Prenant pour point de départ une émission radio de Ménie Grégoire consacrée à « L’Homosexualité ce douloureux problème », la jeune équipe queer et transdisciplinaire du Fléau social retrace l’aventure du FHAR mais empile les faits historiques et les séquences à toute allure. Qui trop embrasse, mal étreint.
Tout commence le 10 mars 1971. Plateau de radio. RTL. C’est l’enregistrement salle Pleyel de l’émission « Allo Ménie ». Thème du jour : L’Homosexualité ce douloureux problème. Pour répondre aux interrogations et interpellations qui viennent ici d’acteurs disséminés dans le public : un prêtre qui renvoie toutes interrogations au champ médical et un psychanalyste pour qui être homo n’est jamais qu’un accident, réversible dans le meilleur des cas. Dans un décor minimaliste volontairement très identifiable aux seventies et donc très efficace et des costumes très clairement ancrés dans cette décennies et l’idée qu’on s’en fait encore un demi-siècle plus tard, les huit acteurs et actrices vont s’emparer du plateau collectivement pour recréer la naissance du FHAR, le front homosexuel d’action révolutionnaire qui prend racine lors de cette émission.
C’est alors que commence un « tourbillon » telle que la nomme l’équipe elle-même dans sa note d’intention. Les figures se multiplient, aucune ne se détache vraiment – pas le temps. Même pas Claudia, assistante de Ménie Grégroire, militante timide puis investie qui fait le lien habile entre toutes les séquences et endosse le rôle de la néophyte qui recontextualise tous ces évènements au public. La compagnie Fléau social, composée d’anciens et anciennes élèves de la Comédie de Saint-Étienne, des Conservatoire de Saint-Étienne et de Lyon, de l’ENS de Lyon, de la CinéFabrique et du Ballet Junior de Genève, avance rapidement pour tout dire et donc beaucoup escamoter son propos. C’est un choix clairement posé mais qui oblige à des contorsions et des quasi sketches (les AG du FHAR pour la rédaction d’un tract, les phases plus intimes ou celles en club). Ça danse donc un peu (les tubesques Le Jour se lève d’Esther Galil, un remix du Cambodia de l’inoxydable Kim Wilde), ça s’écharpe, se séduit. Ça vit mais la solitude, centrale chez ces personnages, peine à se faire ressentir de même que cet émouvant très court monologue sur les « folles ». Or c’est là, dans ces failles et ces pauses que se joue aussi cette histoire de révolution des mœurs si salvatrice.
Il y a mille embryons de spectacles (la question ouvrière, les travailleurs immigrés…), dans ces 90 minutes de convergences des luttes que la compagnie a enclenché depuis des années – la pièce date de mars 2023 mais est présentée sans décor, depuis plus longtemps. Depuis, ce collectif queer a créé « Qu’importe le dépeçage », sur la question de la transidentité récemment au théâtre de la Croix-Rousse de Lyon, là encore une approche burlesque d’un sujet majeur.
« L’homosexualité ce douloureux problème » est un travail absolument sincère et documenté, peut-être nécessaire à certains égards pour ne pas oublier celles et ceux qui se sont engagés pour les générations suivantes. La compagnie porte ces combats, comme une mission d’éducation politique plus encore que comme un acte de théâtre qui s’efface derrière l’énumération des faits historiques. Avortement, Manifeste des 343 salopes, sida, mariage pour toutes et tous, PMA… À demi dissimulés par un rideau de fils, les acteurs et actrices rejouent ces manifs pendant que sont projetées des images en noir et blanc de ces revendications des droits en France et au-delà.
Nadja Pobel — www.sceneweb.fr
L’Homosexualité, ce douloureux problème
Mise en scène, coordination et jeu : Louise Bernard et Louv Barriol
Écriture collective : Aez Pinay avec Fléau Social
Jeu : Arthur Colombet, Lucie Demange, Nino Djerbir, Lauryne Lopes De Pina, Flora Souchier, Etienne Thomas
Musique et son : Adèle Lloret-Linarès alias Anomalie Magnétique
Lumières : Marie Plasse / Myriam Adjallé
Régie générale : Marie Plasse
Régie plateau : Marie Tralci
Scénographie : Loana Meunier et Louise Bernard
Costumes : Lisa avec le soutien de l’atelier costumes du TNP
Collaborateur.ices artistiques : Mikaël Treguer, Lola Tillard, George Cizeron, Maudie Cosset-Chéneau, Mélissa Golebiewski, Siméon Martinel, Roy Mas, Corentin Sinet-Rostollan
Production : Louv Barriol et Louise BernardCo-production : Théâtre Albert Camus – Ville du Chambon Feugerolles et Théâtre Le Verso
Financé par : la DRAC Auvergne-Rhône-Alpes, le département de la Loire, la Ville de Saint-Etienne et la Région Auvergne-Rhône-Alpes
Ce spectacle a bénéficié de l’aide à l’écriture de l’association Beaumarchais-SACD
En partenariat avec le GEIQ Théâtre/Compagnonnage.
Avec le soutien du Fond d’Insertion pour Jeunes Comédiens de l’ESAD – PSPBB ; du Cube-Studio Théâtre de Hérisson ; du Château de Goutelas – Centre Culturel de Rencontre ; de la mairie de Saint-Genest-Lerpt ; du Théâtre de La Buire de L’Horme ; de la Maison de la Culture – Le Corbusier de Firminy ; du Théâtre de l’Élysée ; de L’Amicale Laïque de Tardy ; de la MJC des Tilleuls de Saint-Etienne ; de Chromatique ; de Grrrnd Zero ; de La Déviation, Marseille.
Collaboration archives : Mémoires MinoritairesDurée : 1h30
Créé le 10 mars 2023 au Théâtre Albert Camus du Chambon-Feugerolles
Au théâtre des Célestins de Lyon
Du 28 mai au 8 juin 2024Les Bravos de la Nuit de Pélussin (Loire)
Du 24 au 30 août 2024
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