Mats Ek est parisien pour quelques jours, partageant son temps entre le Théâtre des Champs-Elysées, où sont attendus les cubains de Malpaso Dance Company dans le cadre de la saison TranscenDanses, et l’Opéra de Paris où il entame les répétitions d’un programme en juin. Rencontre.
Comment choisissez-vous les compagnies avec lesquelles vous souhaitez travailler ?
Il y a toujours un «historique» si je puis dire. Une relation qui s’est construite sur la durée. Pour prendre l’exemple de Malpaso Dance Company, il me faut remonter à une précédente collaboration avec Danza Contemporanea de Cuba dans les années 2000. Nous avons accompli ensemble un long voyage. Et d’une certaine façon Malpeso est en filiation avec eux. Au-delà de ce dialogue, il y a la capacité pour une troupe et ses interprètes à mener à terme une telle aventure. Pour le reste, je fais des auditions car je dois voir ces danseurs, que ce soit à La Havane avec Malpaso Dance Company ou à Paris avec le Ballet de l’Opéra.
Parlez-nous justement de ces solistes cubains ?
Outre qu’il y a une excellente école de danse contemporaine à La Havane, où on enseigne plusieurs techniques, ces interprètes sont aussi le « produit » d’un mélange entre une certaine tradition nord-américaine et quelque chose qui leur est propre, cet esprit caribéen. Cela les rend unique. Je me suis trouvé deux fois sur place pour travailler avec Malpaso, ils sont venus également à Stockholm. J’aime ce « flow » dans les corps qui n’appartient qu’à eux.
Qu’avez-vous découvert sur la danse sur place ?
J’avais rencontré brièvement Alicia Alonso autre fois. Nous avions eu une conversation. Mais avec Malpaso, c’est vraiment un autre monde ! Ils ne reçoivent pas de subventions du gouvernement, vivent des tournées, sont « tolérés » plus qu’autre chose. Ils dépendent de chaque théâtre où ils sont invités au niveau technique par exemple. J’ai choisi pour eux une pièce de mon répertoire, Woman with Water, pouvant s’adapter à ces conditions de représentation. Il y a également au programme une œuvre de Ohad Naharin (Tabura Rasa) et une du directeur de la troupe, Osnel Delgado.
Contrairement à d’autres institutions, il s’agit de danseurs de formation moderne
Les compagnies désormais sont plus ouvertes, le langage est plus complet, parfois plus classique, d’autre fois plus contemporain. Ce qui n’aurait pas été le cas il y a 20 ans. Disons que le monde de la danse n’est plus autant divisé.
Hugo Marchand, l’étoile de l’Opéra de Paris, écrivait dans un de ses post sur Instagram à quel point il était fier de danser dans votre Carmen sous peu. Ce genre d’hommage vous touche ?
J’apprécie vraiment Hugo ! Mais je ne suis pas dans une logique du maître et des élèves, il n’y a pas de place pour l’adoration avec moi ! L’important c’est ce qui se passe dans le studio. Au plus près des corps et du mouvement. Vous savez, en définitive, le « patron » c’est l’œuvre elle-même ! Voilà notre but commun aux danseurs comme à moi.
Il y a 7 ans, vous aviez annoncé votre retraite. Ce n’est visiblement plus d’actualité.
Il y a eu une méprise, je pense. Il s’agissait pour moi de faire une pause, pas de m’arrêter. Il fallait que la « machine » se calme avant de s’enrayer. J’ai pris ce temps pour réfléchir, penser autrement la danse.
L’Europe vit actuellement une période sombre. On s’est beaucoup interrogé sur la place des artistes, sur le fait de prendre ou non position par rapport à la guerre en Ukraine. Quel est votre regard ?
Alexei Ratmansky (chorégraphe et ancien directeur artistique du Bolchoï) a envoyé un mail à des dizaines de collègues du milieu. J’ai pris le temps de lui répondre comme beaucoup d’autres. Il a décidé de quitter Moscou où il travaillait justement à un nouveau ballet avec le Bolchoï. Il a pris position très clairement. Pour moi, cette guerre contre l’Ukraine s’apparente au viol d’un pays. Mais c’est surtout la guerre d’un homme, Poutine, pas forcément d’un peuple. On doit garder une fenêtre ouverte pour des échanges avec certains artistes russes. Je ne vais pas arrêter de lire les auteurs russes ou d’écouter Tchaïkovski.
Propos recueillis par Philippe Noisette – www.sceneweb.fr
Programme Mats Ek à l’Opéra de Paris du 5 mai au 6 juin 2022
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