Génération sceneweb (12/30). Au long d’un parcours plus progressif qu’il n’y paraît, la metteuse en scène a patiemment gravi les marches, du CDN de Lorient à la Comédie de Reims qu’elle dirige aujourd’hui.
Chloé Dabert aura pris son temps pour éclore. Entre sa sortie du Conservatoire, en 2002, et le prix du jury du festival Impatience, décroché en 2014 pour Orphelins de Denis Kelly, la metteuse en scène aura ménagé sa monture, appris à se faire confiance et à dompter son art. « A l’époque, il y avait beaucoup moins de lieux d’émergence qu’aujourd’hui et il était assez compliqué de faire de la mise en scène en étant comédienne, se souvient-elle. J’avais déjà une petite compagnie, je montais des pièces à côté, mais il était difficile, au milieu des figures de mise en scène impressionnantes du moment, de montrer ce travail et d’avoir de la visibilité. »
Pour faire ses armes, et gagner en assurance, Chloé Dabert trouve alors refuge au CDN de Lorient où, pendant sept ans, elle anime des ateliers à destination des jeunes et des amateurs. Jusque ce que Bénédicte Vigner, alors directrice artistique du lieu, l’aide à monter une tournée pour Orphelins, et que le directeur du Centquatre-Paris, José-Manuel Gonçalvès, la repère. « Cette période m’a permis de me construire à l’abri de la pression et je crois que j’en avais besoin pour dissiper mon trac naturel, analyse-t-elle. Le spectacle a aussi rencontré le public au bon moment de mon travail, qui avait gagné en maturité et esquissait un tournant artistique. » Comme pour rattraper le temps passé, la metteuse en scène ne s’est depuis plus arrêtée, de Nadia C. à Girls and Boys, en passant par J’étais dans ma maison et j’attendais que la pluie vienne au Vieux-Colombier et Iphigénie au Festival d’Avignon.
La famille d’abord
Au-delà de son compagnonnage avec Denis Kelly, et exception faite de son incursion chez Racine, Chloé Dabert trace sa voie parmi les auteurs contemporains, dans l’univers de ceux qui ont, à un endroit ou un autre, une parole qui résonne. « Je cherche des auteurs qui questionnent, plus qu’ils n’assènent, car, pour moi, le théâtre sert, avant tout, à se poser des questions ensemble, précise-t-elle. Mais je fonctionne aussi beaucoup sur l’écriture puisque, à mon sens, le fond est aussi important que la forme. » Outre le texte, à qui elle ménage toujours une place de choix, la metteuse en scène accorde aussi beaucoup d’importance à la collégialité, aux apports de cette famille artistique qui la suit de spectacle en spectacle. « Je me vois comme l’élément qui fait le lien entre plusieurs créateurs très investis et toujours force de proposition, assure-t-elle. Il est très important que nous cherchions ensemble, notamment avec les acteurs, pour occasionner une rencontre et voir comment le texte nous déplace. »
Un sens du collectif qu’elle cultive désormais à la tête du CDN de Reims. Mue par la volonté de rendre ce qui lui a été donné lorsqu’elle était à Lorient, elle a ressenti le besoin d’être implantée afin de tisser un lien avec un endroit, une équipe et des spectateurs. « En plus des relations avec les artistes associés, en résidence, ou simplement accompagnés, que nous soutenons plus que jamais dans cette période compliquée où nous devons tout faire pour réussir à sauver ce qui devait voir le jour, j’aime avoir un contact avec le public, avec des personnes qui ne font pas de théâtre, histoire de rester dans la vie. » Preuve que, même en pleine lumière, Chloé Dabert garde la tête solidement vissée sur les épaules.
Vincent Bouquet – www.sceneweb.fr
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