Yann et Yann mènent le cirque à l’aventure

Yann Ecauvre et Yann Frisch photo Vincent Muteau

Pour sa 29^ème édition (du 4 au 10 juin 2018), le festival Furies à Châlons-en-Champagne a donné carte blanche à Yann Écauvre de la compagnie Cirque Inextremiste. Avec le magicien Yann Frisch, il a imaginé une drôle d’excursion qui mérite grandement d’avoir des suites.

« Yann Frisch et moi, on a pas mal d’amis communs et on se retrouve souvent dans des teufs. Lorsque Furies m’a proposé une carte blanche, j’ai très vite pensé à lui. J’avais l’intuition qu’on pourrait imaginer quelque chose ensemble ». Dans le petit bus où il a donné rendez-vous aux spectateurs du festival Furies, un étui de guitare d’où dépasse un objet non identifiable sous le bras, Yann Écauvre raconte la genèse du spectacle qu’il a créé sur le temps du festival. En une seule semaine. On ne sait alors rien de la chose en question, si ce n’est son titre, défini la veille du grand jour : Le port du casque n’est pas obligatoire, mais si vous en avez un, vous pouvez le prendre. Le deuxième Yann arrive, un peu hirsute, un air de lendemain de fête dans son regard perçant, et le voyage commence. Sous le signe de l’impro et du risque.

On roule dans Châlons. Direction, nous apprennent les deux complices, une ancienne cave à champagne de la ville, utilisée ces dernières années comme lieu privé pour des événements et actuellement en vente (avis aux intéressés !). « Il y reste peut-être quelques bouteilles », s’enthousiasme l’un des deux Yann. La perspective d’une autre fête n’est pourtant qu’un prétexte à l’aventure. Dans leur carte blanche, les deux Yann privilégient en effet le plaisir de la traversée collective, qu’ils accompagnent d’un savoureux dialogue en grande partie improvisé, nourri d’une évidente camaraderie.

On retrouve la fantaisie de Yann Écauvre, artiste associé depuis trois ans au festival Furies avec sa compagnie Cirque Inextremiste fondée en 1998. Son désir de mener les arts du cirque dans des directions nouvelles, en imaginant par exemple une rencontre avec la fanfare de jazz Surnatural Orchestra (Esquif) ou un spectacle en montgolfière (Exit), créé l’an dernier à Châlons-en-Champagne. Sont aussi au rendez-vous la verve subtile, nonchalante, ainsi que le goût de l’itinérance qui font la saveur et la singularité du Paradoxe de Georges, la nouvelle création de Yann Frisch. Un spectacle de cartomagie en camion-théâtre conçu sur-mesure, où le magicien multi-primé, également formé au clown, s’empare avec talent d’un des accessoires de base de la magie nouvelle : la carte à jouer.

L’exploration se poursuit. À l’aide du lance-patates qu’il cachait dans son étui, Yann Écauvre dégomme une fausse caméra de surveillance. Et on pénètre dans la cave, si sombre et immense que pour y suivre les deux artistes, il faut tenir en une sorte de cordée la ficelle qu’ils nous tendent, et ne pas perdre de vue les faibles lumières qu’ils agitent en début de cortège. Ils bavardent encore, et la parole des spectateurs, qui s’amusent de leurs propres craintes et admirent la beauté de l’endroit, se joint à la leur. Où est le cirque, dans ce voyage inattendu ? La magie ? Les deux artistes s’éloignent avec une telle grâce de leurs pratiques habituelles – elles aussi en permanente évolution – que la question ne se pose pas longtemps. Dans l’esprit de Furies, où le cirque côtoie en bonne intelligence les arts de la rue, Yann et Yann excellent dans leur pas de côté.

Grâce à des figurants recrutés sur place, la traversée souterraine est ponctuée de surprises d’abord minuscules. D’apparitions. Jusqu’à ce que cirque et magie fassent finalement leur apparition dans quelques tableaux plus longs. L’air de rien, Yann Écauvre et Yann Frisch ont, en l’espace d’une demi-heure, prouvé la possibilité de réenchanter le monde avec presque rien. Et de combattre la peur de l’inconnu par la force du groupe. Cela sans jamais formuler leur intention. On ressort avec l’espoir que l’excursion se poursuive ailleurs, dans d’autres lieux oubliés. Et ravis d’apprendre, de retour dans le bus, que La Verrerie d’Alès, Pôle National Cirque Occitanie, s’est déjà engagée dans cette réjouissante histoire.

Anaïs Heluin – www.sceneweb.fr 

Le port du casque n’est pas obligatoire, mais si vous en avez un, vous pouvez le prendre
Sur une idée originale de Yann Écauvre-Cirque Inextremiste et Yann Frisch
Créé au Festival Furies dans le cadre d’une carte blanche
www.inextremiste.com
www.yannfrisch.org

La Verrerie – Pôle National Cirque Occitanie – Festival InCIRCus
Juin 2019