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Le drame des « Perses »

Décevant, Festival d'Avignon, Les critiques, Théâtre
Gwenaël Morin adapte Les Perses d'Eschyle au Festival d'Avignon 2025
Gwenaël Morin adapte Les Perses d'Eschyle au Festival d'Avignon 2025

Photo Christophe Raynaud de Lage / Festival d’Avignon

En guise de troisième épisode de son projet Démonter les remparts pour finir le pont, Gwenaël Morin confie à des comédiennes et comédiens rencontrés à l’occasion d’un atelier libre mené à Avignon la tragédie d’Eschyle, et les met, tout autant que les spectatrices et spectateurs, au supplice.

Quelle mouche a bien pu piquer Gwenaël Morin ? La question se pose, aussi sérieusement que tristement, au vu de l’invraisemblable raté que constitue sa nouvelle création, Les Perses, donnée au Festival d’Avignon. Décrit comme le troisième épisode de sa série Démonter les remparts pour finir le pont, qu’il conduit depuis l’arrivée de Tiago Rodrigues au poste de directeur de la manifestation, ce spectacle avait déjà, sur le papier, des airs de coup de canif dans le contrat. À l’origine, le projet au long cours conduit par le metteur en scène devait, à chaque édition, entretenir un lien étroit avec la langue invitée. Ce fut le cas en 2023 où, alors que la langue de Shakespeare était à l’honneur, il choisit de s’attaquer avec facétie au Songe d’une nuit d’été ; ce fut encore le cas l’an passé où, tandis que la langue de Cervantes était cette fois mise en avant, il s’empara avec brio de Don Quichotte ; mais ce n’est pas le cas cette année où, alors que l’arabe est présentée comme la langue invitée – ce dont il est possible de rediscuter dans les faits –, le metteur en scène a fait un pas de côté et jeté son dévolu sur une pièce d’Eschyle en… grec ancien. Une décision d’autant plus étonnante que la littérature en langues arabes ne manque pas d’oeuvres à explorer, dont certaines, à la manière des Milles et Une Nuits – dont, il est vrai, Marlene Monteiro Freitas s’est déjà très lointainement inspirée pour créer NÔT dans la Cour d’honneur –, auraient pu naturellement lui aller comme un gant. « Fruit d’une discussion avec Tiago Rodrigues », précise Gwenaël Morin, ce choix est d’autant plus curieux qu’il met en avant une oeuvre – aussi originale soit-elle – telle qu’on n’en fait plus, celle d’un Occidental – aussi antique soit-il – qui, en tant que grand vainqueur, adopte le point de vue et parle à la place des vaincus, les Perses, en les dépossédant, de fait, de leur histoire.

Car, contrairement à bon nombre de textes antiques, y compris parmi les plus célèbres, cette courte pièce d’Eschyle ne verse pas dans le triomphalisme. Écrite pour être jouée devant les Athéniens, elle leur donne à voir, dans un élan politique et citoyen, le malheur et la ruine causés à celles et ceux qu’ils ont défaits à l’occasion de la bataille de Salamine (480 av. J.-C.), qui a mis le roi Xerxès en déroute. Tandis qu’à Suse, capitale de l’Empire perse, tout le monde, à commencer par un choeur de vieillards, attend fébrilement des nouvelles de l’expédition du monarque contre les Grecs, un messager débarque et annonce la triste nouvelle. Heurtée jusque dans sa chair, La Reine, et mère du roi Xerxès, décide de se rendre sur la tombe de son mari, Darius, pour invoquer son fantôme. Une fois sorti du tombeau, l’ancien maître des Perses invective les vivants et s’en prend violemment à son fils, dont il condamne l’hubris – l’un des pires péchés chez les Grecs – qui l’a poussé à s’en aller guerroyer. C’est alors que Xerxès paraît, encore sonné par sa défaite, et se lance dans une lamentation qui signe son effondrement en même temps que celle de la langue. Un épilogue loin d’être anecdotique tant, chez Eschyle, toute action, et peut-être même toute vie, passe par le langage, seul maître à bord d’un théâtre qui raconte plus qu’il ne joue, où les mots passent bien avant les gestes, ce qui constitue le creuset de sa beauté, mais aussi de son incroyable difficulté.

Il est alors pour le moins surprenant que Gwenaël Morin ait choisi cette pièce pour travailler avec des comédiennes et comédiens qu’il a rencontrés dans le cadre de l’atelier libre qu’il mène à Avignon depuis 2023. Certes, le metteur en scène est un expert du théâtre antique et a déjà su prouver qu’il était capable, notamment à travers le spectacle Uneo uplusi eurstragé dies, qui réunissait Ajax, Antigone et Héraclès de Sophocle, d’en transmettre la passion à d’autres que ses fidèles et talentueux acteurs. Las, privé de sa collaboratrice artistique de toujours, Barbara Jung, il rate cette fois la marche et laisse Jeanne Bred, Fabrice Lebert, Gilféry Ngamboulou et Julie Palmier livrés à eux-mêmes, comme si lui-même n’y croyait pas vraiment. Dans un espace scénique encore plus décharné qu’à l’accoutumée, où même l’habituel texte de la pièce accroché au mur a disparu et où seuls deux cercles entremêlés sont dessinés au sol à la bombe blanche, les quatre comédiennes et comédiens sombrent rapidement, engloutis par une langue qui les dépasse, enfermés dans des déplacements trop systématiques, englués dans une zone grise, que leur metteur en scène n’a visiblement pas cru bon d’éclaircir, entre distanciation et incarnation, et dépourvus de toute branche à laquelle se rattraper. Irradiants de fragilité, mais ne manquant pas de courage, ils se montrent incapables de porter le texte d’Eschyle sur leurs trop frêles épaules, et de le transmettre à celles et ceux qui, les yeux dans les yeux, leur font face.

Vincent Bouquet – www.sceneweb.fr

Les Perses / Démonter les remparts pour finir le pont
Texte Eschyle
Adaptation, mise en scène et scénographie Gwenaël Morin
Avec Jeanne Bred, Fabrice Lebert, Gilféry Ngamboulou et Julie Palmier, interprètes professionnels rencontrés lors de l’atelier libre mené à Avignon depuis 2023 par Gwenaël Morin
Assistanat à la mise en scène Canelle Breymayer
Lumière Philippe Gladieux
Régie générale Loïc Even

Production déléguée Compagnie Gwenaël Morin – Théâtre Permanent
Coproduction Festival d’Avignon
Résidence Festival d’Avignon, Maison Jean Vilar (Avignon)

La compagnie Gwenaël Morin – Théâtre Permanent est conventionnée par la Drac Auvergne-Rhône-Alpes.

Durée : 1h15

Festival d’Avignon, Jardin de la rue de Mons – Maison Jean Vilar
du 8 au 25 juillet 2025, à 22h

10 juillet 2025/par Vincent Bouquet
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