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Raconter la guerre autrement

A voir, Les critiques, Paris, Théâtre

© Christophe Raynaud de Lage

Artiste résidente au Cent-Quatre, Tamara Al Saadi présentait la semaine dernière Partie dans le cadre du Festival Les Singulier.es. Une forme courte, un geste épuré et radical, un dispositif à vue et participatif qui nous plonge au cœur de la première guerre mondiale. Ce spectacle éblouit par l’acuité dramaturgique qui le sous-tend.

Au plateau, elles sont quatre. Quatre femmes mobilisées ensemble pour nous faire changer d’époque. Mais sur les quatre, seulement une seule prend en charge le jeu et la narration : la comédienne Justine Bachelet. Les autres gravitent à ses côtés, essentielles mais à la marge géographique. Eléonore Mallo à jardin, élaborant l’accompagnement sonore en direct à base de bruitages cousus main, Jennifer Montesantos en fond de scène activant la scénographie en direct également et Tamara Al Saadi, positionnée à cour, qui nous explique en préambule les règles du jeu, chef d’orchestre discrète invitant le public à participer au gré de quelques textes à lire à voix haute. Elle interviendra en pointillé tout du long dans une présence-absence extrêmement bien dosée. D’emblée, le dispositif du spectacle est exposé dans toute sa clarté et sa légèreté (pas de décor envahissant ni de reconstitution spectaculaire, une seule actrice endossant plusieurs rôles et l’illusion théâtrale évacuée) et cette approche épurée nourrit en filigrane une contradiction dynamique passionnante avec sa thématique, tragique et rebattue : la guerre de 14-18 et son artillerie lourde en termes d’imagerie et de scènes de conflit. Tamara Al Saadi place le spectateur en zone de conscience. Être au théâtre, le savoir et pourtant croire à cette histoire noyée dans la broyeuse de l’Histoire. Et se laisser diriger de loin par la metteuse en scène au plateau. Le geste est magistral dans ce qu’il véhicule d’ambivalence dans son rapport au public.

Evénement majeur de l’Histoire relativement récente, incontournable des manuels scolaires, représentée ad nauseam au cinéma, la première guerre mondiale est ici abordée par le prisme de l’intime avec une délicatesse qui exclut toute indigestion possible et renouvelle son éclairage d’une façon on ne peut plus sensible et intelligente. Ici, les rouages du théâtre sont donnés à voir autant que ceux de la guerre. Une mécanique imparable qui broie les individus et les familles au nom de la patrie à défendre. Et les spectateurs d’assister autant à l’histoire en train de se dérouler, fiction documentée sur un sujet historique, qu’au spectacle en train de se fabriquer. Embrasser le théâtre et l’Histoire tout en étant convié à y prendre part est une aventure en soi. Et la distanciation opérée par la mise à vue du dispositif ne freine en rien l’adhésion fictionnelle. Le récit d’une mère qui voit son fils partir au front. Le récit d’un fils qui se retrouve enrôlé, si jeune et inexpérimenté, dans une guerre interminable et meurtrière. Et le lien entre eux de continuer, à travers les lettres envoyées. C’est donc une forme essentiellement épistolaire que prend le texte de ce spectacle à la fois lumineux et douloureux. Une forme qui replace l’intime au centre de l’embrigadement collectif et des discours officiels, qui replace l’humain au cœur des manœuvres stratégiques et révèle d’une façon sidérante l’absurdité du conflit et les traumatismes engendrés (dégâts immatériels aussi dévastateurs que les destructions causées).

Avec rien, un costume au bleu délavé, un sac à dos et un casque de l’armée, une barrique de terre déversée, on y est. En fond de scène, un rouleau de papier blanc chapitre le récit en filigrane, marque les étapes, apporte des informations supplémentaires et dans le silence de la page blanche écrit le dénouement. Avec rien, quelques objets simples, des micros et une table de mixage, Eléonore Mallo donne un écho sonore à chaque scène et cet accompagnement au plus près, en subtilité, fonctionne admirablement. Une balle de tennis, une paire de ciseaux, un morceau d’osier, une brosse, une bassine d’eau, elle joue d’un orchestre d’accessoires incongrus et créé un environnement sonore immersif des plus évocateurs. Les rues grouillantes, le marché, les cris de Paris, les oiseaux du printemps, le cahot du train, la pointe du stylo sur la feuille, les balles qui mitraillent le camp ennemi, on passe de la vie parisienne animée au froid vif des tranchées, abri de fortune humide et boueux où les amitiés se nouent.

Interprétant aussi bien la mère que le fils, visage doux et juvénile, rayonnante, Justine Bachelet porte les lettres de ce soldat enrôlé avec une gravité et une justesse imparable. Elle n’en fait jamais trop et peu importe le sexe du rôle, le spectateur projette avec la plus grande facilité les protagonistes en jeu, héroïne invisible restée à l’arrière ou héros noyé dans la masse et englué dans les affres du front. Pas une fausse note dans ce spectacle admirable qui confirme que Tamara Al Saadi sait embrasser ses sujets avec maîtrise et subtilité.

Marie Plantin – www.sceneweb.fr

Partie
texte, mise en scène et scénographie : Tamara Al Saadi
interprètes : Justine Bachelet, Eléonore Mallo, Tamara Al Saadi et Jennifer Montesantos
création sonore : Eléonore Mallo
lumières, scénographie et conception technique : Jennifer Montesantos
costumes : Pétronille Salomé
regard chorégraphique : Sonia Al Khadir
administration de production : Elsa Brès
production et relations publiques : Coline Bec
diffusion : Séverine André Liebaut

A partir de 11 ans

Durée : 55 min

Du 19 au 21 janvier 2024
Cent-Quatre Paris

Le 13 février 2024
Dôme de Saumur

Du 2 au 6 avril 2024
Monfort

Du 1er au 4 juin 2024
Marseille (lieu à préciser)

25 janvier 2024/par Marie Plantin
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