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Langhoff voyage avec Müller sur des rives dévastées

A voir, Aubervilliers, Caen, Les critiques

À la Comédie de Caen puis à la Commune d’Aubervilliers, Matthias Langhoff, Frédérique Loliée et Marcial Di Fonzo Bo se retrouvent autour d’une succincte trilogie de Heiner Müller transformée en vaste pièce-installation. Ils réactivent l’esprit radicalement déconstructiviste et démythifiant du dramaturge est-allemand.

Compagnon de route de Müller au Berliner Ensemble comme ailleurs, Matthias Langhoff a mis en scène tout au long de sa carrière de nombreux textes du dramaturge. Réunis en 1983, Rivages à l’abandon, Médée-Matériau et Paysage avec Argonautes forment un ensemble de trois courtes pièces. Si les mots n’occupent que quelques pages, ils regorgent d’une force d’évocation sans pareil. Profondément marqué et obsédé par la guerre, l’auteur reprend le mythe fondateur de Médée et le réactive dans les ruines du monde contemporain. Sa proposition est empreinte d’un puissant pessimisme, d’une poésie crue, d’une pensée profonde et troublante, d’un hermétisme assumé mais aussi d’une folle liberté, autant d’éléments qui caractérisent une œuvre singulière et passionnante.

Pour représenter ses textes, Müller propose d’inspirantes suggestions : « Rivages à l’abandon peut se jouer pendant que se déroule, par exemple, le programme d’un peep-show, Matériau-Médée au bord d’un lac près de Straussberg qui serait une piscine envasée à Berverley hill ou une salle de bains d’un clinique psychiatrique (…) Paysage avec Argonautes présuppose les catastrophes auxquelles travaille l’humanité actuelle. La contribution du théâtre pour les prévenir ne peut être que leur représentation. » Langhoff prend le parti d’un théâtre qui n’est pas seulement naturaliste mais volontiers hétéroclite et distancié, qui voisine avec l’installation d’art.

Avant de regagner par la scène la salle de spectacle, le public est invité à déambuler dans un étroit couloir, une sorte de sas délimité par des toiles grand format aux tonalités bleu-gris. S’y affichent une ville-fantôme aux constructions en béton armé et la grève d’une mer calme et étale. Vides de toute présence humaine, ces espaces rendent compte de la propension du dramaturge à dépeindre le chaos d’un monde hostile et ravagé. Une barque échoue sur un muret de pierre. C’est celle qu’on retrouvera postée au centre du plateau et dans laquelle Marcial Di Fonzo Bo en conquérant fatigué dit avec beaucoup de gravité le troisième et dernier fragment du triptyque. Les mots issus de la pièce radiophonique Verkommenes ufer, confiés par Heiner Goebbels à des passants trouvés dans les rues, les cafés, les métros de Berlin, sont diffusés en allemand par des enceintes, quelques vestiges de la RDA se donnent à voir pour témoigner le sentiment d’appartenance de Müller à un monde révolu. De même que les marins mythiques de l’Argo voguent sur la mer à la conquête de la toison d’or, le spectateur-visiteur voyage à son tour dans un monde encore proche et déjà lointain, ironiquement guidé par les acteurs costumés en hôtesses de l’air.

Comme dans Richard III que Marcial Di Fonzo Bo a récemment recréé, le rail d’un chemin de fer traverse le plateau. Au loin, le vacarme de la circulation, d’une fête, de la musique, de soudaines explosions. Ici, le calme sourd, et la souffrance d’une femme Médée, impressionnante Frédérique Loliée, assise une bouteille d’alcool à la main. Elle miaule et aboie, éructe et jouit, effroyablement forte et vulnérable. La barbare, l’exilée, paraît d’abord vaguement costumée à l’antique contemplant sa gloire passée dans les perles de ses colliers. Puis, le maquillage défait, le corps quasiment dévêtu, elle met à nu sa monstruosité. Les deux enfants qu’elle va assassiner sont représentés par deux boîtes de pâté pour animaux dont elle fait régurgiter la matière qui se répand non sans fracas sur un lit de cailloux. Dans un geste cathartique qui consiste à se doucher avec le contenu d’une brique de lait, elle cherche à retrouver une impossible pureté. Sans illusion, Langhoff et les acteurs font vivre dans une maigre allégresse un monde dévasté et gagné par la désespérance.

Christophe Candoni – www.sceneweb.fr

Rivage à l’abandon, Médée-Matériau, Paysage avec Argonautes
de Heiner Müller
mis en scène par Matthias Langhoff
avec Frédérique Loliée,
Marcial Di Fonzo Bo
décor Catherine Rankl
maquillage Cécile Kretschmar
assistante à la mise en scène
Véronique Appel
son et vidéo Anton Langhoff

production Comédie de Caen – CDN de Normandie
coproduction La Commune CDN d’Aubervilliers, Teatro Piemonte Europa – Turin

Durée : 1h

Du 9 au 13 janvier 2023
à La Comédie de Caen

du 26 janvier au 2 février 2023
La Commune d’Aubervilliers

29 janvier 2023/par Christophe Candoni
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