A la MAC de Créteil, Mikaël Serre fait entendre l’engagement politique toujours actuel de Schiller dans une mise en scène des Brigands non sans lourdeurs ni sans poncifs.
Trop rarement donnée en France, Les Brigands est la première pièce de Friedrich von Schiller écrite à l’âge de vingt-deux ans. Son propos, à la fois particulièrement échevelé et remarquablement maîtrisé, pose avec aplomb de nécessaires questions sur l’exercice du pouvoir, de la révolte et du mal en période de crise et d’effondrement politique. Ce sont autant de thèmes sacrément pertinents pour notre époque qui ne peut que reconnaître les excès et les dérives dans lesquels elle peut sombrer.
Point de départ de l’intrigue, le conflit entre deux frères ennemis, Karl, le rebelle maudit, et Franz, le cadet pourri, ouvre bien vite sur la peinture d’un monde à bout de souffle. Les voix de l’insurrection populaire s’élèvent alors contre l’arrogance d’une élite qui opprime la liberté et creuse les inégalités, qui divise, détruit, trahit. L’exaltation de la force, l’espérance de la jeunesse, voilà ce que donne à entendre avec un engagement et une force de conviction salutaires la pièce créée en 1782. C’est ce qui justifie sans doute le caractère tapageur de la version que signe Mikaël Serre où l’actualité du propos éclate, avec même quelques renvois explicites, et finalement anecdotiques, à la Macronie.
Pour autant, la forme très distanciée, qui mêle au drame des accents de cabaret, dégrade l’ampleur du message à recevoir, pourtant fort concernant et percutant. Délibérément contemporaine, mais assez peu originale, la mise en scène donne à voir une sorte de compilation, d’imitation, un peu lourde et brouillonne, de ce qui se fait depuis déjà un bon bout de temps sur les scènes allemandes. Le décor unique, délimité par un rideau circulaire en lamés argentés, rappelle les espaces de feu Bert Neumann, grand scénographe et complice de Frank Castorf, mais sans la démence qui les habite. Plus largement, l’esthétique très regietheater avec table de ping-pong, balle de tennis, canettes de bières, cagoules et mitraillettes, blasphèmes et hurlements, adresses au public et jeux de distanciation, paraît vite redondante.
Qu’il monte Gorki, Tchekhov ou Offenbach à l’opéra, Mikaël Serre a un goût prononcé pour l’actualisation, pour un jeu très physique à fleur de peau et de nerfs, pour une certaine violence exacerbée, mais aussi pour un grotesque dérisoire parfaitement assumé. Bourrés d’énergie, les acteurs ne s’économisent pas. Ils se débattent, mais ne convainquent pas, dans une interprétation trop uniformément éruptive, certes brute, mais pas sans manières. L’ensemble manque de rythme et de force.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
Brigands
d’après Les Brigands de Friedrich von Schiller
Mise en scène et adaptation Mikaël Serre
Avec Dan Artus, Victoire Du Bois, Servane Ducorps, Marijke Pinoy, Thierry Raynaud, Bachir Tlili, Arnaud Guy
Assistant à la mise en scène Maxime Arnould
Dramaturgie Katia Flouest-Sell
Scénographie Nina Wetzel et Mikaël Serre
Costumes Fanny Brouste
Vidéo Sébastien Dupouey
Musique Sylvain Jacques
Lumières Sébastien MichaudProduction Fluide Ensemble
Coproduction Maison des arts et de la culture de Créteil, Théâtre des 13 vents – Centre Dramatique National de Montpellier, Le Canal – Théâtre du Pays de RedonDurée : 2 heures
Maison des Arts de Créteil
du 26 au 28 février 2020Théâtre des 13 vents, CDN de Montpellier
du 2 au 5 février 2021Le Canal, Théâtre du Pays de Redon
le 18 févrierLe Monfort Théâtre, Paris
du 13 au 17 avril
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