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« Semele » de la soie à la cendre

A voir, Les critiques, Opéra, Paris
Pretty Yende dans Semele au Théâtre des Champs Elysées
Pretty Yende dans Semele au Théâtre des Champs Elysées

Photo Vincent Pontet

Au Théâtre des Champs-Élysées, une nouvelle mise en scène de l’opéra de Haendel met en évidence la toxicité de la relation adultérine entre le Dieu Jupiter et la mortelle Sémélé, quitte à assombrir le propos heureusement irradié par la prestation musicale des chanteurs, notamment celle de la star Pretty Yende dans le rôle-titre.

Dans la lecture modernisée que propose Oliver Mears, metteur en scène et actuel directeur du Royal Opera de Londres, qui coproduit le spectacle, Sémélé apparaît, à l’instar de Cendrillon, en soubrette affairée aux tâches subalternes d’un grand hôtel style Art déco dans lequel elle est engagée. Nettoyant l’âtre d’un imposant poêle regorgeant de cendres, elle semble d’emblée faire face à son funeste sort d’amante foudroyée. Anecdotique, mais signifiant, le feu fatal de la passion, comme celui dans lequel elle finira calcinée, semble se matérialiser dans le geste compulsif et obsessionnel qu’ont les protagonistes à fumer cigarette sur cigarette. Repérée et enlevée par Jupiter à l’heure de son mariage avec Athamas (Carlo Vistoli, contre-ténor émotionnellement investi), Sémélé aurait pu vivre un sacré conte de fées. Guidée par l’envie de vivre pleinement son amour transgressif, comme par celle de gagner l’immortalité, elle se hisse innocemment dans la sphère des Dieux au mépris de sa propre perte.

La soprano sud-africaine Pretty Yende, qui fait sa prise de rôle, prête à Sémélé tous les charmes d’une midinette un brin frivole et coquette, qui bascule dans la gravité. D’abord, elle batifole, puis finit par dépérir, dans les draps en soie de l’immense lit vert qu’offre sa suite nuptiale avec champagne, chocolats, vêtements de luxe et petits soins à satiété. Dans la relecture proposée, qui force un peu le trait, Sémélé se montre apparemment comblée jusqu’à l’excès par un badinage amoureux qui la prend au piège. Elle est alors rattrapée par l’ennui et le danger qui la font basculer dans le désespoir. Vocalement épanouie, l’artiste, au timbre toujours généreusement fruité et cuivré, développe une ligne de chant subtile dans le lamento comme dans les airs vocalisants. La soprano, qui s’est jusqu’ici davantage illustrée dans le bel canto, trille avec autant d’éclat que de douceur, et apporte subtilité et volupté au personnage. Jupiter, devenu un puissant homme d’affaire et prédateur dissimulé derrière une allure de dandy, est idéalement interprété par le ténor Ben Bliss, dont l’aisance et la vélocité d’un chant d’une lumineuse plénitude contestent l’approche cynique et sordide du personnage, présenté comme toxique et anxiogène. Junon, sa femme jalouse, est campée avec une colossale pétulance par Alice Coote, qui pique sa crise en découvrant les photos érotiques compromettantes des ébats entre Sémélé et son mari volage.

Écrite sur un livret qui trouve son inspiration dans les Métamorphoses d’Ovide, et donnée pour la première fois en 1744 à Londres, la pièce, qui oscille entre opéra et oratorio, a trouvé lors de sa création un public déconcerté par son intrigue profane et subversive qui se plaît aussi à mélanger les tonalités. Même quand il se livre à la fantaisie, le travail scénique proposé accentue le caractère moribond. Par exemple, le Dieu Somnus – rôle dans lequel Brindley Sherratt se montre plus convaincant que dans celui de Cadmus qu’il interprète de manière bien plus poussive en première partie –  apparaît certes cocasse, mais surtout comateux, dans une sale baignoire que jouxte un amas d’ordures et de bouteilles d’alcool. Un effet de surenchère vient surtout ternir le dénouement déjà tragique d’un spectacle plein d’idées, mais trop peu enlevé. Hurlante depuis le foyer de la cheminée où elle est enfermée, Sémélé est brûlée vive après avoir enfanté dans des effluves de sang. Cette fin repoussante et trop illustrative témoigne de la prédilection du geste à privilégier le drame à la gaieté.

Est-ce que la relative froideur de la proposition scénique aurait tendance à contaminer la fosse ? L’ardent Concert d’Astrée, dirigé par la non moins passionnée Emmanuelle Haïm, a, semble-t-il, sonné un peu trop sec pour que l’oreille goûte toute la flamme et la jouissance dont regorge la musique. Bien sûr, la cheffe est dans son répertoire de prédilection, et elle sait guider chanteurs et musiciens avec un style propre à dynamiser et colorer le discours musical au service de l’expressivité dramatique. La prestation de l’orchestre, comme du chœur, demeure brillante et engagée, mais, en comparaison, la version lilloise qu’ils ont donnée ensemble en 2022 paraissait plus fougueuse et contrastée.

Christophe Candoni – www.sceneweb.fr

Semele
de Georg Friedrich Haendel
Direction musicale Emmanuelle Haïm
Mise en scène Oliver Mears
Avec Pretty Yende, Ben Bliss, Alice Coote, Brindley Sherratt, Niamh O’Sullivan, Carlo Vistoli, Marianna Hovanisyan, Lauren Bridle, Bridget Lappin, Bailey Pepper, David Rawlins, et les figurants enfants de la Maîtrise des Hauts-de-Seine Jade Agrabi, Mathilda Game, Apolline Pouchard
Orchestre Le Concert d’Astrée
Chœur Le Concert d’Astrée
Direction du Choeur Richard Wilberforce
Scénographie et costumes Annemarie Woods
Chorégraphie Sarah Fahie
Lumières Fabiana Piccioli 
Direction d’intimité Yarit Dor

Coproduction Théâtre des Champs-Elysées ;Covent Garden Royal Opera House 
Avec le mécénat de Mediawan

Durée : 3h (entracte compris)

Théâtre des Champs-Elysées, Paris
du 6 au 15 février 2025

8 février 2025/par Christophe Candoni
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