L’ex-cantatrice joue la diva dévoratrice dans une comédie musicale de Jule Styne et Stephen Sondheim. Encore jamais montée en France, elle est donnée à la Philharmonie de Paris, juste après son passage à l’Opéra national de Lorraine, dans une mise en scène de Laurent Pelly en forme d’hommage au music-hall.
Tout de rouge écarlate vêtue, et d’un tempérament de feu, Natalie Dessay retrouve la scène d’un spectacle musical accompagnée par l’un de ses complices de toujours, le metteur en scène Laurent Pelly, sous la direction duquel elle a enchaîné un bon nombre de grands rôles à l’opéra. Alors que sa carrière s’est désormais tournée vers le théâtre, elle donne cette fois de la voix dans Gypsy, et y interprète le personnage de Rose, une mère dévorée par son désir contrarié de célébrité, qui entraîne ses deux filles dans une course illusoire vers la gloire et le succès rêvé.
Inspirée des mémoires de l’artiste burlesque Gypsy Rose Lee, l’œuvre date de 1959 et a été jouée plus de mille fois à Broadway. Sa version originale a été mise en scène et chorégraphiée par le jeune Jerome Robbins sur un livret d’Arthur Laurents, des chansons de Stephen Sondheim et la musique de Jule Styne. Son action se passe aux États-Unis à la fin des années 1920, lorsque débute la Grande Dépression. Follement éprise de grandeur, Rose s’obstine à sillonner l’Amérique avec sa progéniture et une petite troupe de choristes faire-valoir, à participer à des galas miteux et des concours pipés d’avance où s’exhibe l’unique numéro arriéré qu’elle a elle-même inventé. En grandissant, June, l’aînée, fuit coûte que coûte la compagnie, tandis que Louise, la cadette, sur laquelle retombent tous les espoirs maternels, devient malgré elle une vedette du strip-tease dans un contexte de crise pour l’industrie du spectacle.
Comme c’est souvent le cas dans le genre de la comédie musicale, Gypsy développe, derrière l’effervescence de sa musique entraînante et pleine de gaité apparente, un récit bien plus profond et complexe qu’il n’y paraît. Dans un joyeux esprit bon enfant, la mise en scène ne cherche pas à s’étendre sur la perversité et la transgression qui innervent l’intrigue. Elle convoque de façon festive et divertissante les attraits du music-hall sans tenter d’en réinventer ou faire évoluer les codes spectaculaires. L’espace scénique, qui inclut l’orchestre en son centre, additionne les passerelles autour des nombreux musiciens comme autant de podiums bordés de petites ampoules rondes qui rappellent les miroirs et les loges de théâtre et de cabaret. Les numéros chantés et dansés s’y enchaînent efficacement et de manière enlevée.
Mère et fille à la ville comme à la scène, Natalie Dessay et Neïma Naouri se glissent avec autant de conviction que de complicité dans les rôles de Rose et Louise aux destins peu communs. La première pleine d’éclats pétaradants assume la part monstrueuse d’un personnage excessif et flamboyant qui fait autorité, non sans une franche et rageuse humanité ; la seconde privilégie davantage l’émotion en se montrant un peu timide dans la première partie, mais plus en relief et en sensualité par la suite. « Notre Gypsy pourrait s’appeler Rose », confesse le metteur en scène Laurent Pelly. Il est en effet édifiant de voir comment Natalie Dessay domine la distribution en empoignant d’une main de fer sa partition. Si l’endurance vocale se fait parfois vacillante, l’intensité théâtrale confirme une fois de plus la formidable actrice qu’elle est. À ses côtés, ses partenaires évidemment talentueux paraîtraient presque un brin falots. L’Orchestre de chambre de Paris se fait plus qu’épatant sous la direction à la fois classieuse et fringante de Gareth Valentine, un chef qui connaît ce répertoire et sait faire ressortir ses grisantes joliesses.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
Gypsy
Comédie musicale en deux actes
Musique Jule Styne
Livret Arthur Laurents
Paroles Stephen Sondheim
D’après les mémoires de Gypsy Rose Lee
Mise en scène et costumes Laurent Pelly
Avec Natalie Dessay, Neïma Naouri, Medya Zana, Daniel Njo Lobé, Antoine Le Provost, Barbara Peroneille, Marie Glorieux, Kate Combault, Juliette Sarre, Rémi Marcoin, David Dumont, Léo Gabriel, Thomas Condemine, Pierre Aussedat, la Maîtrise Populaire de l’Opéra Comique et l’Orchestre de chambre de Paris
Direction Gareth Valentine
Traduction des dialogues Agathe Mélinand
Chorégraphie Lionel Hoche
Lumières Marco Giusti
Scénographie Massimo Troncanetti
Collaboration aux costumes Victoria Rastello
Collaboration aux coiffures et maquillages Daniela Eschbacher
Assistant à la mise en scène Paul Higgins
Design sonore Unisson Design
Décor sonore Aline Loustalot
Chef de chant Stéphane PetitjeanProduction Philharmonie de Paris
Coproduction Opéra national de Lorraine ; Théâtres de la Ville de Luxembourg ; Orchestre de chambre de Paris ; Théâtre de Caen ; Opéra de Reims
Coréalisation La Villette ; Philharmonie de ParisGypsy est présenté en accord avec Concord Theatricals Ltd. pour le compte de Tams-Witmark LLC.
Durée : 2h30 (entracte compris)
Philharmonie de Paris
du 16 au 19 avril 2025Grand Théâtre de la Ville de Luxembourg
du 30 avril au 3 maiThéâtre de Caen
du 29 au 31 décembreOpéra de Reims
les 10 et 11 janvier 2026
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