Avec sa nouvelle création miramar, le chorégraphe Christian Rizzo réunit une belle équipe d’interprètes pour un spectacle qui ne convainc pas complètement.
Nom de nombre de villes, de quartiers et de lieux-dits, miramar (signifiant vue sur la mer ou qui regarde la mer), dernière création du chorégraphe Christian Rizzo, énonce dès son ouverture son dialogue avec ce paysage maritime. Tandis qu’un rai de lumière reliant l’avant-scène de jardin à cour recule lentement vers le fond, Vania Vaneau longe le bord du plateau. Dans un solo maîtrisé, la danseuse va donner corps à une conversation intense avec l’élément maritime. Nous tournant le plus souvent le dos, arpentant toute la surface du plateau, l’interprète traverse l’espace, tandis que la création lumière et la composition musicale évoquent le sac et ressac des vagues. Dans ce corps à corps avec les vagues qui, donc, nous font face également, la danse se fait énergique, des gestes revenant, souvent guidés par les mouvements des bras et par les mains. Il y a dans ce dispositif hypnotique par le déplacement incessant des lumières – dont le mouvement évoque un scanner – comme par la musique électronique aux beats profonds, l’idée d’une confrontation sans cesse recommencée. L’on balance entre désir du jeu avec cet élément, désir d’aller y voir et nécessité à s’y coltiner.
Puis, à ce solo succède une pièce de groupe. De ce collectif, la danseuse Vania Vaneau sera exclue : une fois que l’équipe de dix danseurs l’ayant rejointe se sera positionnée, l’interprète quittera le plateau. Elle n’y reviendra que ponctuellement, pour, à chaque fois, les observer avant d’à nouveau les laisser. Dans une évolution à géométrie variable, le groupe de danseurs déplie à son tour un dialogue face à cette mer. Nous tournant majoritairement le dos, ils se confrontent à cet élément signifié là encore par la lumière et la musique. Chutant et évoluant au sol, se relevant parfois soutenus par un autre, tournoyant bras tendus, évoluant en duo ou trio, s’entrelaçant ou courant seul comme s’il en allait de leur vie, ces corps alternent entre lâcher-prise, tension, chute et redressement.
Tandis que l’espace nu de la scène accentue le sentiment de les voir se frotter à un élément plus puissant qu’eux, l’intensité sonore allant crescendo et les beats techno de plus en plus sourds donnent le sentiment que la mer a envahi tout l’espace alentour. Mais en dépit de la puissance dans la convocation de ces artifices scéniques ; de la maîtrise tant de la création lumières (signée par Caty Olive, partenaire au long cours de Christian Rizzo) que sonore (de Gérôme Nox, également proche collaborateur) ; de la douce simplicité de la création des costumes – soulignant sans appuyer les différentes individualités – signée par Rizzo, miramar laisse un brin circonspect.
Si il y a bien retour et réitération de mouvements et de déplacements, une dramaturgie cohérente peine à se dessiner. Le travail de Christian Rizzo, marqué par un goût certain pour le formalisme – et qui se déploie notamment dans le travail de lumière et de sons – laisse ici une place aux interprètes sans affirmer une position tenue et cohérente. Le passage intrigant à la fin du spectacle d’un homme dont l’accoutrement mêle diverses références (tenue folklorique, maillot de foot, étendard en or festif) ne produit rien de plus qu’un vague étonnement. Quant à l’image finale, où Vania Vaneau à nouveau seule et assise au plateau regarde vers le fond de scène où s’inscrit ces quelques mots « Je te vois », elle brouille plus qu’elle ne permet la compréhension. L’on pourrait se dire que ce sentiment de trouble diffus en soi pourrait être fructueux, fertile. Sauf que l’absence de chair de l’ensemble maintient la proposition dans un exercice de style certes maîtrisé, mais assez peu fécond. L’on ne peut, alors, que souhaiter que les dates à venir permettent à l’équipe de trouver le juste souffle face à ce paysage magnétique.
Caroline Châtelet – www.sceneweb.fr
miramar
Chorégraphie, scénographie/plafond lumineux, costumes : Christian Rizzo
Interprétation : Youness Aboulakoul, Nefeli Asteriou, Lauren Bolze, Lee Davern, Fanny Didelot, Nathan Freyermuth, Pep Garrigues, Harris Gkekas, Raoul Riva, Vania Vaneau, Anna Vanneau | Création lumière : Caty Olive | Création sonore : Gerome Nox | Assistante artistique : Sophie Laly | Réalisation costumes : Angèle Micaux | Direction technique et scénotechnique : Thierry Cabrera | Ingénierie, robotique, motorisation et construction machinerie : Thierry Kaltenrieder (technique lumière SARL) | Production et diffusion : Anne Fontanesi et Anne Bautz
Production ICI — centre chorégraphique national Montpellier – Occitanie / Direction Christian Rizzo
Avec le soutien de Dance Reflections by Van Cleef & Arpels
Coproduction : Bonlieu Scène nationale Annecy, Opéra de Lille, CENTQUATRE-PARIS, La Place de la Danse – CDCN Toulouse/Occitanie, Théâtre de Nîmes, Teatro Municipal do Porto / Festival DDD – Dias da Dança (Portugal), Le Parvis, scène nationale Tarbes Pyrénées / GIE FONDOC, Charleroi danse centre chorégraphique Wallonie Bruxelles, Le Bateau Feu Scène Nationale Dunkerque | En résidence à : Bonlieu Scène nationale Annecy
Remerciements : Ménagerie de Verre – Paris
26 au 28 janvier 2022
ThéâtredelaCité, CDN de Toulouse / Occitanie
— dans le cadre du festival ICI & LÀ de La Place de la Danse, CDCN de Toulouse, Occitanie11 au 12 février 2022
Théâtre de Nîmes5 au 6 mars 2022
Opéra de Lille18 au 19 mars 2022
Théâtre de Lorient, Centre dramatique national11 au 14 avril 2022
CENTQUATRE-PARIS
. lun. 11 avri. 21h / mar. 12 avri. 21h / mer. 13 avri. 21h / jeu. 14 avri. 21h24 au 25 avril 2022
Festival DDD, Porto, Portugal3 mai 2022
Le Bateau Feu Scène Nationale Dunkerque9 au 10 juin 2022
L’Archipel, scène nationale de Perpignan30 novembre au 1 décembre 2022
Spectacle présenté par la Saison Montpellier Danse 2022-2023 au Théâtre Jean-Claude Carrière
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