A l’opéra-Comique, une création lyrique de Joël Pommerat et Francesco Filidei vient de voir le jour après plus de deux ans de travail. En déployant une richesse musicale et théâtrale inouïe, L’Inondation a saisi et submergé son public.
Après avoir inspiré les compositeurs Oscar Bianchi et Philippe Boesmans qui ont retranscrit deux de ses anciens textes théâtraux pour leur donner une seconde vie opératique, Joël Pommerat se fait librettiste à part entière en adaptant un texte de l’auteur russe Ievgueni Zamiatine mis en musique par le compositeur italien Francesco Filidei. Les deux artistes ont travaillé de concert depuis 2016, ont entretenu une très étroite et fructueuse collaboration de telle sorte que s’écrivent conjointement le matériau textuel et la composition musicale. Ce processus de création, luxueux comme rarement à l’opéra, a évidemment permis de réunir des conditions idoines pour produire un spectacle rigoureusement tenu et abouti. L’Inondation s’est laissé découvrir comme une œuvre sans faille, belle et puissante en tout point.
Ses deux signataires, absolument convaincus de l’importance de fonder leur entreprise sur un récit, ont chacun exploité à fond le livre d’origine, un court roman à la fois très elliptique et d’une profonde densité. Filidei a imaginé une composition subtile, toute en lenteur et en tension, émaillée de géniales trouvailles pour colorer les mots simples et économes du dramaturge. En effet, les personnages que met en scène L’Inondation sont taciturnes et renfermés, leurs dialogues et leurs actions rachitiques sont imprégnés du mouvement aussi bien étale que répétitif de la vie quotidienne. S’ils ne manquent jamais de présence et de relief, c’est parce que le texte et la musique s’accordent parfaitement pour rendre très concrets et sensibles les enjeux de l’intrigue, son atmosphère trouble, entre angoisse et désenchantement, sans non plus gommer la force de l’implicite, de l’indicible. On voit entre autres un couple en proie à la frustration liée à l’impossibilité d’avoir un enfant recueillir une adolescente voisine après la mort de son père. Tandis que cet événement devrait apporter un bonheur épanoui, il ouvre la voie à une succession de drames qui bouleversent. La pièce s’ouvre d’ailleurs sur son point d’acmé tragique : un meurtre.
L’orchestre Philharmonique de Radio France placé sous la direction d’Emilio Pomàrico alterne intimité mélancolique et élans fiévreux pour se faire un puissant évocateur du climat à la fois taiseux et grondeur qui règne sur le plateau. Grâce à une batterie d’objets percussifs des plus variés et insolites, il figure le déchaînement des éléments naturels (vent qui souffle, eau qui monte et menace), et suggère la monotonie des vies immuables des protagonistes pourtant animés d’une forte agitation intérieure. Pas systématiquement atonale et même parfois franchement lyrique, la partition joue autant de dissonances et d’âpres fracas qu’elle se plait à s’épancher en usant de longues et lancinantes nappes sonores qui glacent ou hypnotisent l’auditeur. Les échanges verbaux sont ramassés, inquiétants et haletants comme dans La Réunification des deux Corées. Ils sont écrits sur un registre parlé-chanté proche de l’écriture vocale Debussyste et se voient dilater par la temporalité musicale. C’est la raison qui a poussé le metteur en scène Joël Pommerat a imaginer un dispositif scénique monumental et hyperréaliste comme il n’en a jamais eu l’usage auparavant pour permettre de montrer des actions simultanées et indépendantes les unes des autres. Une structure représentant un immeuble sur trois étages rend donc visibles trois appartements superposés (un peu comme l’ont fait avant lui Dmitri Tcherniakov dans Wozzeck ou Katie Mitchell dans plusieurs de ses productions). Elle permet de dépeindre la vie morose et ordinaire de gens aussi simples que complexes, fragilisés car isolés du monde et inévitablement distants entre eux, menacés par le fleuve qui les borde et déborde.
Particulièrement habités, les jeunes chanteurs réunis réalisent une caractérisation fine et profonde de leur personnage aussi bien vocalement que théâtralement. Dans les rôles principaux, Boris Grappe, baryton clair, interprète un homme insaisissable, entre réelle bonté et perte de repères, la mezzo-soprano Chloé Briot, qui était le Pinocchio de Pommerat, impressionne en campant cette fois une figure féminine et plus mature en proie à la folie destructrice, Norma Nahoun est tout à fait crédible en jeune fille (rôle dédoublé avec la comédienne Cypriane Gardin pour des raisons qui échappent avant les derniers tableaux). Toute la distribution participe à la densité émotionnelle de cette création.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
L’Inondation Joël Pommerat et Francesco Filidei
Direction musicale Emilio Pomarico Mise en scène Joël Pommerat Décors et lumières Eric Soyer Costumes, maquillages, perruques Isabelle Deffin Vidéo Renaud Rubiano Assistant musical Leonhard Garms Collaborateur artistique Philippe Carbonneaux Assistante décors Marie Hervé Chef de chant Thomas Palmer
La Femme Chloé Briot L’Homme Boris Grappe La Jeune Fille Norma Nahoun La Jeune Fille Cypriane Gardin Le Voisin Enguerrand de Hys La Voisine Yael Raanan-Vandor Le Narrateur, le Policier Guilhem Terrail Le Médecin Vincent Le Texier Enfants Maîtrise Populaire de l’Opéra Comique Figurants
Orchestre Orchestre Philharmonique de Radio France Nouvelle production Opéra Comique Coproduction Angers Nantes Opéra, Opéra de Rennes, Grand Théâtre de la Ville de Luxembourg.Durée : 2h
Opéra Comique
Salle Favart du 27 Septembre au 3 Octobre 2019Opéra de Rennes les 15, 16, 18 janvier 2020
Opéra de Nantes les 29, 10 janvier, 1 et 2 février 2020
L opera ne m a du tout plu même si l on ne peut qu’apprécier la prestation des acteurs chanteurs. Je n ai pas du tout aimé la musique alors que j ai une belle experience musicale personnelle (violoniste au conservatoire) C est une mélange de sons qui n est pas harmonieux et qui tient plus de la cacophonie. Je ne vous conseille pas cette pièce. Regardez bien les extraits. Cela dure deux heures sans entracte