration d’une catastrophe sur un entourage et un deuil qui s’expérimente en commun. L’artiste s’y prend à merveille pour esquisser le vertige des bords de mer, faire sentir les embruns qui exaltent et enivrent, rendre compte de l’adrénaline qui pulse dans les veines. Dans une scénographie épurée, constituée d’une maison moderne ouverte sur le monde, surplombée d’un grand écran, et d’un simple rocher à jardin, les jeunes acteurs ne cesseront de sauter, de fêter et de trouver des exutoires à l’indicible. Entièrement livrés à la douleur, ils chanteront, ils danseront, ils feront vibrer leur corps de façon collective. Sébastien Trouvé, auteur de la partition, ainsi qu’Ángel Martinez Hernandez et Vito Giotta, responsables de la chorégraphie, ont effectué du beau travail.
Le texte, malheureusement, est un peu moins convaincant. Parce qu’il est écrit au plateau avec les comédiens, peut-être, et que son résultat est trop prosaïque, là où l’on aurait préféré entendre un langage plus évocateur, plus musical, plus poétique ; parce que Delphine Hecquet bute sur l’absence de sens, aussi. Un jeune qui meurt en bravant la mort… C’est terrible. C’est bête. C’est désolant. Mais qu’y a-t-il à en dire plus ? Pas grand-chose, hélas. Et comme les personnages ne sont qu’esquissés, leur parole est à la fois flottante et responsable de quelques longueurs. Écourté d’une vingtaine de minutes, ce spectacle aurait sans doute été plus percutant, mais les pièces parfaites sont rares. La beauté plastique, musicale et chorégraphique mettait la barre très haute. Et celle-ci contente, largement, pour les émotions qui s’en dégagent.
Igor Hansen-Løve — www.sceneweb.fr
Requiem pour les vivants
Texte et mise en scène Delphine Hecquet
Avec Marie Bunel, Damoh Ikheteah, Claire Lamothe, Léo-Antonin Lutinier, Ángel Martinez Hernandez, Julien Ramade, Hugo Thabaret, Mathilde Viseux
Collaboration artistique, assistanat à la mise en scène Aurélien Hamard-Padis
Écriture chorégraphique Ángel Martinez Hernandez, Vito Giotta
Scénographie Matthieu Sampeur, Loïse Beauseigneur
Création costumes Loïse Beauseigneur
Création lumières Thomas Cany
Création sonore, régie son Félix Philippe
Images originales Pierre Martin Oriol
Création vidéo Eve Liot
Écriture du livret du requiem Delphine Hecquet
Composition des requiems et direction de chœur : Jérémie Poirier-Quinot
Composition musicale Sébastien Trouvé
Régie générale et plateau Jean-Philippe Bocquet
Régie lumières David Ménard
Régie vidéo Eve Liot, Cyril Babin
Assistante stagiaire aux lumières et à la scénographie Alexa Pinaud
Construction du décor Ateliers du TNBA de BordeauxProduction Magique-Circonstancielle
Coproduction OARA – Office Régional Artistique Nouvelle-Aquitaine ; Scène nationale du Sud Aquitain-Bayonne ; La Comédie – CDN de Reims ; Le Méta – CDN de Poitiers ; Le Théâtre de Gascogne – Mont-de-Marsan (Scène conventionnée d’intérêt national – Art en Territoire) ; Le Parvis, Scène nationale de Tarbes ; L’Empreinte, Scène nationale Brive-Tulle ; Scène nationale d’Albi-Tarn ; Châteauvallon-Liberté, Scène nationale ; Les Salins, Scène nationale de Martigues
Avec la participation artistique du Jeune Théâtre National et le soutien du Fonds SACD / Ministère de la Culture Grandes Formes ThéâtreLa compagnie Magique-Circonstancielle est conventionnée par la DRAC Nouvelle-Aquitaine – ministère de la Culture et par la Région Nouvelle-Aquitaine.
Durée : 1h50
Théâtre d’Angoulême, Scène nationale
les 12 et 13 décembre 2024Gallia Théâtre, Saintes
le 17 décembreLes Salins, Scène nationale de Martigues
le 28 janvier 2025Châteauvallon-Liberté, Scène nationale de Toulon
les 20 et 21 marsLe META, CDN de Poitiers
les 31 mars et 1er avrilScène nationale d’Albi-Tarn
le 8 avril
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