Amine Adjina signe le deuxième volet d’un cycle autour de l’histoire avec un grand H. Remarquablement jouée et montée, cette pièce est un excellent point de départ à une réflexion sur la question de l’engagement.
Sous la grisaille, des vieilles personnes tuent le temps en jouant aux boules devant le théâtre Nicolas Peskine, à la périphérie de Blois. La monotonie détonne avec l’ambiance survoltée à l’entrée de la salle. Voilà une centaine d’ados, en surchauffe ; ça se bouscule, ça joue des coudes, ça se chamaille… « Je n’ai aucune idée de ce qu’il peut se passer, s’inquiète une prof de français accompagnée de sa classe de troisième. Aucun d’entre eux n’a mis les pieds au théâtre ». Il est 14 heures, l’heure des « scolaires » … Nos Jardins, Histoire(s) de France #2 signée par Amine Adjina et Émilie Prévosteau va bientôt commencer. Il s’agit du deuxième volet d’un cycle autour de l’Histoire avec un grand H – après Histoire(s) de France découverte au printemps dernier – : la France contée dans sa diversité, par le prisme des rapports sociaux qui la façonnent.
Dans la salle, un dispositif bifrontal. Des gradins, face à des chaises. Sur ces chaises, trois comédiens (deux filles, un garçon), à peine plus âgés que les spectateurs. Sur scène, des tréteaux, un sac de terre, quelques plantes… Pas grand-chose, à vrai dire. Mais dans le public personne ne bronche ; les acteurs nous fixent avec une telle intensité… L’une des actrices se lève. Et entonne un monologue, énonçant le problème. Dans une ville que l’on devine pauvre, des jardins collectifs doivent être rasés au profit d’un centre commercial. Les deux filles sont contre, pour leur quartier, pour leurs parents, pour leur identité. Le garçon, lui, s’en fiche un peu. Il serait plutôt pour en réalité… C’est un entrepreneur en herbe, obsédé par la mode, l’image, les réseaux sociaux. Alors, un centre commercial flambant neuf, pourquoi pas… Pendant une heure, elles tenteront de le convaincre.
Les voilà qui s’affrontent au fil d’exposés et de joutes oratoires. Elles cherchent des slogans, trouvent des totems, se déguisent, débattent, évoquent des souvenirs… Il pense à Louis XIV, qu’il trouve génial. Et se glisse dans le costume du roi soleil, pour s’amuser. C’est drôle, un peu pathétique aussi. Mais touchant. Et les voilà qui débattent de la Révolution française, à hauteur d’ado. Au fond, ce n’est pas tant de l’histoire avec un grand H qu’il s’agit, mais de la naissance d’une conscience politique : de quelle façon naît l’engagement, comment émerge une conscience collective, de quelle manière surgit une conscience de classe ? On assiste à ces genèses en un peu moins d’une heure.
Bien écrite, malgré la multiplicité des sujets abordés, remarquablement jouée, en dépit de l’âge des comédiens, et intelligemment mis en scène, quelle que soit la modestie des moyens, la pièce fait mouche. Parce qu’elle fait réfléchir. Et parce qu’elle provoque le débat. Qui aura lieu, à la fin, en présence des comédiens et du metteur en scène. « Je ne savais pas que ça pouvait être ça le théâtre », chuchote un garçon devant nous. Il n’osera prendre la parole. Mais parions qu’il retournera dans une salle de spectacle.
Igor Hansen-Løve – www.sceneweb.fr
Nos Jardins, Histoire(s) de France #2, d’Amine Adjina
Mise en scène Amine Adjina et Émilie Prévosteau
Avec Mélisande Dorvault, Manon Hugny et Gauthier Wahl
Création Sonore Fabien Aléa Nicol
Régie générale et lumières : Azéline Cornut
Scénographie : Cécile Trémolières
Costumes : Majan Pochard
Coproductions : Scène nationale de l’Essonne, Agora-Desnos / Le Théâtre d’Angoulême, scène nationale / La Halle aux Grains, scène nationale de Blois / Malakoff scène nationale, Le Théâtre 71 / FACM – PIVO – Scène conventionnée art en territoire / Le Grand R, scène nationale de La Roche-sur- Yon / Le Trident, scène nationale de Cherbourg-en-Cotentin / La Passerelle, scène nationale de Gap et des Alpes du Sud / Le Gallia Théâtre, scène conventionnée d’intérêt national – art et création de Saintes / L’Atelier à Spectacle, scène conventionnée d’intérêt national art et création de l’Agglo du Pays de Dreux.
Avec le soutien de la Scène nationale d’Aubusson (23), du Théâtre au Fil de l’Eau, Pantin (93) et du Fonds d’insertion pour Jeunes comédiens de l’ESAD-PSPBB.
Durée 1h
Vu en 2023 à la Halles aux Grains, scène nationale de Blois
Ohh 2024
Au 11·Avignon (Espaces Mistral)
Rendez-vous au 11 Boulevard Raspail, 84000 Avignon
Du 9 au 21 juillet 2024 à 11h45 Au 11·Avignon (Espaces Mistral)
Relâche le lundi 15 juillet 2024
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