Confiée à Sébastien Barrier et François Alu, l’inauguration du festival estival parisien s’est transformée en rendez-vous partiellement manqué. Entre retrouvailles festives et « cartes blanches » mal ficelées, elle n’a jamais vraiment su sur quel pied danser.
Il y a des soirs comme ça où la magie n’opère pas, où la rencontre entre un artiste et son public ne se fait pas. Ou pas vraiment. Contre toute attente, la soirée d’ouverture du Festival Paris l’été en toute liberté, organisée mercredi 29 juillet, fut de ceux-là, à rebours de l’audace et de l’engagement de ses deux codirecteurs, Laurence De Magalhaes et Stéphane Ricordel. Un temps annulé, comme nombre de ses homologues estivaux, ce rendez-vous phare de l’été culturel parisien a su se réinventer, dans l’urgence. Exit la programmation initialement prévue sur trois semaines, et place à une version gratuite, limitée à cinq jours et cantonnée à un lieu unique – ou presque –, le lycée Jacques-Decour. Façon pour ses deux patrons et les seize artistes et compagnies invités de renouer, le temps de quelques heures, avec les spectateurs, et de prouver que la culture survit, malgré le poids des gestes barrières et le contexte sanitaire encore incertain.
Confier le coup d’envoi de cette édition alternative au performeur Sébastien Barrier avait, sur le papier, tout de la bonne idée. On connaît les talents de ce troubadour écorché vif, de ce conteur aux mille histoires, au vécu épais, à l’irrévérence et à l’imagination débordantes. Sauf que, ce soir-là, une partie du public présent dans la cour du lycée Jacques-Decour – peut-être simplement venu pour l’autre « carte blanche » accordée, en deuxième partie de soirée, au premier danseur du Ballet de l’Opéra de Paris, François Alu – avait fait, d’entrée de jeu, le choix de la sécession ou, à tout le moins, de l’indiscipline, loin, très loin, de l’écoute accordée d’ordinaire à un tel artiste. Visiblement heurté par l’attitude de ses quelques spectateurs en fond de cour, plus préoccupés par leurs commandes au bar et leurs discussions personnelles que par ce qui se disait sur scène, Sébastien Barrier a essayé de raccrocher les wagons, d’attirer leur attention et d’embarquer, avec lui, ce public dissipé. En vain. Le performeur, rageur, en a alors fait une obsession et s’est tristement enlisé, jusqu’à perdre la majorité de l’assemblée.
La faute, sans doute, à une conjonction d’éléments : à la configuration de ce lieu hybride, à mi-chemin entre la salle de spectacle en plein air, conçue autour d’une adresse frontale, et la terrasse de café, propice à la discussion ; à la sonorisation et à l’acoustique, particulièrement hasardeuses, qui ont agi pour Sébastien Barrier comme des obstacles, presque insurmontables ; et, enfin, à la proposition de l’artiste lui-même qui, mobilisé au débotté, n’a pas suffisamment préparé sa « carte blanche ». Entre petites histoires sorties du chapeau et moments musicaux hétéroclites, il semblait naviguer à vue dans ce rôle de Monsieur Loyal et ne proposer aucun fil conducteur clair, ce qui a grandement participé à la désorientation du public.
Restait alors « Histoires dansées », ce programme conçu en quatre temps par François Alu. Compilation de micro-pièces de deux ou trois minutes chacune, données sous une forme plus traditionnelle dans la cour intérieure du Lycée Jacques-Decour, il a tenté de mêler danse classique et mouvements contemporains, d’allier La Mort du cygne, interprété par la jeune quadrille du Ballet de l’Opéra de Paris, Luna Peigné, Sylphide, Chers Parents, une création de la contorsionniste Elena Ramos et du circassien Nicolas Sannier, et le solo Les Bourgeois de Ben Van Cauwenbergh. « Animé » par un Sébastien Barrier contrarié, ce programme, exécuté par quatre artistes de talent, a su retenir l’attention des spectateurs, notamment dans ses deux dernières encablures, malgré une brièveté qui a pu en laisser certains sur leur faim. Rendez-vous partiellement manqué, cette soirée d’ouverture ne jette, malgré tout, aucun voile sur la suite de la programmation, plus que prometteuse. En dépit de l’annulation tardive du spectacle A Game of You, conçu par Ontroerend Goed, subsistent quelques propositions alléchantes qui vaudront sans doute le détour. Avec plus de cadrage, on l’espère, que ces deux « cartes blanches » à l’hybridité un peu trop risquée.
Vincent Bouquet – www.sceneweb.fr
Festival Paris l’été en toute liberté
Avec Dan Acher, François Alu, Pierre Ardouvin, Sébastien Barrier, Laetitia Dosch, Les Filles du Renard Pâle, Nicolas Fraiseau, Yann Frisch, Julie Gayet, Judith Henry, Jupiter & Okwess, David Lescot, Filipe Lourenço, Munstrum Theatre, Thomas Quillardet et Djazia SatourProgramme complet à retrouver sur le site de Paris l’été
Lycée Jacques-Decour, Paris
du 29 juillet au 2 août 2020
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