Et la Nature fait théâtre
Photo Sarah Imsand
Dans un paysage devenu théâtre, Stefan Kaegi et Caroline Barneaud orchestrent sept performances in situ sur les hauteurs de Lausanne. Au fil de cette randonnée-spectacle de sept heures, on croise Emilie Rousset, Chiara Bersani, Marco D’Agostin, Ari Benjamin Meyers, El Conde de Torrefiel, Bergum Erciyas et Daniel Kötter. Une plongée dans la Nature, qui nous exhorte à changer de perspective. Le spectacle sera présenté cet été à Pujaut (30) dans le cadre du Festival d’Avignon.
Vers la localité de Chalet-À-Gobet, à une vingtaine de minutes en transport en commun du centre de Lausanne, des dizaines de spectateurs se retrouvent : chaussures de randonnée aux pieds, casque sur les oreilles et pique-nique sur le dos. Le temps de six week-end le Théâtre de Vidy a quitté les bords du Lac Léman, et a gravi les hauteur de la ville, pour déployer dans le parc naturel du Jorat et la Plaine de Mauvernay le projet de Stefan Kaegi du collectif théâtral berlinois Rimini Protokoll et Caroline Barneaud, curatrice au théâtre.
Et si le paysage en était un de théâtre ? Voilà la question qui guide cette traversée collective “entre champs et forêts”, comme le mentionne la feuille de salle, qui a la forme d’un plan pour nous orienter dans cette traversée. L’occasion se prête à interroger nos relations (visiblement dégradées) à ce qu’on appelle communément la Nature, à l’heure du dérèglement climatique, de l’épuisement des ressources, de la biodiversité décimée… Autant d’incertitudes sur nos conditions d’habitat de la Terre.
On pense à June Events et aux Rencontres chorégraphiques qui exploraient, l’année passée, nos liens aux écosystèmes et aux paysages grâce des pièces en extérieur. Ici, l’idée est similaire, mais le projet bien plus ambitieux : sept heures de balade (durée effrayante de prime abord, mais tout à fait supportable), où se déplient sept performances d’artistes de plusieurs nationalités et disciplines. Un slow théâtre, sous la forme de randonnée, qui nous exhorte à changer en permanence de perspective.
De prime abord, on voit que le corps des artistes est souvent absent des paysages, ou discrets, laissant la place à celui des spectatrices et spectateurs. Les pièces sont souvent sonores, comme une sieste sous les arbres signée Stefan Kaegi, où l’esprit vagabonde dans les sommets, bercé par une conversation aux accents existentiels. Les corps sont invités à bouger, le duo portugais Sofia Dias et Vitor Roriz, qui nous ordonne dans le casque de faire des rondes et des bruits d’oiseaux. Parfois, ils sont juste portés par les interludes musicaux de Ari Benjamin Meyers, liant sonore de cette galaxie performative. Manière, peut-être, de mettre en scène une relation plus directe au paysage ? Ou de laisser les individus de cette communauté randonneuse se lier ?
La cime des arbre (Stephan Kaegi), le dessin des vallées (Emilie Rousset), la densité du sous-bois (Chiara Bersani et Marco D’Agostin), le paysage vu du ciel (dans l’expérience en réalité virtuelle de Bergum Erciyas et Daniel Kötter) se font scénographies. Dans ce théâtre, on se sent petit, observé par le reste du vivant, à la fois acteurs, spectateurs, décor et habitants. Une impression confirmée par le sermon d’une “Nature” omnisciente, sur écran noir, de la perfomance d’El Conde de Torrefiel. L’objectif apparaît assez limpide : questionner l’anthropocentrisme, mais aussi un point de vue dominant, valide et urbain (la majorité du public), en partageant un pique-nique avec Swan, ado en chaise roulante, en écoutant un récit d’agriculteur ou en se mettant à la place d’animaux, végétaux et minéraux.
Land art performatif ? Loin d’être un retour à la nature idyllique, ce paysage partagé est tout de même bien balisé, prenant des allures de colonie de vacances ou de séjour touristique, où l’on suit un référent armé d’un drapeau de couleur. Il devient même un poil autoritaire, lorsque qu’il impose de se sentir comme un animal et végétal chez Sofia Dias et Vitor Roriz. Toutefois, ce Paysages partagés a le mérite de nous laisser prendre le temps de nous imprégner de notre environnement, des variations de luminosité, de température et de la densité de l’air. L’imprévu et la grâce surgissent dans les interstices de cette balade : l’odeur de l’humus du sous-bois, les clapotement des sabots d’un cheval sur le macadam, une araignée qui chatouille le bras ou la douceur pastel d’un arc en ciel.
Belinda Mathieu – www.sceneweb.fr
Paysages partagés
sept pièces entre champs et forêts
Concept et curation
Caroline Barneaud,
Stefan KaegiAvec des pièces de
Chiara Bersani et Marco D’Agostin (Italie)
El Conde de Torrefiel (Espagne)
Sofia Dias et Vítor Roriz (Portugal)
Begüm Erciyas et Daniel Kötter (Turquie, Belgique, Allemagne)
Stefan Kaegi (Allemagne, Suisse)
Ari Benjamin Meyers (Allemagne)
Émilie Rousset (France)Avec des interprètes, des participantes et des participants locaux
Production et coordination
Isabelle Campiche, Aline Fuchs (théâtre Vidy-Lausanne) Chloé Ferro (Rimini Protokoll)Production et coordination de Performing Landscape
Chloé Ferro, Monica Ferrari, Lara Fischer (Rimini Protokoll)Assistanat artistique
Giulia RumasugliaRégie générale
Guillaume ZemorRégie polyvalente
Xavier De MarcellisRégie vidéo
Nicolas Gerlier
Victor HunzikerRégie son
Janyves le Coïc
Charlotte Constant
Marc PieusserguesAccessoires
Matthieu DorsazCostumes
Machteld VisCommunication
Pierre-Paul BianchiCoordination scientifique
Darious GhavamiMusicien·ne·s (dans la pièce de Ari Benjamin Meyers)
Stéphane Pecorini (directeur musical)
Remi Cluzel(trompette)
Ganesh Geymeier (saxophone)
Annika Granlund (tuba)
Elise Jacquemettaz (trombone)
Juliane Rickenmann (saxophone)
Rocío Sánchez Gallego (saxophone)
Alexandre Tkaboca (flûte)Voix (dans la pièce de Stefan Kaegi)
Mireille Cifali Bega
Olivier Tomasini
Adele Poncet
Lionel Regamey
Isumi GrichtingProduction
Rimini Apparat (Allemagne)
Théâtre Vidy-Lausanne (Suisse)Coproduction
Performing landscapes, consortium européen : Bunker et Mladi Levi Festival (Slovénie), Culturgest (Portugal), Festival d’Avignon (France), Tangente St. Pölten – Festival für Gegenwartskultur (Autriche), Temporada Alta (Espagne), Zona K et Piccolo Teatro di Milano Teatro d’Europa (Italie),
Berliner Festspiele (Allemagne)
Cofinancé par l’Union européenne
Avec le soutien pour le concept de création de la Bundeszentrale für politische Bildung.
Avec le soutien du Parc naturel du Jorat, de la Ville de Lausanne, du Centre de Compétences en Durabilité de l’Université de Lausanne, de INVR Berlin pour les casques de réalité virtuelle.
Durée: 7h00
Création à Vidy Lausanne
Hors les murs/Chalet-à-Gobet
Du 14 mai au 18 juin 2023Festival d’Avignon 2023
à Pujaut (30)
du 7 au 16 juillet (sauf le 14) à 16h
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