Avec Le Premier Sexe ou la grosse arnaque de la virilité, seul en scène d’une intelligence mordante, Mickaël Délis déconstruit le mythe masculin de la virilité à tout prix. Une bouffée d’air.
Le principe est simple, celui d’un seul en scène à multiples personnages. Rien de nouveau sous le soleil au niveau formel, donc, mais quand le genre est porté avec talent (et il l’est), son dépouillement n’a d’égal que sa force de frappe. Pas de décor, pas de chichis, un plateau nu, des lumières et quelques accessoires utilisés à bon escient par un comédien plein de charme et de bagout, un texte percutant et un propos important, et le tour est joué, théâtre il y a. Un tabouret, une chemise blanche, une craie, et tout apparaît : les personnages, les lieux, les situations, les contextes et les époques qui façonnent une vie. Mickaël Délis l’a bien compris, c’est lorsqu’on parle au singulier que le pluriel arrive par ricochet, lorsqu’on ose ausculter ses souvenirs et sa propre intimité et l’offrir en pâture dans un geste théâtral nécessaire et généreux – jamais impudique, par ailleurs – que celle des autres s’y mire en face.
Mais pour cela, il faut un regard, une patte, une écriture et Mickaël Délis, par ailleurs ancien chroniqueur hebdomadaire pour l’émission de France 5, C à vous, a la plume vive, alerte, acérée, et l’humour en permanence en embuscade n’ôte rien à la profondeur. Au contraire, cette dualité à l’œuvre dans tout ce qu’il écrit en fait toute la teneur et la saveur. Il manie la formule et le rythme avec un panache qui n’appartient qu’à lui, et ce premier seul en scène enfin visible, rescapé de nombreuses annulations pour cause de pandémie, est l’occasion pour le comédien de faire le point sur le masculin et les injonctions qui lui collent à la peau. Porté par une réflexion personnelle nourrie de lectures exigeantes sur les questions de genre qui agitent et réveillent notre époque, Le Premier Sexe, comme son titre le suggère, fait écho au fameux Deuxième Sexe de Simone de Beauvoir et s’appuie sur sa structure pour éplucher dans l’empirisme d’une existence masculine la grosse arnaque de la virilité. Dit comme ça, ce n’est pas forcément évident, mais le spectacle est fin, intelligent, futé et totalement réjouissant.
Mis en scène avec délicatesse et ingéniosité par Vladimir Perrin, soutenu à la collaboration artistique par son frère David Délis, regard extérieur complice et attentif, Mickaël Délis déploie ici une jolie palette de jeu, interprétant tour à tour sa mère, son psy, les copains et copines, le prof de SVT au lycée, le père enfin, clef de voûte d’une construction identitaire épineuse aux prises avec les codes en vogue d’un patriarcat dominant qui violente aussi les hommes. Jamais théorique, la réflexion qui sous-tend le spectacle ne passe que par le concret du vécu, des anecdotes et des scènes qui ponctuent la vie d’un petit garçon, d’un adolescent, d’un homme enfin, mû par son désir ardent de comprendre, d’apprendre, de correspondre au moule d’abord, avant de découvrir le bonheur d’être soi et de penser par soi-même. Le Premier Sexe raconte avant toute chose un chemin d’émancipation et on y assiste avec une joie gaillarde, apparemment partagée avec un public conquis et reconnaissant.
Marie Plantin – www.sceneweb.fr
Le Premier sexe ou la grosse arnaque de la virilité
de et avec Mickaël Délis
Mise en scène Vladimir Perrin, Mickaël Délis
Collaboration artistique Elisa Erka, Clement le Disquay, Elise Roth, David Délis
Collaboration à l’écriture Chloé Larouchi
Création lumière Jago AxworthyProduction Reine Blanche Productions
Durée : 1h10
Vu en juin 2023 au Théâtre de la Reine Blanche, Paris
Avignon-Reine Blanche, dans le cadre du Festival Off d’Avignon
du 5 au 23 juillet 2025, à 18h30 (relâche les 10 et 17)
Allez vous jouer au festival d’Avignon ?
Bonjour, non, pas de dates prévues dans le Off cet été.